la religion orthodoxe
Le Triomphe de l’Orthodoxie (Jean 1, 43-51)
Homélie prononcée par le Père Boris le 15 Mars 1992 à la Cathédrale de la rue Daru à Paris
ici transcrite à l’indication de Delphine WEULERSSE
Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit.
L’Eglise fête aujourd’hui dans ce premier dimanche de carême le triomphe de l’Orthodoxie, fête instaurée au IXe siècle lorsque, pour une seconde fois, elle put surmonter l’iconoclasme et restaurer la vénération des Saintes Icônes. Le triomphe de l’Orthodoxie, c’est le triomphe de l’icône, c’est-à-dire de l’image de Dieu dont Dieu est Lui- même le seul et l’unique peintre.
Il n’v a qu’une image de Dieu, cette image c’est le Christ lui- même, le Christ éternel venant dans le monde et nous révélant l’amour du Père, nous révélant le Père comme amour. Et cet amour nous atteint, nous, touche parce que, comme le dit St Paul, «l’amour de Dieu a été répandu dans vos cœurs par le Saint Esprit qui vous a été donné. » L’amour de Dieu, c’est une eau vive, c’est un parfum, c’est une joie extraordinaire, c’est la vie. Par l’amour, tout est donné. Cet amour se révèle tout d’abord dans nos propres cœurs, parce que l’homme est créé à l’image de Dieu. Cela signifie que cette image, à savoir le Christ lui-même, est au plus profond de notre être. Quand je dis au plus profond, cela signifie plus profond encore que le subconscient, plus profond que le péché, plus profond que cette pénombre de lumière et de ténèbre encore mal distinguées l’une de l’autre. Plus profond que tout cela, il y a le noyau même de l’homme, qui est l’image de Dieu, le sceau de Dieu dans tout être humain, dans tout être venant dans le monde.
L’Évangile de Jean dit : Il était la lumière qui éclaire tout homme venant dans le monde (Jn 1,9). Le but même de la venue du Christ sur terre est de restaurer cette image de Dieu, cette image intérieure au cœur de l’homme. Restaurer cette image signifie la rendre visible, rayonnante, supprimant tout ce qui l’empêche de briller et de transparaître. L’homme doit renouveler l’icône qui est dans son propre cœur et devenir lui-même icône de la présence du Christ, temple de l’Esprit Saint. Saint Paul le rappelle fréquemment: Ne savez-vous pas, frères, que vous êtes vous-mêmes dans votre corps le Temple de l’Esprit Saint et que l’Esprit Saint demeure en vous ?
L’Orthodoxie n’est rien d’autre que cette plénitude de vie divine qui nous est offerte et que nous devons tout d’abord accueillir en nous comme une semence. Cette semence grandit en nous comme si nous devions la mettre au monde. Or, comme le dit le Seigneur dans l’Evangile,de Jean, la femme sur le,point d’accoucher est dans la tristesse parce que son heure est venue; mais lorsqu’elle a enfanté, elle oublie ses douleurs dans la joie qu’un homme soit venu au monde. Mettre le Christ en nous, c’est aussi le faire naître, et nous-mêmes par conséquent en être transformés. C’est cela l’Orthodoxie, de nouveau je le dis, c’est cette plénitude de vie divine en nous dans laquelle nous comprenons la parole de St Paul: Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi, ou celle de St Jean Baptiste: Lui, il doit grandir et moi, je dois diminuer. C’est-à-dire que notre existence entière est une transformation constante par laquelle le vieil homme en nous doit mourir et l’homme nouveau, le Christ, doit naître, grandir et siéger sur le trône divin qu’est notre cœur.
De cette Orthodoxie nous sommes les porteurs, chacun de nous en particulier et tous ensemble. Chacun de nous, parce que s’opère ce lien d’amour entre Dieu,— le Christ et le Père aussi dans la puissance de l’Esprit Saint,— et mon être le plus personnel. Et tous ensemble, en église, car l’Orthodoxie, c’est l’Église. L’Église n’est pas seulement la communauté ici présente, rassemblée dans le mystère du Christ, mais c’est aussi les saints du passé et du présent, connus et inconnus, ce sont tous ceux qui se sont nourris du corps du Christ, tous ceux qui ont été abreuvés de son sang, tous ceux qui ont été immergés, on peut le dire, dans l’eau vive de l’Esprit Saint, tous ceux qui ont été, jadis et maintenant et dans le futur aussi, enflammés, embrasés du feu de l’amour du Christ.
De sorte que l’Église est cette totalité, cette plénitude dans laquelle tous les hommes sont appelés à entrer, à vivre. Les limites de l’Eglise restent un mystère, nous ne les connaissons pas, elles nous dépassent. Nous n’avons pas à juger, nous n’avons pas à enfermer qui que ce soit en dehors de l’Église. Et l’Église est là, bien sûr, accueillant, appelant et invitant à entrer, à rencontrer le Christ, à le découvrir et à lui faire allégeance. Faire allégeance au Christ, cela veut dire vouloir qu’il soit ma propre loi, qu’il soit ma vie et que je règle toute mon existence en accord avec son amour, avec sa parole, avec sa volonté.
L’Orthodoxie devient alors une Orthodoxie vivante, l’Orthodoxie de la communauté vivante que nous sommes, liée à toutes les autres communautés de la terre et nous témoignons, comme le faisaient les anciens chrétiens dont on disait Regardez comme ils s’aiment! L’amour des chrétiens, non seulement entre eux, dans la communauté, mais rayonnant en dehors de la communauté, était et doit être le signe véritable, le symbole, la vérification aussi de la vérité même de l’Église. Car sans amour, la vérité de l’Orthodoxie est une vérité froide et morte.
Pour terminer, je rappellerai simplement le sens du mot « orthodoxie ». « Orthodoxie », en grec signifie être dans la vraie foi. C’est confesser le Christ, confesser la Divine Trinité, confesser tous les mystères et tous les dogmes de l’Eglise. Cette confession de foi est une formulation en langage humain d’une expérience indicible. Mais toute confession de la foi est d’abord intérieure, inséparable de la prière et de la louange. Un saint de l’Église ancienne disait que celui qui prie est théologien, C’est dans la mesure où nous sommes nous-mêmes transformés et renouvelés par la prière, à la fois personnelle et communautaire, que notre foi va grandir, se stabiliser et devenir certitude. Par conséquent nous devons commencer par grandir dans la louange de Dieu et ensuite, cette louange de Dieu nous entraîne à la connaissance de Dieu, à la vision de Dieu. Comme le dit l’Évangile de Saint Jean d’aujourd’hui : « En vérité, en vérité je vous le dis, vous verrez désormais le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l’homme ».