Monique ARRII-BLACHETTE-CHAPPEY

de Caroline CHAPPEY-RIBADEAU DUMAS – extrait du Trait d’Union n° 3 – 1994, consacré à l’enseignement

Je ne pouvais aborder ce thème de l’enseignement sans évoquer la figure emblématique de Maman que notre scolarité et nos études n’ont jamais laissé indifférente, bien au contraire.

Elle suivait avec attention nos études, se dévouant sans pareil pour nous faire apprendre nos leçons. C’est elle qui, au travers de nous, passait tous les examens, peu de matières lui résistaient. Mais quand le problème de mathématique devenait trop pointu, Papa prenait le relais. Je me souviens qu’en cette matière plus particulièrement, Papa devait à mon égard, redoubler d’efforts et que, pendant des années, il est parti en croisade contre le psittacisme que j’affichais.

Notre cousin Frédéric, entre autres, doit se souvenir de nos débuts d’après-midi studieux à Hardelot. Il faut avouer que nous partions en vacances avec un certain nombre de devoirs de vacances (moi particulièrement).

Elle nous avait promis un châtiment exemplaire en cas de redoublement : la pension.

Quand, en 4ème, l’annonce de mon redoublement fut connue, plus personne n’entendit jamais parler de ce que nous imaginions être le bagne.

Elle nous a inculqué une partie de son imagination et de son esprit d’initiative.

Quand Christian, âgé d’une dizaine d’années, manifestait un manque d’enthousiasme évident pour aller le jeudi après-midi jouer au football avec l’équipe de Gerson, Maman lui proposait, avec le plus grand sérieux de le remplacer et précisait qu’à cette fin elle s’était déjà procuré une tenue aux couleurs de Gerson ainsi que des chaussures à crampons. L’effet était généralement immédiat, il détalait.

Ce stratagème a été couronné de succès plus d’une fois et cela nous a valu l’arrivée de Belzébuth. Christian, revenant du stade situé à Bagatelle, traversait le Bois de Boulogne et un jour, il vit un chat empoisonné en proie à des convulsions. Ayant trouvé un carton, dans lequel il réussit à mettre cette pauvre bête, il revint à la maison. Soigné, Belzébuth vécut une dizaine d’années. De type angora, il devait son nom à sa couleur noire et les deux seules tâches de couleur étaient ses yeux jaunes.

Patrick, quant à lui, a traversé très rapidement une période où chacune de ses phrases était ponctuée d’un juron, Maman avait adopté à son égard le même langage. Hébété il se disait très choqué mais cela a également porté ses fruits. La spécialité de Patrick était de rapporter des poissons rouges gagnés lors des fêtes de charité qui, malgré les soins prodigués, n’ont jamais vécu longtemps.

Quant à moi, je lui dois une seconde fois la vie. Agée d’une quinzaine d’années, « planchant » sur une version grecque à Gouvieux, j’ai avalé le bout en plastic d’un « bic » qui s’était coincé dans la gorge et je commençais à m’étouffer. Alertée par mes bruits, Maman m’a immédiatement saisie par les pieds et, la force décuplée par le danger, m’a secouée tel le prunier moyen. Le bout en plastic est sorti. Sans son réflexe, vous auriez un autre rédacteur du « Trait d’Union ». A part cet épisode mémorable pour nous deux, nous étions très régulièrement sujettes à d’intenses fous-rire.

Maman, personne « intérieure » et pudique, était d’une nature ouverte, impulsive, gaie et passionnée.

Elle avait la démarche de ces gens qui ont un but dans la vie. Pour elle, ce but était les autres, qu’ils soient humains ou animaux (nous avons eu oiseaux. poissons rouges, chien et chats et ces derniers occupaient une place très importante dans notre famille).

Je passerai le plus rapidement possible sur les dernières années de sa vie qui furent également une grande leçon de courage et de lutte contre ce mal qui l’habitait.

En conclusion, je dirais que l’une des grandes leçons tirées de l’éducation inculquée par nos parents est que si l’on pouvait mourir de honte, depuis longtemps l’humanité ne serait plus. C’est pourquoi nous osons agir.


de Caroline CHAPPEY-RIBADEAUDUMAS 

J’ai demandé à des amies de Maman, très chères à son cœur, d’évoquer soit un souvenir soit une anecdote sur Maman qui pourrait illustrer un trait de son caractère. C’est de très bonne grâce qu’elles ont accepté et m’adressent les lettres suivantes. Je les en remercie très sincèrement.

 

d’Huguette de GONTAUT-BIRON

Chère Caroline, Bravo pour votre initiative, votre mère le méritait bien. Que vous dire sur elle ? Que vous ne sachiez déjà !

Je l’ai suivie depuis mon entrée en seconde aux « Oiseaux », rue de Ponthieu, dans le magnifique hôtel particulier aux boiseries dorées, avec Diane Chasseresse au pied de l’escalier, et le grand jardin derrière où nous jouions (pas beaucoup. nous parlions surtout) sans oublier la très grande chapelle …

J’allais souvent la voir, rue Jean Goujon, dans ce superbe appartement envahi par tous les beaux tableaux peints par sa mère.

Sur elle-même, que dire ? Sinon qu’elle était une jeune fille jolie, sage, studieuse, appliquée et que ses notes étaient bien supérieures aux miennes. Nous étions une bande de 3. La 3ème était Marguerite Le Roy Ladurie, drôle, fantaisiste, qui, pour ses notes, passait du 0 au 20 avec facilité, suivant l’inspiration du moment. Et comme nous étions très différentes, nous nous entendions très bien.

Votre mère riait beaucoup, et son rire était communicatif.

Ses histoires de cœur ? Nous y voilà. Faut-il avouer qu’elle était amoureuse d’un chanteur à la mode (amour tout platonique, bien sûr) que je faisais ce que je pouvais pour l’en détourner, mais qu’elle m’entrainait quand même avec elle (elle n’osait pas y aller seule) quand elle allait soupirer sous ses fenêtres ! A 18 ans, c’est permis… Cela n’a pas duré longtemps, mais tout ce qui était romantique l’attirait.

Aussi, en littérature, elle était imbattable : sur les Romantiques, justement.

Avez-vous une photo de son mariage, avec la superbe robe de ‘dentelle qui lui allait si bien ? Avez-vous gardé cette robe ? C’est une splendeur.

A partir de son mariage, elle s’est consacrée à son rôle de mère de famille et cependant elle ne m’a pas quittée et je lui suis restée fidèle… Vous souvenez-vous de l’appartement du boulevard des Sablons, tout contre le bois où j’allais vous promener ? Puis celui du boulevard Jean Mermoz, près de l’Eglise Saint-Pierre de Neuilly…

Ce qui me plaisait en elle, c’est sa droiture, elle ne savait pas mentir et on pouvait lui confier un secret, elle savait garder sa langue – et çà, c’est très rare.

Merci de votre si gentille lettre. Venez me voir quand vous voudrez avec votre père et votre mari, vous ne me dérangerez jamais.

Je vous embrasse affectueusement.

 

de Thérèse de MONTRAYNAUD

Ma Chère Caroline,

Merci de ta lettre, tu sais que j’ai toujours beaucoup de plaisir à parler de ta mère.

Nous avons été plusieurs années sur les bancs des « Oiseaux » rue de Ponthieu.

Nos meilleurs souvenirs de cette époque furent les parties de ballon prisonnier, au cours desquelles nous nous défoulions par de grands éclats de rire.

Puis ce fut la période des grandes soirées en robes longues où ta maman était toujours superbe, c’était en 1947, je pense.

Ensuite nous nous retrouvions à Saint-Jean Cap Ferrat, l’été. J’étais chez ma Grand-Mère, nous étions une joyeuse bande de cousins et cousines et ta maman se joignait à nous, elle tenait une grande place parmi nous avec sa gaieté et la finesse de son caractère.

Sa grande fidélité a fait que nous ne nous sommes jamais perdues de vue grâce à des coups de téléphone interminables.

Elle nous a quittés – cependant elle est toujours présente, on ne peut pas l’oublier.

Chère Caroline, merci encore de me donner des nouvelles de la famille.

Je t’embrasse affectueusement.