Germaine LASSALLE-CHAPPEY

sommaire :

– souvenirs d’Hélène CHAPPEY-RAULET
– souvenirs de Philippe CHAPPEY
– souvenirs de Colette BAUBION
– souvenirs de l’abbé Raymond MOUZON

un article sur la femme et son univers (en allemand, avec la traduction) est disponible sur le Trait d’Union n° 10 (cliquez ici)

avec sa soeur puinée Simone

– souvenirs d’Hélène CHAPPEY-RAULET – qui ne peut pas cacher qu’elle a lu Georges Perec –  extrait du Trait d’Union n° 1 – 1993 

Je me souviens
     d’une Dame, ma grand mère,
     Germaine Chappey, née Lassalle,
    qui n’aimait pas son prénom,

Je me souviens
     de sa taille qui rapetissait au fur et à mesure que je grandissais, d’un vison venu réchauffer une épouse devenue veuve, de bijoux de tissu, fleur déposée sur 1 épaulé d’une autre mère des Gracques,
     d’une bague noire et argent offerte par sa sœur Madeleine, portée quotidiennement, souhaitée par un petit-fils,
     de robe d’un chic de marché de Neuilly,
     de lèvres Rouge Baiser à l’économie de miroir,
     d’une stature altière malgré les souffrances, coincée dans les oreillers des fauteuils de velours passé, ou accrochée à une canne autoritaire sur un plan incliné,
     d’une bibliothèque familiale jusqu’au bout consultée : l’invité italien était en droit de dîner avec une parisienne au courant de la 2ème guerre punique,
     de l’Enfant de la Mine, livre quelle avait reçu à douze ans et qu’en tant qu’ainée elle m’a offert à ce même âge,
     du papier mouillé du Petit Suisse, déposé par moi ou par Pascale sur sa tête le samedi, boulevard Flandrin, pour briser l’ennui de ce déjeuner d’adulte.

Je me souviens
     du tissu gai de Cogolin qui recouvre le canapé de « Sainte Mamine »,
     de la femme nue aux cuisses puissantes, choisie comme maîtresse du salon de marbre,
     du madarin de bronze considéré par elle comme le dieu lare de sa maison du soleil,
     du chapeau de paille voilant le regard malicieux,
     de moments d’intimité dans sa villa de rêves,

Je me souviens
     de la commode à jeux du boulevard Jean Mermoz,existait-elle déjà en tant que telle boulevard Flandrin ? Les jeux y étaient au jardin …
     du briquet malmené pour une clope au bec accompagnant la tasse de café,
     des livres toujours présents, de la nuque studieuse, des questions d’actualité, des échanges personnalisés,
     de soirées luxueuses entourée de ses enfants à l’Opéra,
     de chiffres devenus dangereux avec le temps : 203,204,

Je me souviens
     d’une femme de tête, gestionnaire du patrimoine familial, d’une épouse aux petits soins pour son Jo, d’une mère fière de ses quatre nls,
     d’un pilier favorisant les traditions de recontres et d’échanges de familles,
     d’une femme du monde estimée pour sa simplicité de cœur.

Je me souviens
     d’avoir pu devenir une femme aux yeux de ma grand mère,
     d’avoir été écoutée et aimée par une personne qui savait l’intérêt relatif des conseils, et qui s’était adoucie avec le temps.

27 novembre 1993  –  pour trait d’union – lien familial   –  Hélène Chappey- Raulet  –  qui ne peut pas cacher quelle a lu Georges Perec.

 

souvenirs de Philippe CHAPPEY – extrait du Trait d’Union n° 2 – 1994

Ma mère fit de brillantes études secondaires au lycée Molière, à Paris, qui furent sanctionnées par l’obtention du baccalauréat, ce qui n’était pas courant pour des jeunes filles à cette époque.

Encouragée par sa grand-mère, elle décida tout naturellement de poursuivre ses études et son altruisme, son intérêt pour les autres lui firent choisir de devenir médecin.

Mais nous avons très peu de souvenirs des études médicales de notre mère. N’ayant jamais été malade, sauf quelques « bobos » ou maladies d’enfant, je n’ai pas de souvenir des soins éclairés qu’elle aurait pu me prodiguer. Dans un sens je le regrette aujourd’hui.

Son mariage avec Joseph Chappey qui, jeune diplomate, l’emmena à Genève (où il avait un poste à la Société des Nations), à Dantzig et à Vienne, ne lui permit pas de poursuivre ses études jusqu’au doctorat.

Parmi les souvenirs, nous avons le témoignage d’Oncle Maurice Lamy qui a toujours dit son admiration pour Germaine Lassalle, reçue dans les toutes premières à l’externat des hôpitaux de Paris.

L’autre témoignage est cette photo que nous publions qui la montre en jeune élève dans le service du Professeur Brachet en 1917 (→ voir cette photo dans le Trait d’Union n° 2 – 1994).

Nous avons essayé de recueillir le témoignage de Madame Dolfuss qui, âgée à ce jour de 95 ans, se rappelait très bien de Germaine Lassalle avec laquelle elle avait fait ses études médicales mais n’a pu en dire en davantage. Tante Colette Lamy a contacté Georges Sée, cousin de Madame Dreyfus également condisciple de Germaine mais il n’a, à ce jour, pu donner d’informations.

Maman n’a jamais exercé mais a gardé toute sa vie des relations amicales et suivies avec ses anciennes condisciples.  

 

souvenirs de Colette BAUBION – extrait du Trait d’Union n° 3 – 1994

à propos de Germaine CHAPPEY, dite « Tante NANO » pour ses neveux et « DORINE » pour ses enfants

Dans le précédent numéro de ce journal familial, Françoise Bastid écrivait en parlant des deux Germaine Chappey « elles avaient l’une et l’autre fait des études supérieures, l’une sa médecine, l’autre son droit, et, à l’époque, cela n’était pas courant ».

Certes, et pourtant elles étaient toutes les deux rentrées dans le rang des épouses et mères de famille « à la maison ». Aujourd’hui on aurait tendance à déplorer cette absence de vie personnelle et sans doute même à considérer cela comme un sacrifice inutile.

En tout cas, à l’une comme à l’autre, ce choix n’avait pas conféré vocation de sacrifiée et elles n’offraient pas l’image austère de la femme de devoir !

Leurs études leur avaient au moins servi à cultiver leur esprit et elle n’en manquaient ni l’une ni l’autre !

Quant à la joie de vivre, on peut dire que Dorine a conservé, presque jusqu’à la fin de sa vie, un plaisir naturel à faire des choses, à accepter une occasion de sortir ou de partir faire un voyage pour rejoindre ses enfants ou partager leurs vacances.

Lorsque nous lui proposions, par exemple, de nous retrouver au théâtre, et quelques fois à l’improviste, elle sautait dans sa voiture puis dans un métro et nous rejoignait sans hésitation. Il faut dire que les soucis de santé de mon père l’avaient pendant des années, privée de ce genre de plaisirs et qu’elle était loin d’être blasée !

Pourvue d’une santé et d’un équilibre à toute épreuve (elle reconnaissait n’avoir jamais pris un cachet d’aspirine ou le quart d’un somnifère), elle avait une façon simple, optimiste, efficace d’aplanir les difficultés et d’aborder les problèmes. D’abord en éliminant tous ceux qui n’existaient pas vraiment – et cela fait déjà beaucoup – puis en voyant rapidement la solution ou la juste proportion des choses.

Les problèmes existentiels ? Je ne l’ai jamais entendu parler de ses « angoisses métaphysiques » … elle en ressentait peut-être mais non seulement elle n’en faisait aucun cas mais ce genre de problèmes étant précisément ceux auxquels on ne peut apporter une réponse, il n’était pas dans son tempérament actif et pragmatique de s’y cogner la tête.

Esprit libre, la religion ne lui était d’aucun secours mais elle était essentiellement sereine; les dernières années, ce n’était pas l’approche de la mort qui la rendait triste mais le fait de se savoir diminuée et la crainte d’être une charge pour ses enfants.

Quant aux autres problèmes plus concrets de la vie, d’instinct elle ramenait les choses à leur juste valeur. Que de fois l’ai-je entendu dire, intervenant après moult discussions ou tergiversations « tant qu’il s’agit de problèmes matériels, ne dramatisons pas ». Elle voyait l’essentiel très vite et cette rapidité d’esprit était une des facettes essentielles de son intelligence … encore que « ses lunettes roses » – comme nous lui disions presque avec une nuance de reproche – lui laissaient un délai de grâce lorsqu’il s’agissait de voir la réalité des êtres. Mais, Dieu merci, c’était là un utile contrepoids à l’extra-voyance de mon père !

De la maison de Soulaire, je laisse à mon frère Jean-Pierre le soin d’en parler. Je dirai seulement qu’elle en était l’âme et que, grâce à elle, cette demeure était le havre où nous éprouvions un sentiment de paix et de sécurité comme nulle part ailleurs.

Et pour terminer par un mot, un seul, comme chez Pivot, à la question « quelle était à vos yeux la qualité essentielle de votre mère ? » Je répondrai  la légèreté.

Dorine légère ? Oui, car si discrète et si peu « conseillère ».

Ces années de vacances me laissent un merveilleux souvenir bien qu’elles aient eu lieu pendant la guerre de 14-18. Si tous les membres de la famille furent enchantés de découvrir des paysages nouveaux, aussitôt la guerre terminée, tous furent heureux de reprendre les anciennes traditions familiales au milieu des brumes et des vents du Pas de Calais et de la Picardie. L’Auvergne et La Bretagne furent vite oubliées.

 

souvenirs de l’abbé Raymond MOUZON – extrait du Trait d’Union n° 9

C’était également lors d’un de mes deux séjours d’hiver à la « Flamengrie ». Comme d’habitude, le téléphone avait bien fonctionné dans la mati­née .

Quand je me suis présenté à la salle à manger pour le déjeuner, Ma­dame Chappey me fit le « topo » de l’après-midi : « Départ à 14h30. Devinez où nous  allons, Monsieur l’abbé !… A Draguignan ! Nous allons visiter, le « Centre Archéologique Méditerranéen International ». Pour être certaine d’ obtenir une visite guidée, et de qualité, j’ai dit que vous étiez un grand archéologue de Belgique. J’ai à peine exagéré, n’est-ce pas ? »

N’étant ni grand ni archéologue, j’étais empli de confusion quand vint nous ouvrir la porte le directeur du Centre en personne. Ce direc­teur était prêtre, comme moi, mais cela n’arrangeait rien. Il nous fit un discours et un parcours éblouissants sur la richesse archéologique des fonds méditerranéens , non seulement en ce qui concerne la période romaine, mais aussi toutes celles qui ont précédé: les Phocéens, les Grecs, les Ligures, les Ibères .. . Il nous captiva en nous expliquant les prouesses actuelles des analyses et des traitements réalisés par l’institution.

Je ne pouvais ni perdre la face ni confondre ma bienfaitrice. Je glis­sai cependant entre deux phrases que je n’étais qu’un amateur d’archéolo­gie. Par civilité, le directeur crut bon de s’informer sur la vitalité des recherches archéologiques en Belgique. Je parvins heureusement à ca­naliser la conversation sur deux sujets où je me sentais à l’aise: les fouilles des tombelles celtiques au pays de Neuf château et les inven­taires de l’Institut Royal du Patrimoine Artistique (IRPA)

– « Vous savez qu’on vous l’envie dans le monde entier, votre IRPA ? me dit le conservateur. Et moi qui croyais que l’équivalent existait dans tous les pays civilisés . . .

Le soir tombe tôt en janvier. Il ne faudra pas traîner au retour. Comme à l’accoutumée, Madame Chappey tient le volant, son mari occupe la banquette arrière, et moi le siège avant, à droite du chauffeur. « Vous êtes notre hôte!  » m’a dit Madame Chappey.

A un moment donné, nous nous approchons d’un passage à niveau de la ligne de chemin de fer Toulon-Nice. Au-delà des rails, on voit le carrefour, tout proche, où notre route rejoint perpendiculairement la nationale Marseille-Saint-Raphaël.
– Nous irons par la gauche! déclare Madame Chappey.
– On va toujours par la droite! réplique son mari.
– Oui, mais c’est plus court par la gauche !
– J’ai peine à le croire …

Sans bien s’en rendre compte, Madame Chappey avait engagé te véhicule sur les voies. S’énervant un peu, elle se retourne vers son mari:
– Mais enfin, Jo, puisque je te dis …

A ce moment, le moteur étouffe! Pour ma part, resté neutre dans te conflit, j’entends distinctement la sonnerie du passage à niveau qui se déclenche. Blâme ou pas blâme, je m’écrie: – Madame Chappey, redémarrez vite !

Heureusement, te moteur obéit au quart de tour! 1t était temps :les barrières s’abaissaient  déjà et, à peu de chose prés , elles glissaient sur l’arrière du véhicule !

0uf ! pensais-je. Une fois de plus, la Belgique venait de sauver la France !