Léon THUILLIER
mariage de Mr. Léon THUILLIER avec Melle Lasthénie LANDRY – célébré le 10 décembre 1899 – de Madame Achille LEFEVRE (les LEFEVRE étaient des amis de Vignacourt)
Clément n’a pu y assister, retenu par des douleurs aux pieds et Anna n’ayant pas voulu quitter le deuil de sa chère mère.
Nous sommes partis Achille et moi par l’express du matin, le dimanche 10 novembre 1899. Arrivés à Paris à 11 heures, une voiture nous attendait à deux chevaux ; nous sommes descendus chez Mr. Thuillier Bd Magenta 66. Nous avons déjeuner ; il y avait à table le futur marié et un garçon d’honneur Mr. Delpech et Mr. et Mme Thuillier. On s’est habillé et on est allé chercher la mariée rue Gay-Lussac. Toute la noce s’est réunie à la maison. La mariée était habillée en velours blanc ; elle était très très bien. Mme Landry en soie bleue brochée, elle avait très grand air. Mme Thuillier en velours noir très distinguée. Mme Lassalle en soie bleue ciel recouvert de tulle grec ouvragé ; cette toilette n’était pas commune. Mme Landry en velours bleu et un grand col garni de rose et blanc très joli. Melles Landry en satin gris perle superbe. Et beaucoup de fort belles toilettes. On est remonté en voiture pour aller à la Mairie du lOème arr. Il y avait foule à l’entrée ; le cortège sur l’escalier était très grandiose ! La musique jouait la marche nuptiale. J’étais au bras de Mr. A. Landry. Mr. le Maire et Mrs les Adjoints étaient là lorsque nous nous sommes placés.
J’ai remarqué dans l’assistance Mr. Fallières, Président du Sénat et de Mr. de Frécinet. Les demoiselles Loissy ont joué de la harpe accompagnées de musique très belle et très douce. Mr. Fabre premier-adjoint a prononcé un fort beau discours et plusieurs personnes du comité de Mr. Thuillier ; ils ont offert aussi de belles corbeilles de fleurs naturelles.
Les témoins du marié étaient Mr. Brisson, député et Mr. Eugène Thuillier, son oncle et ceux de la mariée Mr. Chambaraud, Conseiller à la Cour de Cassation et Mr. Forcioli ancien député. Il y avait plusieurs garçons et demoiselles d’honneur tous très gentils et de belles toilettes.
Mr. Landry m’avait placé on ne pouvait mieux. Après la cérémonie, on est allé dans une salle immense saluer les jeunes époux et leurs parents ; j’ai rencontré plusieurs personnes de nos connaissances entr’autres Mr. Noé Hilluin que j’ai revu avec plaisir ; la famille Calippe ; Mme Bizet et Marthe ; Mr. et Mme Ducrotoy et Deverité. Il y avait dans cette salle un lunch et les demoiselles d’honneur passaient avec des assiettes assorties de belles et bonnes choses ; les glaces étaient excellentes comme tout le reste. Mme Thuillier et sa famille ont insisté pour nous faire rester le soir, nous avons accepté. Je me suis fait coiffer et Mme Thuillier m’a prêté un grand décolleté, j’étais – parait-il – très bien. On a dîné au grand hôtel. Tout y était aussi beau et aussi bon qu’aux noces de Mmes Lassalle et Landry. J’ai dansé au bal et me suis fort bien amusée. J’ai beaucoup causé avec Mme Parent qui est très gentille ; j’ai fait la connaissance de Mr. Parent. Mes Garaud et Drapier ont été très aimables ; Mme Boll toujours gentille, Mr et Mme Brisson sont restés au bal. J’ai remarqué plusieurs belles toilettes, une entr’autres dont la traîne était garnie de fleurs et celle de Mme Bouchaillier de Grenoble.
Le lendemain Mr. Thuillier nous a conduit au Sénat entendre juger les accusés par la Haute- Cour ; nous avons remarqué le petit Cailly qui a beaucoup protesté ; le comte de Dion qui n’a pas voulu prêter serment. Mr. Fallières et Mr. Le Procureur. Nous étions placés à droite et Mr. Thuillier est venu nous chercher et nous faire mettre à gauche où on voyait tous les accusés et Guérin. La séance a été suspendue vers 3 heures. Nous avons attendu 1 h 1/2 il y avait beaucoup de monde dans le couloir et sur l’escalier, plusieurs dames très aimables m’ont offert leur place sur le banc. Ne pouvant attendre plus longtemps à cause du train, nous sommes revenus chez Mme Thuillier ; Alexandrine nous a fait dîner. Mme Lassalle et Germaine sont venues nous dire au revoir et nous sommes partis par le train de 7 h. et rentrés enchantés du si bon accueil. »
sa disparition → et voici, repris du trait d’Union n° 5, l’article rédigé à l’occasion de la disparition de Léon par Lucien LASSALLE, son camarade de promotion devenu son beau-frère (bulletin de l’Ecole Centrale de Mai 1901)
Le plus grand malheur qui puisse frapper une famille vient d’accabler celle de notre Camarade Léon Thuillier, mort à vingt-sept ans, plein d’avenir, terrassé au milieu d’un bonheur dont il venait à peine de jouir. Tous nos Camarades de la promotion 1894, et les habitués des réunions du Groupe de Paris, dont il fut un familier, ne. se rappelleront pas sans émotion ce grand garçon à la figure ouverte et à l’abord si sympathique. Le mot de sympathie même exprime insuffisamment le sentiment qu’inspiraient sa franchise, sa gaieté et sa verve, mis au service d’un esprit des plus fins.
Entré très jeune à l’école, il en sortit, ses études terminées, pour aider son père qui dirigeait, à Paris, une importante maison de couverture et plomberie, et qui, absorbé par son mandat de sénateur, fut très heureux de se décharger sur son fils du soin de ses affaires; celui-ci y réussit brillamment.
Vivant avec lui dans une intimité constante, j’ai eu le loisir d’apprécier, mieux que personne, cette intelligence et ces généreuses qualité de cœur qui firent qu’avec lui les relations d’affaires se doublaient toujours de relations d’amitié. Quoique l’industrie qu’il dirigeait absorbât la plus grande partie de son temps et de ses forces, il avait la conviction qu’il devait s’occuper des déshérités de la fortune. D’une bonté inépuisable. il eut la conception de la vraie charité, celle qui donne non seulement les secours pécuniaires, mais l’affection et l’appui moral, et une université populaire, qu’il fonda lui-même au dépens de ses forces, restera pour consacrer les efforts qu’il fit pour l’éducation de la classe ouvrière. Ses projets furent vastes : il rêvait d’œuvres sociales, qu’il eût certainement créées, si la mort ne l’avait enlevé, à Dax, où il était allé chercher la santé, épuisé qu’il était par les fatigues d’un hiver très pénible..
Le souvenir qu’il laissera à tous ceux qui l’auront approché sera celui d’une brillante intelligence et d’une vraie bonté.