malades en fin de vie : les visites se raréfient extrait du Figaro daté du 9 décembre 2021

Avec la crise sanitaire, ces accompagnements ont été divisés par deux.
Un appel aux bénévoles est lancé.

Solidarité
Ne pas laisser les mourants seuls, entourer les ma­lades : «un impératif social et éthi­que» qui peine aujourd’hui à être appliqué sur le terrain.
La Fédération des associations Jalmalv (Jus­qu’à la mort accompagner la vie) alerte sur la dégradation de l’ac­compagnement des personnes en fin de vie. Les visites aux malades des bénévoles de ce réseau ont presque été divisées par trois en 2020, passant de 65000 à 25000 en raison des restrictions sanitai­res. En 2021, malgré une reprise partielle, elles sont restées «deux fois moins nombreuses qu’en temps normal», estime Olivier de Margerie, président de la Fédération. « La crise sanitaire a amplifié la so­litude des personnes enfin de vie », interpelle ce réseau de 75 associa­tions, reconnu d’utilité publique, dans un manifeste sorti en cette fin d’année.

Près de deux ans après le début de la pandémie de Covid-19, les quelque 2000 bénévoles de Jal­malv ne sont plus en mesure de couvrir tous les besoins et de ré­pondre à la demande. «Nos asso­ciations ont besoin de plus de béné­voles. Nous sommes contraints de refuser de signer des conventions avec des services hospitaliers ou des Ehpad qui font appel à nous déplore Olivier de Margerie. Il faut dire que la crise sanitaire a non seulement enrayé le recrutement des volontaires, mais aussi décou­ragé d’anciens bénévoles. «Cer­tains ont levé le pied par peur du vi­rus, d’autres ont abandonné car les conditions des visites étaient com­pliquées.
On ne pouvait pas monter dans les étages, par exemple, ou te­nir la main des personnes accom­pagnées à cause des règles sanitai­res»,
décrit Sylvette Auche, présidente de Jalmalv Yvelines. Sessions de sensibilisation à ce bé­névolat «sans idéalisation ni dra­matisation», notions sur la fin de vie, découverte des règles en vi­gueur dans les hôpitaux, appren­tissage à l’écoute…
La situation est d’autant plus tendue que les nou­veaux venus doivent impérative­ment suivre plusieurs formations avant d’exercer cette mission dé­licate sur le terrain. « Tout ce pro­cessus a pris un an de retard, ce qui a contribué à freiner notre dévelop­pement annuel», explique Olivier de Margerie.

Groupe de parole
La perspective de rencontrer des personnes isolées, malades ou mourantes est-elle un frein au re­crutement? « Cette proximité avec la mort peut renvoyer une image de peur, mais ce n’est pas ce que nous vivons, répond Olivier de Marge­rie. Paradoxalement, ces rencon­tres apportent une intensité dé vie considérable. Il arrive souvent que des bénévoles éprouvent un senti­ment de plénitude car ils ont vécu une rencontre humaine intense, d’une grande authenticité. » Tous les mois, les bénévoles participent par ailleurs à un groupe de parole avec un psychologue où ils parta­gent leur expérience.

Sur le terrain
Les bénévoles consacrent une demi-journée par semaine à ces visites dans ces servi­ces de cancérologie, en unité de soins palliatifs, auprès de personnes qui vivent leurs dernières heures, mais aussi en Ehpad ou auprès de personnes malades qu’ils voient plusieurs fois. Il faut faire preuve d’empathie, savoir gérer leurs émotions, écouter sans se projeter et surtout «vivre l’instant présent avec la personne accompagnée», estime Sylvette Auche, engagée à Jalmalv après avoir fait le deuil de sa fille. «Ce sont des moments où la personne malade peut dire des choses très importantes. Quelquefois, une simple présence suffit », rapporte-t- elle. «Souvent, ce sont des instants forts, abonde Olivier de Margerie. Ces échanges ne passent pas toujours par la parole. Ce temps donné, sans services, sans soins, parfois même en silence, permet à la personne accom­pagnée de s’ouvrir, d’exister. »

Si certains malades sont entou­rés par leurs proches, une «gran­de partie» des patients ou des personnes en fin de vie accompagnées par Jalmalv sont «totale­ment isolées». «Certains disent qu’ils sont déjà morts socialement. Nos visites évitent des sentiments d’abandon chez ces personnes. Les soignants font leur possible mais ils sont généralement très chargés et n’ont pas beaucoup de temps pour l’écoute», souligne le président de la fédération.
Dans son manifeste, Jalmalv va au-delà de ce constat et interpelle : « Nous ouvrons les yeux et tendons la main aux nouveau- nés, tandis que nous fermons les yeux et restons frileux pour appor­ter du réconfort aux personnes en fin de vie. Quelle est cette solidarité qui ne traverse pas   les âges ?»                                                                                                                       Agnès LECLAIR
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