le dahu approche linguistique

esquisse d’une approche linguistique (et même, on le verra, paleo-linguistique) valant étude prolégoménique de la phénoménologie non arbitraire de l’appellation

Le mot dahu est composé, à l’évidence, des deux phonèmes da et hu :
– 
da n’est qu’une variante de la préposition « de » = à partir de (ce qui, parfois, indique la filiation, au même titre, dans d’autres langages, que « ben », « ibn », « son », etc..) – on retrouve cette préposition dans de nombreux noms (par exemple : DA COSTA, président éphémère du Brésil en 1917) – DA PONTE, célèbre musicien – DA LOLO, restaurateur à Saint TROPEZ – ou tout simplement DA, patronyme porté aujourd’hui par de nombreuses personnes;
– hu fait l’objet d’une dispute (ce mot devant être pris dans son acception noble de débat, correct et policé) : certains y voient le terme désignant, par création onomatopéique, le cri, ou le crieur – le terme serait le substantif verbal de « huer », qui existe bel et bien aujourd’hui, et qui a donné naissance à des animaux criards tels que la hulotte, ou le chat-huant – d’autres y voient la racine désignant la porte = le huis, et, par extension, l’abri, et même la maison : hutte, huteau – en anglais : house – en allemand : haus.

Il semble qu’il faille résolument écarter d’autres possibilités :
– certains voudraient y voir une variante de la contraction, par apocope, du mot latin hodie = « hoc dies » (« ce jour »), devenu hui dans « aujourd’hui » (même si la traduction littérale = « au jour de ce jour » est quelque peu redondante et pléonastique., mais ceci est une autre histoire, comme eût dit Ruyard KIPLING – mais, linguistiquement, le passage de o à u ne s’explique pas, pas plus que le recours à la préposition démonstrative hoc = ce !
– d’autres voudraient retrouver le mot hutin = querelleur (voyez le roi de France Louis X, dit le Hutin), mais l’accord se fait généralement entre spécialistes pour n’y voir qu’un avatar de la racine « huer » = crier (voir ci-dessus) : un querelleur crie toujours !
– d’autres encore voudraient remonter à huron, mais il semble qu’il faille – respectueusement pour les chercheurs concernés – déclarer cette prétention assez fantaisiste, car le mot n’est qu’une déformation, par agglutination, de la racine celtique urus, dont l’équivalent latin ursus a donné notre ours
– d’autres enfin voudraient se référer au latin humus = la terre, ou au scandinave hune = plate­forme en haut d’un mat, ou encore à l’anglais humour – mais les apocopes seraient trop sévères pour être raisonnablement acceptées (même s’il faut le regretter dans le cas d’humour).

On peut – et on doit – noter, au passage, que les deux phonèmes da et hu remontent au substrat indo-européen, langue mère de la très grande majorité des langues européennes (et certaines autres), et qui, de vocabulaire limité, recouraient le plus souvent à des mots monosyllabiques.
C’est dire ainsi, et prouver, l’ancienneté de l’animal désigné, qui nous occupe aujourd’hui.

Sans doute aucun, l’approche linguistique est formelle sur cette caractéristique d’ancienneté – mais il ne serait pas inutile que des recherches paleo-ethno-biologiques viennent confirmer ce qui doit – à notre avis – être considéré comme une avancée majeure dans l’étude du dahu.

Revenant à notre propos : quelle variante choisir pour expliquer, et même expliciter, le terme hu ? Celle du cri, ou bien celle de la maison ?
Il convient de remarquer que les deux explications, au premier abord, ne s’appliquent pas bien à un animal dont il est pleinement démontré – sans conteste – qu’il ne crie pas, et qu’il n’habite pas les maisons, étant, quoique doux, trop indépendant de caractère (il n’a jamais pu être domestiqué ! ).

Il faut ici se référer aux études et recherches de Monsieur le Professeur Philippe LANTZ (Université de Paris-Murat), mon maître, qui, dans une étude fouillée et fort documentée (preliminary approach of the sobriquet concept, volume XXIII, Librairie de l’Oreille, 1948), a démontré que la phénoménologie du sobriquet était très ancienne – beaucoup plus qu’on ne l’imaginait !
On savait, sans doute, que le recours aux sobriquets, identifiants attribués par l’entourage à une personne, puis, bientôt, transmis à sa descendance, étaient courants en latin (voyez CICERO = pois chiche !), et qu’ils l’étaient redevenus au moyen âge (lorsque l’accroissement de la population, à partir du 9ème siècle, a rendu nécessaire de recourir à des identifiants complémentaires, autres que ceux qui sont restés comme simples prénoms) : on trouve aujourd’hui la trace évidente de tels sobriquets (MAUVOISIN = mauvais voisin – BRISAC = brise-sac = meunier prenant plus que sa part de farine) – nos ancêtres étaient de langage plus rude qu’à présent, sans qu’il faille y voir, pour l’époque, de malice fondamentale ! On pourrait ici – mais ce n’est pas notre propos – rappeler la pudeur, sinon l’hypocrisie, du parler actuel – par la bouche d’Alceste, Molière l’a fait en son temps – tout au moins avant la vague éroticiste, voire pornographisante, de ces dernières années !

On sait aujourd’hui que cet usage de sobriquer remonte aux peuplades indo- européennes. C’est dire le tréfonds historique de ce qui doit être considéré comme l’une des manifestations de l’humour, l’un des besoins majeurs de l’homme (et de la femme, bien entendu).

Ainsi, quelle que soit l’acception choisie, on se trouve en face d’un sobriquet.
Lequel, ici, ne peut être de la variante « directe » (où la moquerie s’exprime positivement, comme dans les exemples ci-dessus), mais de celle dite « indirecte » (où la moquerie se manifeste par une formulation indirecte, antiphrasique, antinomique et antipathique, sinon antipodique et antithétique) – on ne saura jamais si, à l’origine, le dénommé BEAU était gracieux de visage, ou plutôt, au contraire, laid et difforme – mais il est démontré, par certains textes moyenâgeux – dont plusieurs manuscrits conservés à la Bibliothèque publique et universitaire de GENEVE – que ce recours à la formulation indirecte (sans doute plus rare que la formulation directe) n’était pas absente des usages.

Voulant conserver au présent article son caractère scientifique et impartial, nous nous autorisons à laisser le Lecteur choisir l’acception qu’il préfère – en attendant le jour espéré où des recherches nouvelles pourront lever cette ambiguïté fondamentale.

Qu’il nous soit cependant permis d’indiquer notre préférence, marquée, pour la maison : se référant au mot complet dahu, il apparaît que la signification « de la maison » est plus « facile », plus acceptable, plus naturelle, voire plus évidente, que « du cri » ou « à partir du cri ».

Nous serions heureux de recevoir les observations éclairées – et éclairantes – des Lecteurs.

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