Lasthénie THUILLIER-LANDRY

sommaire :
– sa vie – son œuvre
– mariage de Mr. Léon THUILLIER avec Melle Lasthénie LANDRY
– 
première chef de clinique à Sainte-Anne
– sa disparition 

 

sa vie – son œuvreextrait du Trait d’Union n° 2 

de la rédaction : au mariage de son frère Adolphe avec Lucie Thuillier, cette jolie jeune femme est remarquée par Léon, frère de la mariée. Peu de temps après, il la demanda en mariage et de leur union naquit leur fille Ella. Léon décéda à l’âge de 27 ans, laissant une veuve de 19 ans et une petite fille.

A l’abri du besoin car son beau-frère, Lucien Lassalle, directeur de la maison Thuillier fils et Lassalle, lui donna la part de son époux décédé, elle décida de faire des études de médecine.

Malgré les demandes en mariage des nombreux soupirants parmi lesquels figure Henri Bergson, elle ne se remaria pas.

A sa mort, comme nous l’a écrit sa petite-fille, Jacqueline Sauvageot, parait « une de ces plaquettes élogieuses et conventionnelles qu’on édite quand meurt une de ces « personnes qu’on peut nommer » comme l’écrit Saint- Simon ». C’est cette plaquette qui , heureusement retrouvée, est ici publiée.

 

mariage de Mr. Léon THUILLIER avec Melle Lasthénie LANDRY – célébré le 10 décembre 1899 – de Madame Achille LEFEVRE

Clément n’a pu y assister, retenu par des douleurs aux pieds et Anna n’ayant pas voulu quitter le deuil de sa chère mère.

Nous sommes partis Achille et moi par l’express du matin, le dimanche 10 novembre 1899. Arrivés à Paris à 11 heures, une voiture nous attendait à deux chevaux ; nous sommes descendus chez Mr. Thuillier Bd Magenta 66. Nous avons déjeuner ; il y avait à table le futur marié et un garçon d’honneur Mr. Delpech et Mr. et Mme Thuillier. On s’est habillé et on est allé chercher la mariée rue Gay-Lussac. Toute la noce s’est réunie à la maison. La mariée était habillée en velours blanc ; elle était très très bien. Mme Landry en soie bleue brochée, elle avait très grand air. Mme Thuillier en velours noir très distinguée. Mme Lassalle en soie bleue ciel recouvert de tulle grec ouvragé ; cette toilette n’était pas commune. Mme Landry en velours bleu et un grand col garni de rose et blanc très joli. Melles Landry en satin gris perle superbe. Et beaucoup de fort belles toilettes. On est remonté en voiture pour aller à la Mairie du lOème arr. Il y avait foule à l’entrée ; le cortège sur l’escalier était très grandiose ! La musique jouait la marche nuptiale. J’étais au bras de Mr. A. Landry. Mr. le Maire et Mrs les Adjoints étaient là lorsque nous nous sommes placés.

J’ai remarqué dans l’assistance Mr. Fallières, Président du Sénat et de Mr. de Frécinet. Les demoiselles Loissy ont joué de la harpe accompagnées de musique très belle et très douce. Mr. Fabre premier-adjoint a prononcé un fort beau discours et plusieurs personnes du comité de Mr. Thuillier ; ils ont offert aussi de belles corbeilles de fleurs naturelles.

Les témoins du marié étaient Mr. Brisson, député et Mr. Eugène Thuillier, son oncle et ceux de la mariée Mr. Chambaraud, Conseiller à la Cour de Cassation et Mr. Forcioli ancien député. Il y avait plusieurs garçons et demoiselles d’honneur tous très gentils et de belles toilettes.

Mr. Landry m’avait placé on ne pouvait mieux. Après la cérémonie, on est allé dans une salle immense saluer les jeunes époux et leurs parents ; j’ai rencontré plusieurs personnes de nos connaissances entr’autres Mr. Noé Hilluin que j’ai revu avec plaisir ; la famille Calippe ; Mme Bizet et Marthe ; Mr. et Mme Ducrotoy et Deverité. Il y avait dans cette salle un lunch et les demoiselles d’honneur passaient avec des assiettes assorties de belles et bonnes choses ; les glaces étaient excellentes comme tout le reste. Mme Thuillier et sa famille ont insisté pour nous faire rester le soir, nous avons accepté. Je me suis fait coiffer et Mme Thuillier m’a prêté un grand décolleté, j’étais – parait-il – très bien. On a dîné au grand hôtel. Tout y était aussi beau et aussi bon qu’aux noces de Mmes Lassalle et Landry. J’ai dansé au bal et me suis fort bien amusée. J’ai beaucoup causé avec Mme Parent qui est très gentille ; j’ai fait la connaissance de Mr. Parent. Mes Garaud et Drapier ont été très aimables ; Mme Boll toujours gentille, Mr et Mme Brisson sont restés au bal. J’ai remarqué plusieurs belles toilettes, une entr’autres dont la traîne était garnie de fleurs et celle de Mme Bouchaillier de Grenoble.

Le lendemain Mr. Thuillier nous a conduit au Sénat entendre juger les accusés par la Haute- Cour ; nous avons remarqué le petit Cailly qui a beaucoup protesté ; le comte de Dion qui n’a pas voulu prêter serment. Mr. Fallières et Mr. Le Procureur. Nous étions placés à droite et Mr. Thuillier est venu nous chercher et nous faire mettre à gauche où on voyait tous les accusés et Guérin. La séance a été suspendue vers 3 heures. Nous avons attendu 1 h 1/2 il y avait beaucoup de monde dans le couloir et sur l’escalier, plusieurs dames très aimables m’ont offert leur place sur le banc. Ne pouvant attendre plus longtemps à cause du train, nous sommes revenus chez Mme Thuillier ; Alexandrine nous a fait dîner. Mme Lassalle et Germaine sont venues nous dire au revoir et nous sommes partis par le train de 7 h. et rentrés enchantés du si bon accueil. »

 

première chef de clinique à Sainte-Anne  – extrait d’un ouvrage sur « L’hopital Sainte Anne, pionnier de la psychiatrie et des neurosciences au coeur de Paris » (Somogy, éditions d’art)

Lasthénie se déguisait en homme pour suivre les cours de Platon : son prénom la prédestinait-elle à faire sa médecine en un temps où les femmes n’étaient pas encore les bienve­nues à la Faculté? Il semble qu’elle ait surtout suivi l’exemple de sa sœur Marie, chef de cli­nique de Déjerine.

Lasthénie s’inscrit peu après la mort de son mari, et ses études la conduisent à la Salpêtrière dans le service psychiatrique modèle du Dr Deny. Elle y trouve matière à sa thèse : Étude sur les délires à évolution démen­tielle précoce, où sont savamment analysées dix-huit observations de malades qu’elle a suivis personnellement. Le 1er avril 1916, elle est à Saint-Anne »déléguée dans les fonctions de chef de clinique » en remplacement d’André Colin, démisionnaire, dans le service dont Ernest Dupré est chargé suite au décès de Gilbert Ballet.

« Madame la doctoresse Thuillier-Landry » occupe le poste jusqu’en Décembre 1919.

Elle n’exercera plus ensuite la médecine, mais manifestera un intérêt constant pour la psychiatrie, comme membre de plusieurs congrès et de la Société médico-psychologique dont elle sera la trésorière archiviste.

« Th.L., » ainsi qu’elle signe ses lettres, se distinguera aussi dans le domaine de la bienfaisance et du féminisme comme ses sœurs Marie Long-Landry et Marguerite Pichon-Landry.

En 1919, elle joue un rôle de premier plan au Comité féminin français du travail comme présidente de sa Section d’hygiène, menant la lutte contre l’alcoolisme et les maladies vénériennes, pour l’accouchement sans douleur et la protection de l’enfance. En 1921, elle confonde et préside l’Association française des femmes médecins. Dans les années 1930, on la retrouve au Service social international d’aide aux migrants à Genève.

En mai 1936, Lasthénie est lauréate de l’Académie des sciences morales et politiques en qualité de présidente du Cercle François Villon, œuvre offrant le vivre aux plus démunis.

 

sa disparition : adresse de G. MONTREUIL-STRAUS (bulletin de l’A.I.F.M. n° 12 – 1962)  (texte repris du Trait d’Union n° 2)

Il n’est aucune d’entre nous qui n’ait ressenti avec une profonde émotion la mort de Madame Thuillier-Landry survenue en de tragiques circonstances.

Née en Corse en 1879, Madame Thuillier-Landry était restée très attachée à sa terre natale et revenait chaque année passer quelques semaines dans une propriété familiale.

C’est là que, le 30 juillet 1962, elle ferma les yeux pour s’endormir dc son dernier sommeil. C’est avec respect et affection que nous allons essayer d’évoquer une exceptionnelle personnalité qui fut pour nous toutes un exemple sans défaillance.

Aucune étude préalable ne paraissait aiguiller vers la médecine la jeune femme qui, en 1901, se trouva veuve et déjà mère de famille.

Très cultivée, elle n’avait jamais songé à acquérir des diplômes lui permettant d’exercer une profession : dans son chagrin et sa solitude, elle prit la détermination de répondre à son besoin de savoir et de comprendre ce qui lui permettrait de pouvoir se pencher sur la peine des autres et de leur apporter un soulagement.

En effet pour agir efficacement, la bonne volonté, la bonté sont insuffisantes, elles doivent être étayées et éclairées par une formation scientifique.

Elle-même rappelait que : « l’instinct est loin de prémunir contre les erreurs.., que l’esprit féminin ne saurait être mieux fécondé que par des études médicales, éminemment propres à élargir une sensibilité trop restreinte et à l’orienter vers l’action ». « Félicitons-nous, ajoutait-elle, chaque fois qu’une sensibilité ignorante et limitée se transforme en une pitié compréhensive ».

Cette conviction explique que deux ans après son veuvage. Madame Thuillier-Landry passa son baccalauréat, et entreprit, en 1910, ses études de médecine : elle éclaire aussi le sens qu’elle sut donner à sa vie. Pour elle, les connaissances pratiques et scientifiques de l’art médical, étaient un moyen et non une fin.

La guerre la surprit au cours de ses études. De tous temps, intéressée par la philosophie, Il était normal qu’elle fut attirée par la psychiatrie.

Elle fut, en 1915. déléguée dans les fonctions de Chef de Clinique des Maladies Mentales de la Faculté de Médecine de Paris et prépara dans le service du Dr Deny à la Salpêtrière sa thèse sur : Les délires à évolution démentielle précoce.

Munie d’un substantiel bagage scientifique, elle pensa, la guerre

terminée, pouvoir se consacrer à l’action sociale.       –

Les terribles épreuves subies avaient en partie isolé les français du monde extérieur. Avant d’entreprendre quoi que ce fut, il fallait rétablir les contacts interrompus, non seulement renouer, mais nouer des liens amicaux et compréhensifs entre personnalités de nationalités différentes, ayant des intérêts communs.

En octobre 1919, la Young Women’s Christian Association eut l’idée d’inviter quelques femmes médecins étrangères à une Convention qui devait se tenir à New York. Madame Thuillier-Landry, ainsi que plusieurs collègues de 15 pays différents, accepta l’invitation et partit pour New York. Ce fut-là, en fait, une première réunion internationale de femmes-médecins.

A cette occasion. l’Association Américaine des Femmes-Médecins fondée en 1915, organisa le 21 octobre 1919 un diner au Waldorf Astoria où furent conviées les hôtes de l’Y.W.C.A. C’est alors que le Dr Munch, de         Norvège, exprima le vœu que fut créée une Association Internationale de Femmes-Médecins (A.I.F.M.).

Cette proposition approuvée, un Comité de 12 membres fut formé afin de préparer un projet de statuts et de règlements et un Bureau désigné dont Madame Thuillier-Landry fut nommée vice-présidente.

Revenant par la suite sur les raisons qui l’avaient poussée à prendre une part active à cette organisation, elle disait :  » Venues tard à la pratique de la médecine, les femmes ont éprouvé d’abord le besoin d’échanger leurs expériences de débutantes, de se soutenir et de s’aider réciproquement ; et surtout, elles ont senti que dans les questions médico-sociales qui intéressent la famille, la femme, l’enfant, elles pouvaient avoir des points de vue particuliers utiles à définir et à défendre ». Mais très sagement elle affirmait : « Le but de notre Association n’est pas de nous réunir, entre femmes, pour discuter de questions scientifiques, car la science n’est pas différente pour les hommes et pour les femmes ».

Ces paroles prononcées à la réunion de l’A.I.F.M. à Vienne en 1931 expriment un point de vue et des principes que notre fondatrice n’a cessé de défendre et qui font tomber les objections que peut soulever une association de femmes-médecins,

Revenue en France, elle comprit, avec son esprit clair et réalisateur. qu’il était indispensable, pour maintenir le contact avec nos collègues étrangères, d’organiser une association nationale française de femmes-médecins. Jusqu’alors, deux pays seulement en possédaient une : les Etats-Unis, depuis-1915, et la Grande-Bretagne, depuis 1916.

Celles d’entre nous qui coopérèrent au début de notre Association, ne peuvent se rappeler sans émotion ces premières réunions de ce qui fut d’abord appelé modestement : Section française de l’A.I.F.M.

Nous étions peu nombreuses, mais pleines de bonne volonté et nous avions en notre Présidente-fondatrice une animatrice exceptionnelle.

Avec une courtoisie que soulignaient la distinction et la simplicité de l’attitude, elle savait écouter; ses observations, toujours faites avec une sincère bienveillance, éclairaient, et, lorsqu’elle intervenait de sa belle voix grave dans une discussion, apaisaient et encourageaient. La clarté de son jugement lui conférait une autorité que nous admettions naturellement.

Les premières réunions se tinrent chez elle, rue d’Assas: puis au Foyer Américain de la rue de Chevreuse qui, encore aujourd’hui, nous ouvre ses portes accueillantes. Que d’amitiés y furent nouées, de projets ébauchés et parfois réalisés.

Mais l’activité de Madame Thuillier-Landry était si grande et multiforme. que -nous ne nous arrêterons pas plus longuement sur son rôle dans notre Association, dont elle resta présidente jusqu’en 1930, et à laquelle elle ne cessa de s’intéresser.

Elue vice-présidente du premier Bureau de l’A.I.F.M., en 1919, à New York, elle prit une part très active ainsi que sa sœur le Dr LONG-LANDRY, à l’organisation de l’Assemblée Constituante de ladite Association, qui se tint à Genève en septembre 1922.

En 1924, elle nous représenta au Congrès de Londres et eut ensuite l’honneur, qui était une charge, de préparer le Congrès de Park tenu en avril 1924.

A tous points de vue celui-ci fut un succès, 274 membres y représentaient 19 nationalités.

Elle fut alors élue présidente de l’A.I.P.M. et la dignité, la compétence avec lesquelles elle assuma d’emblée ses nouvelles fonctions impressionnèrent nos collègues étrangères.

En fait elle dirigea près de 10 années l’A.I.F.M. Le Dr Suspens qui lui succéda en 1934 la pria de rester vice-présidente et de continuer à tenir à Paris les réunions de Bureau dont on lui soumettrait les discussions et les problèmes.

Quelle atmosphère de compréhension et de confiance mutuelle régnait dans ces réunions mensuelles auxquelles souvent ne participaient que la présidente et la secrétaire générale. Des situations imprévues et périlleuses se présentaient à nous, notamment le cas de l’Association Allemande dissoute, puis reconstituée de façon inadmissible par le régime nazi.

La connaissance des mentalités étrangères que lui avait donnée de multiples voyages. son tact Inné, son infinie largeur d’esprit, permettaient à notre Présidente d’évoluer, sans froissement ni heurts, au milieu de situations à première vue inconciliables. Elle finissait toujours par imposer ses convictions basées sur une ferme conscience de son devoir et son absolu désintéressement.

Ayant, après la guerre, abandonné ses fonctions de membre du Bureau International, elle n’en continua pas moins à s’intéresser aux deux associations qu’elle avait contribué à créer. De suite, après la terminaison de la deuxième guerre, en 1944, elle se rendit personnellement à Londres pour reprendre le contact avec nos collègue; britanniques, et, chaque fois qu’elle le pouvait, malgré une santé fragile, elle honorait de sa présence

nos réunions.

Les femmes-médecins ne sont pas seules à s’occuper d’hygiène et de travail social. Elles doivent coopérer avec les organisations qui travaillent à l’amélioration du sort de la femme et au bien-être de l’humanité.

Dès 1919, Madame Thuillier-Landry avait repris contact avec le Conseil International des Femmes dont elle suivait les travaux depuis plusieurs -années. Le C.I.F., fondé en 1888 aux Etats-Unis, groupait à cette époque la majorité des œuvres philanthropiques et éducatives féminines d’une douzaine de pays. D avait pour but notamment :  » d’unir les associations de femmes ,de tous les pays afin qu’elles se consultent pour l’action à entreprendre pour procurer le bien de l’humanité, de la famille et’ de l’individu ».

Le C.I.F. avait un certain nombre de sections spécialisées. Madame Thuillier-Landry accepta la présidence de la section d’hygiène, qu’elle conserva pendant plus d’un quart de siècle, concurremment avec la présidence de la section d’hygiène du Conseil National .des Femmes Françaises.

Assumer une présidence, pour Madame Thuillier-Landry, signifiait étudier les projets de discussion, diriger les débats, éviter toute mesquinerie, arbitrer les différends.

Elargissant son activité au-delà des problèmes strictement féminins, elle s’associait en 1921 e la création du Service Social d’Aide aux Emigrants et lorsqu’en 1939 fut créé par arrêté du Ministère du Travail le Service Social de la main-d’œuvre étrangère, elle participa activement à une campagne dans les différents départements, en vue de la mise en place de ce service. Elle contribua largement à l’ « accueil aux familles Immigrantes s, à l’aide à apporter en vue de leur intégration et, en 1950, à la répartition des crédits affectés par le gouvernement à l’assis tance aux réfugiés ».

Membre du Service Social International, « elle y apportait, nous dit la présidente, des avis fort écoutés. La clarté de son intelligence. la droiture de son jugement et la chaleur de son cœur, laissent au sein du service une trace ineffaçable et sa disparition un -vide que rien ne saurait combler « .

En 1933-34 une crise de chômage atteint, particulièrement en France, les artistes et travailleurs intellectuels. Emue de cette misère imméritée. Madame THVILLIER-LARDRY organise e Montparnasse, sur le modèle du Cercle Ronsard de la Confédération des Travailleurs Intellectuels. le Cercle François Villon. « Ce cercle, écrit-elle, sera un centre de réunion, un foyer accueillant où se rencontreront entre eux des travailleurs indé-pendants qui souffrent plus cruellement que d’autres de la crise actuelle et que leur culture et leur sensibilité rendent particulièrement difficiles à secourir ».

Le Cercle François Villon, ouvert dans un local prêté par le Chemin de Fer de l’Etat, boulevard de Vaugirard, offrait un restaurant à prix plus que modiques, une salle -de réunion, une bibliothèque, un vestiaire et une consultation médicale. « il régnait dans ce Cercle, écrit un visiteur, une intimité toute familiale. Il devait fonctionner deux années, soulageant de nombreuses infortunes ».

Au cours de la guerre de.1939-44, les activités officielles de Madame Thuillier-Landry furent suspendues. Mais que dire de son activité clandestine dictée par la générosité de son cœur, indignée par le mensonge et l’injustice. Combien lui durent la vie et la liberté…

En 1945. lorsque fut créé un Service des Affaires Familiales par le Ministère des Déportés et Prisonniers, elle fut chargée de sa direction, tandis que Madame KRAEMER-BACH en était le conseiller technique.

C’était une tâche immense, présentant des problèmes souvent insolubles…Un million cinq cent mille prisonniers allaient rentrer. Il fallait reconstituer les foyers, prendre en main des enfants sous-alimentés, souvent caractériels, instables et déficients, trouver des logements, faire adopter les orphelins, en faire admettre d’autres comme pupilles de la nation, elle accueillait chacun avec bonté, conseillait, réconfortait.

Le Ministère des Prisonniers et Déportés cessa d’exister en 1946. mais comme nous l’avons précédemment indiqué. au Service Social d’Aide aux Emigrants, elle ne cessa d’exercer sa sollicitude envers ceux, français ou étrangers- qui rentraient dans la triste catégorie .de « Personnes Déplacées ».

Polir être complet (mais peut-on être complet dans l’évocation d’une -si exceptionnelle personnalité), il nous faut rappeler que Madame Thuillier-Landry fut pendant 20 ans vice-présidente de l’Association des

Françaises Diplômées des Universités (A.F.D.U.) et qu’en 1930, étant en même temps présidente de l’A.I.F.M., elle mit sur pied une collaboration dos Femmes Diplômées et des Femmes Médecins pour établir les possibilités d’échange de femmes médecins entre différents pays. Un questionnaire fut envoyé aux Associations appartenant aux deux fédérations et les réponses à cette enquête parurent sous forme d’une brochure intitulée : « Notes sur les qualifications exigées pour la pratique de la profession médicale dans les différents pays » éditée conjointement par l’A.L.F.M. et la F.I.F.D.U.

Cette brochure fut d’une grande aide aux médecins qui. pour des motifs racistes ou politiques furent, à partir de l’avènement du nazisme, obligés de fuir leur pays d’origine.

Madame THUILLIER-LANDRY prit une part personnelle aux secours à apporter aux victimes de cette tragédie, elle reçut les collègues réfugiées. essayant de leur trouver un travail paramédical (la législation française ne les autorisant pas à exercer la médecine en France), facilitant, dans la mesure du possible, leur départ vers des terres plus hospitalières, notamment les Etats-Unis.

Nombreux furent ceux qui eurent la possibilité de refaire une vie professionnelle grâce à son précieux appui.

Parler d’un être d’élite nous fait ressentir la pénible insuffisance de nos expressions.

La modestie de Madame Thuillier-Landry allait jusqu’au désir d’effacer toute trace de sa participation aux œuvres qu’elle avait créées ou animées.

Comment, sans trahir la réserve qu’elle nous eut imposée, évoquer sa culture qui s’étendait à tous les domaines, l’exquise sensibilité qui dictait sa conduite.

Toutes celles qui ont eu le privilège de l’approcher l’ont aimée et admirée. Elle fut pour nous un modèle de dignité, de désintéressement, de force morale et de générosité dont le souvenir ne s’effacera pas.