les églises romanes et gothiques 6 - quelques remarques

sommaire de ce chapitre
6.1 – pendant les travaux
6.2 – la durée des travaux
6.3 – le mélange des styles
6.4 – quelques curiosités
6.5 – les précurseurs
6.6 – le voisinage
6.7 – les jubés
6.8 – les incidents de construction
6.9 – l’emploi du fer

 

6.1 – pendant les travaux
La décision de construire une nouvelle église était prise, parfois, parce que l’ancienne menaçait ruine, ou s’était effondrée, faute d’un entretien suffisant, ou encore à la suite d’un incendie – la décision était prise, plus souvent, pour faire face à un accroissement de la population : l’église devait pouvoir contenir l’ensemble des habitants de la paroisse.

Assez systématiquement, la nouvelle église était construite à la place de l’ancienne, dont la situation était généralement excellente, au centre de la ville ou de la commune – et il n’existait pas d’autre emplacement disponible !

Mais il ne fallait pas, pendant les travaux, interdire la poursuite des offices religieux : on construisait donc par portions successives, un élément de la nef, puis un autre, puis le transept, puis le chœur (ou dans l’ordre inverse) – on ne démolissait l’ancienne église que par portions, et, à chaque étape, on isolait les parties conservées, assez généralement par un mur provisoire.

l’église romane étant devenue trop petite, on a remplacé sa nef par une belle nef gothique, avec le mur du transept du coté de la nef, et l’amorce du mur latéral de ce transept – mais on n’a pas eu l’argent nécessaire pour poursuivre, et on a conservé (à gauche sur la photo) le chœur de l’église romane
  église Saint Vulfran à Abbeville


6.2 – la durée des travaux

Les travaux duraient souvent fort longtemps, principalement par manque de crédits : des dizaines d’années (ou même des siècles !)
La cathédrale d’Amiens a été construite en 50 ans (dans son gros œuvre : il restait à installer la décoration, les sculptures, etc.) , ce qui est peu pour un ouvrage de cette importance.
Parfois, on ne terminait pas : voyez la cathédrale de Beauvais, dont la nef n’a jamais été construite (et l’on voit toujours une partie de l’ancienne église, qui est appelée « basse œuvre ») .
Voyez aussi les églises qui comportent quelques très gros piliers, prévus pour recevoir une tour qui n’a jamais été construite.
La construction de la cathérale Notre Dame de Paris, dans une première phase, a duré 107 ans (d’où l’expression : « on ne va pas attendre 107 ans ! »).
Par exception, sous l’impulsion du roi Saint Louis (et grâce au financement qu’il apportait), la construction de la Sainte Chapelle à Paris n’a duré que 7 ans !

les murs sont truffés de « trous de boulins », utilisés pour maintenir les échafaudages pendant la construction, et qu’on bouche soigneusement ensuite 
ici, on a oublié de boucher
(ou bien on pensait y revenir bientôt)
  abbatiale de Cluny
en haut des murs, on a laissé en place les « corbeaux » qui permettaient de supporter les étais provisoires pour construire la voûte sans recourir à des échafaudages « de pied » prenant appui sur le sol (les éclairages ne sont pas d’époque)
  abbatiale Notre Dame de Montmajour
près d’Arles

6.3 – le mélange des styles
Quand les travaux duraient longtemps, ce qui était le cas assez général, on réalisait chacune des différentes portions successives selon le style de son époque.
Il en allait de même lorsqu’on voulait agrandir, par exemple en ajoutant des travées à la nef.
C’est ainsi qu’on voit une nef gothique accolées à un chœur roman – ou l’inverse.

très belle nef romane (voûtée d’arêtes, sur arcs doubleaux) prolongée par un choeur gothique
  basilique Sainte Madeleine à Vézelay
autre exemple – là aussi, on a refait le chœur en gothique, mais l’argent a manqué pour refaire la nef – on notera que les pointes des arcs ne sont pas alignées, gage d’authenticité – et qu’il n’existe pas de fenêtre, à droite, en face de celle de gauche
 
 

église Notre Dame de l’Assomption
à Avrainville

C’est ainsi qu’on a placé, sur des murs romans, une voûte gothique en croisée d’ogives, qui aurait permis, si on l’avait prévue à l’origine, d’alléger les murs et d’y ouvrir des fenêtres bien plus larges que celles qui existent.

sur des murs romans, avec de petites fenêtres (surtout celle de gauche : les deux fenêtres ne sont pas identiques !), on a posé une voûte gothique
  basilique de l’abbaye de Fleury
à Saint Benoît sur Loire
autre exemple sur une branche du transept : notez l’épaisseur des murs sur la fenêtre
  collégiale Saint Martin à Candes Saint Martin
autre exemple, vu de coté
  église Notre Dame de Morienval
étage gothique ajouté à une tour romane
  église Saint Jacques à Châtellerault

Ainsi, peu d’églises sont véritablement de style pur ! Mais vous pouvez vous amuser à retrouver les différentes étapes de la construction – ou de la reconstruction, après des dommages dus aux intempéries (voir le chapitre 6.6), à la guerre, ou, plus bêtement, à des démolitions volontaires dues aux révolutions ou encore à la « mode » : le style d’origine n’était plus au goût du jour.

porte en ogive insérée dans une façade romane
(et pas dans l’axe !)
  église de Saint Wandrille-Rançon
quelle drôle d’idée d’avoir modifié la fenêtre du milieu en haut !
(qui certainement, à l’origine, était identique aux autres !)
  basilique de l’abbaye de Fleury
à Saint Benoît sur Loire
bas-côté gothique ajouté à une nef romane
  église de Saint Wandrille-Rançon
pour la façade (à droite du contrefort que l’on voir à gauche), les constructeurs romans ont du se contenter de pierre brute – les constructeurs gothiques, pour le bas-coté ajouté à gauche, étaient un peu plus riches : ils ont utilisé de la pierre taillée – le portail lui-même, en pierre taillée, a sans doute été ajouté après la construction
  église Saint Gilles
à Etampes
la première construction, une nef, que l’on devine derrière le porche, était en pierres brutes (non taillées) – on l’a ensuite rehaussée, en pierres taillées, et on y a adjoint un porche, ainsi qu’un bas-côté (un seul !) également en pierres taillées
  église d’Hénonville
quelles fenêtres ont-elles été construites en premier ? celles en ogive existent sur les deux faces : normalement, elles auraient été construites après celles en plein cintre – et on semble deviner, au dessus des ogives sur le coté droit, un ancien arc en plein cintre, qui aurait été partiellement bouché et remplacé par des ogives (?)
  église Saint Pierre à Plaisir
joli mélange ! il n’est pas facile d’essayer de reconstituer les étapes de la construction
  église Saint Valentin à Jumièges
curieux petits arcs ou morceaux d’arcs
  église Saint Ouen à Rouen
ajout d’une chapelle – cherchez l’erreur ! – c’est d’autant plus désolant, pour nous qui sommes soucieux de l’unité du style, que les matériaux des murs et des entourages de fenêtres  sont les mêmes
  collégiale Saint Hildevert à Gournay en Bray

6.4 – quelques curiosités

On a reconstruit la toiture un peu plus bas qu’à l’origine, en tronquant le sommet de l’arc au dessus de la fenêtre (un tel « étètement » a été fréquent, non seulement pour les toitures, mais surtout pour les tours et les clochers)
  église Saint Martin à Béthisy Saint Martin
un bas-côté a été ajouté après la construction de la nef,
mais on a laissé en place le contrefort latéral de cette nef
  église Notre Dame à Trumilly
trois fenêtres différentes, et une petite fenêtre ronde bouchée !
  église d’Hénonville
quatres fenêtres dissemblables !
  église Saint Martin à Longjumeau
à quoi l’architecte pensait-il ? (ou plutôt, sans doute, les architectes successifs) : le haut de l’arc est plus bas que le haut de la fenêtre ronde !
  église Saint Etienne à Beauvais
le côté gauche est du XIIIème siècle, celui de droite a été reconstruit au XVème 
la distance entre piliers d’un même coté n’est pas identique à gauche et à droite  l’architecte a du ruser pour concevoir les voûtes
  église Saint Samson à Clermont (Oise)
le choeur n’est pas dans l’axe de la nef
  église Saint Pierre à Thaims
affreuse poutre en béton armé supportant une tribune récemment ajoutée (au moyen age, on ne savait pas réaliser une telle portée en pierre ! seulement en bois…)
  basilique Notre Dame à Dôle

Parfois, bien après la construction, on ajoute des chapelles latérales entre les arcs-boutants, dont les culées sont alors noyées dans les murs qui séparent les chapelles (voyez des exemples sur certaines photos plus haut) – ou bien on ajoute ces chapelles en dehors de la construction.

encore un exemple curieux : un contrefort bouche une fenêtre !
  église Notre Dame d’Omerville
le mur entre le clocher et les deux premières travées de la nef a été refait (en style gothique) bien après l’origine (qui était de style roman)  (la nef n’a pas été rallongée, comme on pourrait le penser
à première vue, car on ne l’aurait pas faite en roman !)
  église Saint Pierre à Duvy
curieuse voûte avec deux passages pour monter les cloches (pourtant, s’il n’existe qu’un seul passage, il est facile, une fois la cloche montée à l’étage, de la riper en la posant sur des rouleaux)
  cathédrale Saint Etienne à Metz
ces piliers sont manifestement trop importants pour ce petit auvent – soutenaient-ils auparavant un grand bas-côté ?
  église Saint Michel à Fontevraud l’Abbaye

→ c’est à vous maintenant de trouver les deux étapes de la construction de cette église

  église Saint Pierre à Moissac (juste à coté du célèbre portail)

Avec toutefois une réserve : certaines constructions bien postérieures à l’époque gothique imitent parfois l’ancien à la perfection.

exemple inverse ! on a reconstitué une belle porte gothique 
sous un vieux mur roman
  église Saint Michel à Lavardens
exemple de construction postérieure aux périodes que nous étudions aujourd’hui : cette église construite au XVIème siècle est de style roman
(même si les contreforts en façade ont la forme de tourelles)
  église de Le Trait
voici une église du XIIIème siècle, avec des ouvertures de style roman, mais de grandes dimensions, qui ont nécessité de placer des contreforts très profonds (remarque : on voit ici des bas-côtés sur la moitié de la hauteur de la nef)
  église Saint Etienne du Mont à Paris
des murs aveugles, des contreforts massifs : on pense à une église romane fortifiée – mais cette église a été construite en 1691
  église Saint Blaise à Calenzana
voûte d’arêtes, typiquement romane … construite en 1686
  église Notre Dame à Versailles
autre voûte d’arêtes… construite en 1900
  église Saint Pierre de Montmartre à Paris
encore une belle voute d’arètes romane… construite en 1853
  église Saint Lambert de Vaugirard à Paris
belle voûte gothique (sur un bras du transept)… construite en 1872
  église Saint Firmin à Vignacourt

Remarque : la couverture, qui constitue l’élément qui souffre le plus des intempéries (et des incendies), a quasiment toujours été refaite au cours des ages – il faut tenir compte, à ce sujet, du fait que les charpentes en bois étaient souvent incendiées par la foudre : il n’y avait pas de paratonnerre, ni de possibilité de monter de l’eau pour éteindre.

6.5 – les précurseurs
Les constructeurs romains connaissaient l’arc en plein cintre, la voûte en plein cintre, et la voûte d’arêtes : voyez, à titre d’exemple, les arcs de triomphe qui existent encore dans de nombreuses villes (essentiellement dans le sud-est de la France) – voyez aussi les Thermes de Cluny à Paris, et notamment le « frigidarium », seule salle en France ayant conservé sa voûte.

exemple d’arc et de voute en plein cintre (Ier siècle)
  arènes d’Arles
exemple de voute d’arètes, malheureusement tachée par l’humidité – mais c’est la seule voute en France qui reste de l’époque (Ier siècle)
  thermes de Cluny à Paris

Quant aux constructeurs romans : comme indiqué plus haut, les églises romanes tardives possèdent parfois des arcs brisés, timides, c’est-à-dire très ouverts.
Voici un petit résumé des évolutions :

exemple du début du style roman
  église Saint Eutrope à Saintes
exemple de style roman tardif
  église Saint Nicolas à Fresnoy en Thelle
exemple du début du style gothique
  église Saint Lo à Bourg-Achard
exemple du plein style gothique
  la Sainte Chapelle à Saint Germer de Fly

Autrement dit, si vous voyez un arc en plein cintre, il est généralement roman – si vous voyez une ogive très ouverte, et de surface relativement petite, elle est généralement de la fin de l’époque romane – si vous voyez une ogive plus fermée, et de surface plus importante, elle est gothique.
Ceci peut être confirmé (ou infirmé) par l’examen des voûtes (en plein cintre ou en arêtes, ou bien en croisées d’ogives) mais seulement si les voûtes que vous voyez aujourd’hui sont bien celles construites tout à fait à l’origine, en même temps que les murs (les adjonctions et modifications postérieures sont très fréquentes, et souvent curieuses : voir plus haut).
Mais attention : des voûtes d’arêtes romanes ont reçu des « nervures », qui déchargent un peu la voûte (comme les arcs-doubleaux pour les voutes en plein cintre) : il ne s’agit pas de croisées d’ogives (la différence entre une nervure et une ogive n’est pas toujours évidente à première vue !).

voûte d’arêtes avec nervures
  cathédrale Saint Léonce à Fréjus
autre exemple de voûte d’arêtes avec nervures – c’est ici la fin du roman, avec des arcs légèrement brisés
  église Saint Pierre à Moissac
autre exemple – il s’agit ici du couloir d’un cloître
contigu à une église
  abbaye du Thoronet
et les murs sont toujours très épais comme on le voit ici sur les ouvertures du couloir de la photo qui précède !
  abbaye du Thoronet
pour comparer avec la photo précédente, voici le bas-côté d’un cloître gothique : les ouvertures sont plus grandes, et les murs moins épais (mais les piliers sont épaulés par des contreforts)
  cloître du monastère de Brou
à Bourg en Bresse

Comme on l’a vu plus haut, on peut noter ce paradoxe que les premières églises romanes, avec une voûte en bois n’occasionnant que des poussées verticales, acceptent dans les murs de soutien des ouvertures assez grandes (apportant une belle luminosité à l’intérieur de la nef), plus qu’avec une voûte en plein cintre, qui nécessite des murs plus solides – mais les constructeurs romans n’en ont pas souvent profité !
A l’inverse, les premiers constructeurs gothiques ont parfois utilisé l’arc en plein cintre et la voûte d’arêtes – ainsi, il ne faut pas systématiquement associer le roman avec le plein cintre, ni le gothique avec l’ogive et la croisée d’ogives.

6.6 – le voisinage
Nos ancêtres ne respectaient pas de distance minimale entre les églises et les maisons d’habitation – l’église était insérée au cœur de la ville, où la place était mesurée, car, à l’origine et pendant très longtemps, la ville était enserrée dans des murailles qui la protégeaient contre les attaques et les sièges – la place qui se trouve aujourd’hui devant la plupart des églises, et que l’on nomme le parvis, était souvent très réduite.

exemple de bâtiment accolé
  basilique du Sacré Cœur à Paray le Monial
encore un exemple (désolant, lui aussi !)
  cathédrale Saint Pierre à Saintes
la fenètre en ogive que l’on voit à droite éclaire le bas-coté de l’église – la fenètre au dessus donne sur un appartement
  église Saint Merri à Paris
encore un exemple (toujours aussi désolant !)
  église Saint Omer à Pont-Audemer

Et même quand la place ne manquait pas, comme souvent dans les abbayes construites sur des terrains vierges, on accolait les bâtiments les uns aux autres.

voici une merveilleuse église romane flanquée d’un bâtiment très (trop) classique !
  abbatiale de l’abbaye royale à Fontevraud l’Abbaye

 

6.7 – les jubés
Il faut signaler, pour ordre, que des « jubés », d’où était donnée la « parole » aux fidèles (lecture des textes saints, et sermons), ont très souvent été ajoutés, en barrant le chœur, après la construction – ils ont été assez systématiquement démolis au XVIIIème siècle, sans danger pour la solidité de l’ensemble, puisqu’ils ne participaient pas à la résistance de l’ossature – ils n’ont été conservés qu’en de très rares églises.

exemple d’un beau jubé
  église Saint Etienne du Mont à Paris

6.8 – les incidents de construction
Les incidents n’étaient pas rares – souvent, des portions en construction se sont effondrées.

une travée de la partie haute du chœur s’est effondrée 12 ans après sa construction – par précaution, en la reconstruisant, on a doublé les piliers (le pilier central est plus petit, et on voit la trace de l’ancienne ogive)
  cathédrale Saint Pierre à Beauvais
on le voit aussi sur le mur du bas-côté
  cathédrale Saint Pierre à Beauvais
contreforts un peu tardifs (on les a placés alors que le mur était déjà penché vers l’extérieur)
  église Saint Julien le Pauvre à Paris
autre exemple de contreforts tardifs : les pierres ne sont pas les mêmes !
  chapelle Sainte Roseline aux Arcs
l’évasement n’est pas seulement du à la photo : il est bien réel ! il montre l’effet des poussées de la voûte
  abbatiale de Saint Savin sur Gartempe
les deux piliers ne sont pas parallèles : un des piliers n’est pas vertical ! (… ou peut-être les deux !)
  cathédrale Saint Pierre et Saint Paul à Troyes
autre exemple de piliers qui ne sont pas bien droits
  abbatiale Saint Vincent à Nieul sur l’Autise
le remplissage n’est pas très soigné !
alors que les jonctions des arcs
sont bien décorées
  église Notre Dame de l’Assomption
à Avrainville
en se servant de la suspension du lustre comme d’un fil à plomb : cette tour-lanterne est un peu penchée
  église Notre Dame à Louviers
ce contrefort, assez massif, et unique, a sans doute été ajouté par précaution
après la construction
  église de l’abbaye aux Dames à Saintes
trois contreforts identiques soutiennent le mur du bas-côté, mais un seul a reçu un arc-boutant pour soutenir le haut du mur de la nef : ne l’aurait-on pas ajouté après la construction,
par précaution ?
  église Saint Martial à Chateauneuf sur Loire
rare pilier dans un angle rentrant, là où les poussées de la voûte sont normalement contrariées par les murs : ce pilier a certainement été ajouté, par précaution, car il n’existe pas de pilier symétrique
de l’autre coté de l’église
remarque : l’église n’est pas bien entretenue – les racines des plantes abîment les pierres
en y maintenant de l’humidité
  église de Grisy-les-Plâtres
un grand morceau de la façade a été détruit, et n’a jamais été reconstruit (on voit, vers le haut des éléments à droite et à gauche, l’amorce d’arcs)
  église Notre Dame à Saint Lo
on devine, au milieu, sous la petite fenêtre ronde deux très grandes fenêtres en ogive : ont-elles été bouchées par précaution ? malgré la présence de contreforts massifs ?
  collégiale Saint Quiriace à Provins

Voici des éléments qui font un peu peur, mais qu’on a conservés.

cet arc n’est pas bien arrondi ! alors que les trois autres arcs de la croisée sont parfaits
  église Sainte Anne à L’Etang La Ville
la voûte est de guingois
  église Notre Dame et Sainte Marguerite à Glaines
les pointes des ogives et le centre de la croisées d’ogive ne sont pas très alignés (c’est un gage d’authenticité ! )
  cathédrale Saint Pierre à Lisieux
les arêtes ne sont pas bien alignées (défaut fréquent sur les églises anciennes)
  cathédrale Saint Etienne à Bourges
croisée d’ogives un peu curieuse
  église Saint Pierre à Béthisy Saint Pierre
ce pilier n’est pas très rectiligne
(ce qui montre que les pierres ont été taillées après mise en place,
et non pas au sol avant montage)
  église Saint Julien à Royaucourt et Chailvet
l’encadrement du portail d’entrée est décollé de la façade
  collégiale Saint Pierre à Neuf-Marché
n’avez-vous pas l’impression que le dessus de l’arc-boutant est un peu concave ? et que le dessous n’est pas une belle courbe ?
  église Saint Jean Baptiste à Chaumont en Vexin
a-t-on voulu imiter la Tour de Pise ?
  église Saint Martin à Etampes
la hauteur de la nef a été réduite de moitié (à la suite d’un effondrement) mais on a laissé en place les arcs-boutants !
  cathédrale Saint Pierre à Saintes
avant la réduction ci-dessus, on avait placé, par précaution,
des renforts sérieux
  cathédrale Saint Pierre à Saintes
encore un exemple de contreforts ajoutés après la construction, par précaution (en bouchant partiellement les fenêtres)
  église Saint Eutrope à Saintes
culée d’arc-boutant ajourée (mais les ouvertures ont été bouchées !) – elle-même épaulée par des contreforts !
  église Saint Lucien à Bury
étai provisoire très récent, mais conçu pour durer un peu : on a protégé le bois par une feuille de zinc !
  église Saint Pierre à Plaisir
trois ouvertures ont été bouchées par précaution
  église Saint Pierre à Duvy

Les réparations n’étaient pas toujours soignées.

au centre : une réparation au moyen de petites pierres dépareillées
  abbaye aux Dames à Saintes
mur en silex réparé avec des briques (dans une région où les pierres en silex abondent, comme le prouve le mur d’origine : on utilisait de préférence les matériaux qu’on avait sous la main !)
  église de Valdampierre
contrefort réparé avec des briques ! et le poteau téléphonique eût mieux été placé ailleurs !
  église Sainte Thérèse à Auneuil
au centre : un arc un peu de guingois – il semble s’agir d’une méchante réparation : les pierres au dessus sont plus petites
  église Saint Germain à Vitteaux

6.9 – l’emploi du fer
On a souvent utilisé une grande quantité de fer, sous forme de barres rondes, ou plates, ou carrées, pour concourir à la stabilité : ces barres sont pour la plupart noyées dans le haut des murs, pour réaliser ce qu’on appelle des chaînages (car, au début, c’étaient des chaînes que l’on utilisait) – on ne les voit donc pas.
Certaines églises comportent trois rangées de ceinturages complets, à des hauteurs différentes, et dont la majeure partie est cachée.

Mais parfois on a aussi placé des barres (qu’on appelle alors : tirants d’ancrage, ou tirants tout court), d’une manière apparente, entre deux éléments de la construction, pour leur éviter de s’écarter.

exemple de tirant à travers une nef
  église Saint Michel à Fontevraud l’Abbaye
exemple de tirants à travers un bas-côté
  cathédrale Notre Dame de Laon
exemple de tirants entre culées d’arcs-boutants
  cathédrale Saint Pierre à Beauvais

On plaçait souvent des tirants au milieu des fenêtres gothiques, pour les solidifier – ces tirants ne se devinent pas trop, car ils semblent séparer des parties du vitrail (voyez notamment les photos de la Sainte Chapelle de Paris, à la fin du chapitre 5.5).
Si vous voyez des tirants sur tous les éléments semblables, ils ont sans doute été placés à l’origine – mais si vous n’en voyez que sur quelques uns de ces éléments, ils ont été placés par la suite, sur les seuls éléments qui montraient des débuts de désordres (ou pour lesquels on avait des doutes…).

curieux tirant qui, apparemment, joint des éléments qui ne travaillent pas (les remplissages entre arcs) – en fait, les extrémités des tirants joignent certainement des murs ou des piliers
non visibles ici
  église de Grisy-les-Plâtres

Les tirants ajoutés postérieurement à la construction sont le plus souvent terminés, de l’autre côté du mur, par une ou plusieurs barres apparentes, appelées « ancres ».

on aperçoit, à droite du pilier, le tirant horizontal, et, contre le pilier, à gauche, l’ancre
  église Sainte Anne à L’Etang La Ville
voici l’extrémité, en forme de croix, d’un tirant d’ancrage
  église Saint Lucien à Loconville
ici on voit, en haut, les extrémités de trois tirants d’ancrage et l’on voit aussi les tirants horizontaux entre les bords verticaux de la fenêtre
 
  église Saint Martin à Amblainville
ici on voit, dans les ouvertures du clocher, de nombreux tirants
  église Notre Dame à Chambly
église patronne des bateliers sur une île d’un fleuve navigable (nos ancêtres faisaient souvent preuve de fantaisie – et le mot « ancre » trouve ici une pleine justification !)
  église Notre Dame à Melun
on voit ici de nombreux tirants, dont certains en plein mur : au moins une partie a été posée après la construction, par précaution
  abbaye de Saint Germer de Fly

Vous verrez que vous allez découvrir, sur presque toutes les églises ou cathédrales que vous visiterez, des bizarreries et des anomalies de style ou de construction.

exemple (rare) d’un église du Xème siècle ayant conservé sa pureté d’origine : voûte en plein cintre sur arcs doubleaux, abside en cul-de-four
  église Saint Michel à Grimaud

6.10 – appréciation globale
Il faut rendre hommage aux constructeurs de l’époque, qui, sans béton armé ni autres matériaux modernes, ni logiciels de calcul, ont fait preuve dans les détails de contruction (non abordés dans le cadre restreint de cet opuscule) d’une ingéniosité stupéfiante : ils ont su ériger des ouvrages particulièrement audacieux, dont la stabilité nous étonne véritablement – à une époque où, en Egypte comme à l’autre bout du monde, à Angkor (dans l’actuel Cambodge), des civilisations brillantes ne savaient construire que des bâtiments de faible surface, car elles ignoraient la technique des voûtes en arcs : pour agrandir l’intérieur, elles étaient obligées de multiplier les piliers en pierre, qui encombrent l’espace intérieur.

On voit une preuve de cette prouesse romane, et surtout gothique, dans le fait que de nombreuses structures d’églises et de cathédrales se sont maintenues malgré les bombardements des guerres modernes, qui ont parfois transpercé les toitures et les voûtes sans provoquer d’effondrement total.

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