Hardelot
sommaire :
– souvenir
– autre souvenir
– le temps du repos
– le golf
– l’éclipse de 1999
souvenir de Jean-Pierre LASSALLE – extrait du Trait d’Union n° 2 – 1994.
Faisant appel à mes souvenirs d’enfance, je vous raconterai que j’ai passé toutes mes grandes vacances successives, dont je garde un souvenir inoubliable, à Hardelot et à Vignacourt, avec votre père et Claude.
Nous formions la bande des « grands », opposés aux ‘petits » : Marc, Bernard, Catherine (Spalter) seule fille, la pauvre, et Didier. Les Weulersse n’existaient pas encore. De temps en temps se joignait à nous Dominique (Lantz-Delmas), petite fille de Lucie (Landry) et qui nous a hélas quittés. Mais c’était une « grande » grande, qui nous intimidait un peu et ne s’intéressait guère qu’à Claude… à qui sa situation d’ainé conférait d’autres privilèges ! Les « adultes » lui avaient confié la clef de la cave, et c’est lui qui approvisionnait leur table en vins.., et, je dois le lui reconnaître, parfois nous aussi, certains soirs venus.., mais pas assez souvent au goût de votre père ni au mien, car votre oncle avait des–principes.
Quant à nous deux, notre mission de confiance consistait d’aller à bicyclette porter les lettres à la poste (et Dieu sait qu’on écrivait souvent à cette époque), distante de plusieurs kilomètres par un mauvais raccourci où nous nous prenions pour les Duclos-Lassalle (non, pas de la famille…) ou les Bernard Hinault de maintenant.
autre souvenir de Jean-Pierre LASSALLE – extrait du Trait d’Union n° 7 – 1995
Hardelot, rêvé pendant toute notre année scolaire, et enfin devenu réalité !
Et c’est notre arrivée aux « Beaux Jours » un des bastions de la forteresse Hardelot. Car comment évoquer aujourd’hui l’Hardelot d’alors autrement qu’en pensant à la forteresse du « Désert des Tartares ». Hardelot, perdu dans un hostile désert de sable battu par la mer et les vents, érigé comme pour arrêter la ruée des hordes sauvages, pressenties, devinées dans le lointain des dunes.., mais pourtant jamais vues. La masse sombre de « Wilhelmine » qui se dressait au loin dans la brume semblait être la casemate avancée des marches Nord. Au Sud, une ruine, sans doute témoignage d’une défense acharnée lors d’une attaque précédente… L’imposante « Escopette » (du nom du torpilleur sur lequel Madame Blériot avait vaillamment traversé la Manche le 25 Juillet 1909, suivie tant bien que mal par son mari juché sur une espèce de mobylette volante) en était le donjon…
Mais revenons-en aux « Beaux Jours », à l’architecture Cordonnière, tourmentée, semblable à celle des superstructures d’un cuirassé japonais, et dont le seul aspect discordant mais rassurant était et est encore cet escalier en façade semblant avoir été construit tout exprès pour qu’on y prenne la photo de famille.
Il va d’abord falloir, pour pénétrer dans le jardin, dégager à la pelle le sable qui a tout envahi, même les trottoirs et les rues. Combien d’échelons hiérarchiques aurons-nous gravis en grandissant, avec la taille de nos pelles: pelles de petits, pelles de moyens, pelles de grands, enfin de très grands, véritables bâtons de maréchal, celles-là, qui forçaient le respect de la marmaille en vacances.
Ensuite, c’était l’inévitable inscription aux « Pingouins », cornaqués par le charmant et doux Monsieur René Renaud, à l’innombrable progéniture « Ah, Madame Lamy, c’est rudement ennuyant tout ça… », et qui répétait mille fois par jour devant un baquet rempli d’eau de mer dans lequel barbotait un malheureux grelottant de froid sous l’œil admiratif et attendri de ses parents: « Hundeu…trois les bras, quatre… » Là encore, hiérarchie à respecter dans l’aspect des petits pingouins qu’il nous fallait faire coudre sur nos costumes de bain (1 pièce intégrale à l’époque!): du dessin naïf à la représentation réaliste comme extraite d’une photo des expéditions de Paul-Emile Victor, toute une collection de pingouins variés à porter, suivant que nous passions de petits à moyens, de moyens à grands etc…
Enfin le commando au syndicat d’initiative « de la Côte d’Opale » tenu par un certain Monsieur Rius, redoutable d’inefficacité, pour consulter le programme des manifestations, et nous apercevoir avec consternation que cette année encore il n’était pas prévu de feu d’artifice pour le 15 Août. Ce qui voulait dire rameuter les copains pour faire la quête de villa en villa, guetter les nouveaux arrivants pour n’oublier personne. Tout cela pendant que le dit Rius attendait tranquillement que nous lui apportions la dîme nécessaire à cette réjouissance qui devait marquer la fin de notre séjour et notre migration vers Vignacourt. Et pour en finir, le passage à l’église pour noter l’heure des messes et des confessions, dispensées les unes et les autres par l’abbé Bouly, sourcier renommé dans le civil.
Nos journées étaient rythmées par les devoirs de vacances, la séance de gymnastique, le bain, le déjeuner qui se terminait très régulièrement par un copieux fromage blanc. L’après-midi était du style « temps libre », mais commençait assez tard, les cousins Chappey ayant la « digération » plutôt lente…Tennis ou exploration dans les dunes à la recherche de quelques souvenirs des guerres d’antan ou le long de de la plage pour jouer aux pilleurs d’épaves, concours divers, sportifs ou artistiques, et alors là, la solitude du nageur de fond impitoyablement distancé et l’angoisse du créateur devant un tas de sable à transformer en panneau publicitaire pour le Bouillon « X » ou en Château de Chambord.
Quelques souvenirs épars. La tante Germaine nous disant à longueur de journée : « Les enfants, on ne dit pas « mince », probablement pour nous inciter à employer un autre mot débutant par la même lettre. Les pêcheuses de crevettes poussant leurs énormes haveneaux, dans l’eau jusqu’à la poitrine par tous les temps, et, encore toutes ruisselantes, proposant le contenu de leurs paniers de villa en villa. Paul Reynaud, une figure de la Quatrième République, en chapeau de ville, pédalant lentement les genoux écartés comme un facteur rural, sur une bicyclette étincelante de chromes (Les « au courant » disaient qu’il venait rendre visite à sa maîtresse, la Comtesse de Porte…). Il paraît que l’on y rencontre maintenant Pierre Mauroy : Hardelot s’est-il à ce point démocratisé? Les commentaires de notre oncle Maurice Lamy sur le Tour de France, qui témoignaient à nos yeux d’une navrante ignorance de l’importance de cet évènement. Son favori était un certain Le Drogo dont les exploits n’ont apparemment pas marqué les annales du sport, et il nous annonçait le soir que le gagnant de l’étape du jour n’était pas comme nous le croyions Romain Maës ou Charles Pélissier, mais bel et bien l’abbé Kahn, monté sur cycles Amen. Fervent de ce style de calembours, il avait baptisé « Rouble » le mari d’origine hongroise de Simone Blériot, André Rubel, lequel par ailleurs, ne rechignait pas à se faire appeler Burel-Blériot dans la presse locale. Notre virée au Touquet en triplette de location, Claude l’aîné au guidon, les autres par rang d’âge, Philippe en dernier, moi au milieu, pour aller prendre tous les trois une leçon de tennis avec Monsieur Negro et sa jambe de bois. Et à cette occasion, les réflexions variées entendues sur notre passage: « Oh, regarde, le tandem à deux…le tandem à trois, le double tandem.. .le triple tandem.. .etc ». Les falaises de la côte anglaise aperçues par beau temps, si proches qu’on avait envie d’y aller à a nage. Plus tard, les flirts que nous voyions s’ébaucher autour de nous, alors que, pourtant défaillants d’amour pour telle ou telle, nous restions étrangement sages… ou en tout cas très discrets.
Enfin l’aéroplane en pièces détachées que nous avait procuré Jean Blériot, finalement rendu en gare de Neufchâtel, où nous avions été tous les jours guetter son arrivée. Nos expéditions à Boulogne sur Mer dans la B 14 de Tante Germaine pour tenter de trouver ou de faire faire tout ce qui manquait: pneus, voiles, espars, accessoires, etc…, opérations interrompues par la déclaration de guerre. Mais que sont donc devenus les aéroplages d’antan? Leur génial inventeur, Louis Blériot, maintenant complètement ignoré des adeptes actuels, doit se retourner dans sa tombe.
Page alors tournée, mais toute ma reconnaissance et mon admiration à ma Tante Germaine et à mes cousins Chappey qui ont voulu et su faire revivre les « Beaux Jours ».
le temps du repos.
le golf d’Hardelot par Colette Lassalle-Lamy – extrait du Trait d’Union n° 12
Le golf d’Hardelot a été évoqué par Jean-Pierre Lassalle dans un excellent article sur les « années Trente » (voir plus haut).
Quelques souvenirs me reviennent à propos de ce lieu de vacances familiales, souvenirs ravivés par l’article paru dans « Le Figaro » du 17 mars 1996 : le Golf d’Hardelot est « très british, très class » écrit l’auteur Nelson Montfort.
Il est peut-être intéressant pour les jeunes lecteurs de « Trait d’Union » d’apprendre pourquoi les Lassalle se sont installés à Hardelot.
Vers 1909, Jean Lassalle, mon frère, était délicat de santé. Examiné par un grand professeur de pédiatrie de l’époque, ce dernier explique à mon père, Lucien Lassalle, que seul l’air iodé d’une plage du nord peut être bénéfique et guérir son fils. Aussitôt dit, aussitôt fait. Mon père décide de faire construire une villa dans laquelle sa famille pourrait passer les vacances.
Pourquoi avoir choisi Hardelot alors qu’à l’époque la plus belle plage du nord est celle du Touquet- Paris Plage ?
En visitant la région pour trouver un terrain, c’est un peu par hasard que mon père découvre Hardelot. Mais comment mon père a t-il pris sa décision ? Hardelot c’était :
– une plage de 15 km : il ne se baignait pas
– une forêt de 35 ha : il ne se promenait pas
– et un golf : il ne jouait pas au golf.
Ajoutons la présence des grandes familles des tisseurs de Roubaix et Tourcoing, alors que ce qui aurait pu l’attirer c’était celle de familles liées au bâtiment.
Je m’explique mal cette décision bien que je sache qu’il n’aimait pas du tout ce nom de Paris- Plage qu’il trouvait ridicule.
Une fois le terrain choisi à Hardelot, autour des tennis avec vue imprenable sur la mer, il fallut trouver l’architecte. Les familles du nord, déjà installées avaient choisi Louis Cordonnier qui construisait à côté du terrain retenu par mon père, une villa pour sa famille. Il s’inspirait du style hollandais ce qui donnait une certaine unité à cet ensemble. Cet architecte devint célèbre en 1929 avec la construction de la basilique Sainte Thérèse de Lisieux.
Louis Cordonnier est né le 7 juillet 1854 à Lille, décédé en octobre 1960. Il fut président de l’Académie des Beaux-Arts et fut davantage reconnu à l’étranger qu’en France. Il reçut les plus grands honneurs dans des pays étrangers et au Saint Siège. K a construit à La Haye, Amsterdam entre autres ainsi qu’à Lille en France (entre autres le théâtre de Lille) et la Basilique Ste Thérèse de Lisieux.
Mon père commanda une villa de deux étages avec cinq chambres. Mais il comprit qu’il fallait absolument que les enfants Landry passent les vacances avec leurs cousins, la maison serait donc trop petite. Immédiatement il adresse un télégramme à Cordonnier : « Ajoutez un étage ».
La villa imposante a certainement, par cette trop grande hauteur, perdu de son élégance. Mais la famille avant toute chose !
Un petit détail me revient à l’esprit : alors qu’ Hardelot est un endroit très frais et éventé, Cordonnier avait dit à mes parents : « Je vous ai mis exprès une terrasse en plein nord, cela sera plus agréable »…
Nous nous installons (5 enfants Lassalle, 3 enfants Landry) vers 1912 jusqu’à la guerre de 1914. Personne de la famille ne joue alors au golf qui est encore modeste.
Nous revenons après la guerre. Je me souviens fort bien des années « Trente » où nous avons vécu ensemble, nous les Lamy avec trois enfants et les Chappey avec leurs quatre enfants. L’harmonie n’a cessé de régner entre nous et j’en garde un excellent souvenir.
C’est alors que Maurice et moi découvrons le golf et y passons la plus grande partie de nos journées.
Ce golf de 18 trous créé en pleine forêt, entièrement refait en 1930 par Tom Simpson, fait la joie des Hardelotois. Avant cette rénovation les nombreux golfeurs de la région (français et britanniques) devaient aller jouer au Touquet, « La Mecque du golf » disait-on alors.
Ma belle-sœur, Ginette Lassalle, très bonne joueuse venait souvent à Hardelot même en week-end et elle y retrouvait de bons joueurs : Albert Sirot, Pierre Herdhebaut, les Descamps.
En 1933 si je ne me trompe, à la demande du Professeur Debré qui pensait qu’un séjour balnéaire ferait le plus grand bien à son fils Olivier, nous emmenons ce dernier à Hardelot. Olivier nous suivait au golf mais un jour, s’approchant trop près de mon frère Jean, il reçoit un coup de club sur le front. Comme il s’agissait du fils du Professeur Debré, le meilleur chirurgien de Boulogne lui fit immédiatement deux points de suture. L’ayant vu très récemment en 1996, j’ai pu constater que la cicatrice se voit à peine mais qu’il gardait un merveilleux souvenir de son séjour hardelotois ! Ma fille Florence naît en 1939 et sera baptisée à la chapelle Saint Augustin d’Hardelot au mois d’août 1939, quelques jours avant la déclaration de guerre.
A la fin des hostilités, nous retrouvons la villa sérieusement endommagée. Elle sera réparée avec l’aide du Ministère de la Reconstruction et divisée en deux appartements distincts, la famille va réoccuper la maison : les Chappey au rez-de-chaussée, les Lamy au 2ème.
Nous retrouvons le chemin du golf avec le même plaisir. L’endroit devient de plus en plus agréable car les Hardelotois délaissent les bords de mer pour construire dans la pinède. Le « Golf House » devient une sorte de club où se retrouvent des amis, le Golfer’s Hôtel reçoit de nombreux touristes.
En 1969, à la mort de mon père, ses quatre enfants héritent de la Villa « Les Beaux Jours », nous décidons de la laisser aux Chappey et quittons Hardelot pour toujours.
L’histoire du golf (de plus en plus couru), la création d’un secona parcours de 18 trous devra être évoquée par Claude ou Philippe et leurs descendants. Ce sera une autre histoire.
l’éclipse du 11 août 1999 – extrait du Trait d’Union n° 12
Cet été à Hardelot-Plage. l’eclipse a été l’occasion pour la famille Chappey de se réunir chez Elisa, à Hardelot. Les photos parlent d’elles mêmes. L’ambiance était à la fête et les spectateurs plus importants que le phénomène !