Soulaire

souvenirs – par Jean-Pierre CHAPPEY – extrait du Trait d’Union n° 3

Pour six générations, la maison de Soulaire est la maison de famille de la branche Marcel Chappey mais aussi, dans une certaine mesure de toute la parentèle.

La maison, construite en 1871 comme l’indique une planchette de bois, signée et datée par les ouvriers et retrouvée, glissée entre deux briques à l’occasion de travaux dans l’escalier, fut achetée par mes grands-parents Gosselin en 1911. Mon grand-père avait découvert cette région d’Anjou à la fin du siècle dernier avec son premier poste comme professeur au lycée d’Angers. Il y revint dès qu’il eut la possibilité d’acheter une maison de campagne, à temps pour qu’en 1914 la maison soit, comme en 1940, le refuge épargné par la guerre.

Depuis tous les enfants, petits enfants, arrière-petits- enfants s’y sont retrouvés. Six ou sept mariages y ont été célébrés de 1917 à 1988, des enfants y sont nés et surtout beaucoup de cousins s’y sont retrouvés pour ies vacances, reçus par ma grand-mère Gosselin, par ma mère et maintenant par mes sœurs.

Les gendres et brus ont adopté la maison. En particulier mon Père et mon oncle Albert Sornein n’ont jamais envisagé de passer leurs vacances ailleurs. Mon oncle passait ses journées à faire des mathématiques enfermé dans sa chambre avant de partir faire des promenades à pied, pendant que mon Père avec son vieil ami, Jean Gauchet, passait ses journées à la pêche sur la Sarthe, où il entraînait même son frère Jo Chappey qui n’était pourtant pas un pêcheur aussi convaincu.

Ces vacances devaient en 1939 se prolonger par une installation à Angers où les deux frères Chappey mobilisés installèrent leur famille : Tante Germaine et ses 4 fils rue Michelet et Maman et ses 4 enfants rue Savary. Jusqu’à l’exode les cousins se retrouvaient tous les jeudis pour de mémorables parties de Monopoly.

En 1940, Tante Germaine partait pour Saint Fulgent en Vendée où était réfugiée aussi la famille Duruy dont la fille Monique devait faire une impression ineffaçable à Claude. Pendant toute la guerre l’habitude fut prise de se retrouver à Soulaire, sans Claude qui voyageait vers l’Espagne et d’autres lieux. Tante Germaine continua même à venir en se partageant avec Saint-Germain sur Vienne où Mr Lassalle avait loué une propriété pour remplacer Vignacourt ravagé par la guerre.

En 1944, la famille Sornein, copropriétaire avec Maman, rentrée de Toulon où elle avait passé une partie de la guerre, reprenait ses habitudes de vacances à Soulaire et les cousins, bientôt mariés et chargés de famille, se retrouvaient comme avant 1939. La fille de Jacques Sornein y naissait, Françoise y épousait Philippe Bastid, puis c’était le mariage de Geneviève Sornein, de Nane, de sa fille. Mille liens nous attachaient ainsi à cette maison. Mille souvenirs aussi, ceux de mon arrière-grand-mère Peychieu, de mes grands-parents Gosselin qui aimaient tant cette maison, de mon Père, de son beau-frère Albert Sornein et de leurs épouses : les petites Gosselin c’est à dire Maman et sa sœur, de Florence Baubion si vive et si intelligente et trop tôt disparue.

Mais chaque évènement, triste ou gai, chaque période de vacances étaient toujours l’occasion de voir les cousins Chappey qui restaient associés à toutes les circonstances de la vie de Soulaire.

Aujourd’hui encore la maison s’apprête à faire le plein pour juillet et août après quelques week-ends de printemps, et même si nous sommes trop nombreux pour nous y retrouver en même temps, chacun tiendra à y passer un moment, même la famille Sornein que les circonstances ont éloignée mais qui continue à venir pour maintenir de son côté la tradition des retrouvailles entre cousins.

En 80 ans, la maison n’a pas tellement changé, même si un programme continu de travaux a permis de la doter d’un confort qui n’existait pas au début du siècle, si la petite maison acquise à côté permet de loger la jeune génération et si un tennis attire beaucoup d’amateurs.

L’athmosphère est restée la même avec un mobilier que ma grand-mère reconnaîtrait sans peine et beaucoup de lits pour beaucoup d’enfants.

Les petits-enfants de mes sœurs reprennent la tradition des jeux, des vélos et baignades à la rivière (nous sommes au « pays des 3 rivières »). Les parents, grands- parents sans toujours bien le réaliser mettent leurs pas dans ceux de mes parents.

C’est pour cela que « Soulaire » reste une « maison de famille ».


assis sur le,perron (on ynprend toutes les photos de famille et en particulier lesphotos de mariage) trois des quatre cousins Chappey avec les quatre enfants de Marcel Chappey

 

SOULAIRE EN DIAGONALE – par Nane Chappey-Dujour – extrait du Trait d’Union n°  9

Dans la série souvenirs liés aux maisons de famille, j’ai imprudemment promis à Caroline mon petit couplet sur Soulaire, maison achetée en début de siècle par mes grands-parents maternels et dans laquelle ,une bonne partie de la famille s’obstine à retourner chaque année en dépit de tout….Pendant toute leur vie, mes parents (oncle Marcel et tante Nano pour mes cousins Chappey) ont passé chaque été dans cette maison un peu baroque avec tous ses escaliers et dont il faut bien le dire, 1e charme peut échapper quelquefois aux non-initiés. Mon frère Jean Pierre a déjà présenté un petit historique de cette vénérable demeure et je n’y reviendrai donc pas, je vais plutôt essayer d’extirper de ma mémoire les plus anciens souvenirs comme ça en vrac. Les souvenirs les plus récents n’ont pas encore la patine du temps et ce sera peut-être un jour Charlotte ( ma petite fille de quatre ans) qui aura envie de les raconter.

De mère en fille….

En fait Soulaire n’aurait jamais pu exister sans la poigne de fer de ma grand-mère, et sans le régime, plus « cool « certes mais bien organisé de maman. Pendant longtemps, l’ordre y a été immuable; on y prenait ses repas à heures fixes prévenus par la cloche qui se faisait plus insistante si personne n’arrivait. Les parents et d’une manière générale les adultes présents avaient leur place attitrée dans le salon. Je revois mon père lisant son journal sur son canapé canné faux Louis XV et de l’autre côté, mon oncle Albert Sornein avec lui aussi son journal, calé dans son fauteuil crapaud . C’est fou d’ailleurs ce qu’on lisait; pas de télévision bien sûr, pas de chaine évidemment, juste une mauvaise radio et un piano sur lequel je m’escrimais de mauvaise grâce, quand je ne pouvais me soustraire à l’éducation musicale de ma grand-mère. Généralement mon père allait à la pêche dans la journée et le soir les grandes personnes jouaient au bridge pour certains, les autres lisaient ou tricotaient. Pendant longtemps cet ordre m’a rassurée: tout était à sa place, du naperon sur la table de nuit à la table de jardin sous le cèdre. Ma grand-mère y veillait, martyrisant son monde, elle ne cessait de s’affairer du matin au soir, elle aurait trop souffert de perdre une minute.

Le royaume des enfants.

Et nous les jeunes et très jeunes que faisions nous durant toutes ces journées de vacances ? Mes plus vieux souvenirs remontent donc avant 1945, ils sont naturellement flous et vagues. De cette fournée là j’étais la plus jeune, et j’ai souvent regardé d’un œil envieux tous ces cousins, cousines, frère, sœurs qui partaient à bicyclette pour des randonnées qui me paraissaient fabuleuses alors que je restais dans le jardin avec mon tricycle! Heureusement, ils m’emmenaient quelquefois, la photo prise au bord de l’eau en témoigne. Jamais les bords de la Mayenne n’ont été aussi calmes et tranquilles qu’ à cette époque. Frère, soeurs, cousins jouaient aussi la comédie : La Poudre aux yeux  » de Labiche, si je ne me trompe. Non dépourvus d’ambition théâtrale, ils s’attaquaient même à Corneille, mais à eux d’en parler, ils le feront mieux que moi simple spectatrice. Le soir, nous restions dehors assis sur le perron dans la nuit ou bien nous allions jusqu’à un vieux lavoir vaseux. J’écoutais de toutes mes oreilles ce que les grands pouvaient raconter ou chanter car ils chantaient!

La fureur des idéologies.

Ainsi les journées passaient apparemment tranquilles avec la guerre en toile de fond mais cela je ne m’en rendais vraiment pas compte. Seuls quelques Allemands qui avaient réquisitionné la petite maison (où les cousins Chappey avaient dû vivre l’été précédent) me faisaient réaliser qu’ il y avait un ennemi. Comme je l’ai déjà dit, ma grand-mère aimait l’ordre et aussi l’harmonie, elle détestait les disputes, maman aussi du reste . Or à Soulaire », il y avait malgré tout un problème, les désaccords idéologiques. J’ai été impressionnée par quelques scènes violentes. Mon père et mon oncle Albert généralement si courtois et prévenants vis à vis l’un de l’autre ne se connaissaient plus quand il s’agissait pour l’un de défendre de Gaulle et pour l’autre de citer son grand homme Pétain. ‘Je revois maman et ma tante arrivant chacune dans la salle à manger et tenant par le bras leur mari respectif pour les inciter à la sérénité !

Mon petit monde

Ainsi les étés ont passé à Soulaire et je ne les ai pas vu passer! Plus que tout me reste ce souvenir de liberté. Les adultes étaient occupés à leurs affaires et de mon côté les journées du matin au soir étaient à moi . Je ne crois pas m’avancer en disant que mes enfants ont éprouvé ce même sentiment d’impunité et de liberté : A Soulaire on vit hors du temps : cela peut sembler l’hôpital pour certains et pour d’autres une sorte de petit paradis !

assis en tailleur au bord de la rivière que l’on ne voit pas : Philippe Chappey, Gille, une amie de ma sœur Françoise et moi qu’elle materne .Mon frère Jean Pierre, Une amie de la région, Marc Chappey dont on remarquera la coupe du maillot de bain ! Une cousine Sornein, Bamy et ma sœur Colette.