le boulevard FLANDRIN

sommaire :
– un (mauvais) souvenir
– les fètes
– les kermesses

 

un (mauvais) souvenir – de Colette LAMY → extrait du Trait d’Union n° 1 – 1993

Mais notre jeunesse s’est passée à Paris, rue La Fayette puis boulevard Flandrin à partir de 1910. Rue La Fayette, nos grands-parents n’habitaient pas avec nous. Maman s’occupait peu de ses enfants, je ne garde pas le moindre souvenir du square Montholon où nous devions, Madeleine et moi, avec des bonnes ou des nurses, passer le plus clair de nos jours.

Parlons maintenant du boulevard Flandrin, avoir un aussi beau jardin aurait dû être pour nous un enchantement et ce ne fut absolument pas le cas. Je dirai presque au contraire : « ils en ont de la chance les petits enfants qui n’ont pas de jardin », se serait écriée une de nous.

 

les fètes – de Laure Weulersse-Garnier,  fille de Madeleine Lassalle – extrait du Trait d’Union n° 7

A l’époque où l’on m’appelait Laurette, j’habitais chez mon grand-père Lucien Lassalle au 9 boulevard Flandrin, dit « BOUFANIN ».

C’était un ancien couvent qui abritait toute une tribu. Le patriarche, Lucien, habitait l’aile principale, au-dessus les Claude Chappey et leurs trois aînés. Au 7 boulevard Flandrin attenant au 9, Tante Germaine, Oncle Jo, Marc et Bernard. Nous, les Weulersse, vivions dans le fond du jardin côtoyant l’atelier de Charles (le menuisier et chauffeur de Grand Papa) et l’appartement de Jeanne : l’irremplaçable employée de maison. C’était une communauté avant l’heure, un mélange de générations : encadrement et liberté, une excellente école de la vie sociale.

De tout, ce que je préférais c’était le jardin : 2 000 m2 dans le 16è pas mal ! Et puis aussi la chapelle du couvent transformée en salon avec la chaire de laquelle j’adressais en cachette des sermons.
Le jardin, en fermant les yeux, je peux en voir tous les recoins et chaque bosquet de fleurs.

Je n’étais pas sans ignorer la réussite professionnelle de mon grand-père mais ce pour quoi je l’admirais le plus, c’était son amour des fêtes ; j’aimais voir son sourire de satisfaction à chacune des réceptions.

L’année commençait en février par l’anniversaire de Grand-Papa. Toute la famille au grand complet était invitée l’après-midi dans le grand salon, non seulement les descendants du « plombier » mais aussi la « branche corse ».

Je voyais Jeanne s’affairer à la fabrication de gâteaux plusieurs jours à l’avance dans la grande cuisine, d’où elle surveillait chaque allée et venue. Il fallait beaucoup de gâteaux car tous ceux qui étaient nés en janvier et février avaient droit à un gâteau avec ses bougies à souffler. J’étais, avec ma cousine Hélène Chappey, née en janvier et donc nous avions le privilège d’avoir chacune un gâteau personnel – au chocolat bien sûr. Nous étions fortement jalousées par nos frères et sœurs de ce privilège de naissance dont nous tirions une grande fierté. Marc avait son gâteau, Doudou Delmas aussi, (je ne me rappelle plus de tous les autres, qu’ils se manifestent !).

L’année des 86 ans de Grand-Papa nous avions joué une saynète de Molière avec Pascale et Hélène, un quatre-mains avec Pascale sans compter la fable de La Fontaine, indispensable à une bonne culture !

Au mois de juin, c’était la fête du bridge. Grand Papa (Lucien), grand amateur invitait ses amis à jouer au bridge. Pas une petite soirée entre amis mais plutôt une garden-party de 60 personnes !

La veille arrivaient les jardiniers, une entreprise se chargeait en quelques heures de transformer le jardin légèrement délaissé. Le massif d’hortensias devenait un parterre de boules roses, les jardinières des fenêtres regorgeaient de bégonias, les rosiers chétifs devenaient splendides, les allées étaient tranchées, les arbustes taillés, les cailloux ratissés. J’adorais ce miracle que j’attribuais au génie de mon grand- père. Le lendemain matin un gros camion arrivait plein de tables de bridge et de chaises marrons que l’on étalait sur la pelouse. J’avais le privilège d’aider, dans la mesure de mes faibles compétences, Tante Germaine qui recomptait les cartes avec nervosité et le jour J je proposais des cigarettes aux joueurs « sans déranger leur concentration bien sûr ».

La dernière fête c’était la kermesse au bénéfice de l’hôpital des enfants malades organisée par Tante Colette et Oncle Maurice Lamy. Tante Colette pourrait la raconter mieux que moi.

C’était encore plus grandiose puisqu’en plus, Emile l’électricien accrochait de ravissants lampions accordéons en papiers colorés que je regrette comparés aux affreux fanions et ampoules peintes dont on nous affuble aujourd’hui. L’atelier de Charles était caché par un grand barnum rayé pour le buffet. Dans le jardin, les stands et jeux dont principalement la grande roue de loterie fabriquée par Charles : de quoi ravir les enfants que nous étions !

Le soir, dîner dans le grand salon avec vente aux enchères. Je me souviens que Grand Papa avait porté des enchères pour une chemise de nuit très féminine en soie. Sa générosité lui avait permis d’emporter ce lot ce qui m’avait alors laissée très perplexe, le sachant veuf.
Mais, ce qui fut le plus beau cadeau que m’ait fait mon grand-père eut lieu à ma première communion. Au retour de l’indispensable retraite, je trouvais le jardin tout refleuri comme pour une journée de fête ; l’on avait avancé la venue des jardiniers et c’était pour moi.

 

les kermesses – dans son article sur les fêtes du « Boufanin « , Laure évoque les kermesses organisées par Oncle Maurice et Tante Colette Lamy. « Ces fêtes, dit Tante Colette, qui chaque année me faisaient « prendre 10 ans » comme cela m’était régulièrement dit ». Chacun connaissant l’énergie de Tante Colette pour mener à bien un projet quel qu’il soit, comprendra qu’effectivement, elle ne se ménageait pas tout en surveillant la météo. Mais laissons-la raconter.

Maurice, professeur de médecine et chercheur était toujours en quête de financements qui lui permettraient de continuer ses recherches sur la génétique et en particulier de prendre en charge les déplacements de patients « cas intéressants ».

C’est ainsi qu’est venue l’idée d’organiser une kermesse. Mon père, Lucien Lassalle, mettait à notre disposition le jardin du boulevard Flandrin, le personnel et offrait les illuminations du soir. Nous avons organisé quatre kermesses des années 1955 à 1958 si mes souvenirs sont exacts.

Aidée par quelques épouses d’élèves de Maurice (Mesdames Aussannaire, Fauré, Frézal, Touraine et Thiriez) je rédigeais les invitations (reproduites plus loin). Maurice ne pouvait s’empêcher de vérifier ce que nous écrivions. C’est ainsi, qu’une année nous avions précisé : « vente d’objets en caoutchouc » … mais à l’époque cela ne choquait que le corps médical qui a rayé cette précision.

Mais ma plus grande angoisse était la météo. Pour le bon déroulement de la journée mais surtout pour l’organisation du dîner du soir, il ne fallait pas une goutte de pluie. Car il était impossible de faire tenir à l’intérieur 80 ou 100 personnes qui s’étaient inscrites au dîner. Je scrutais le ciel durant toute la journée et me préoccupais plusieurs jours avant la date des prévisions. C’est à cette occasion que je m’entendais dire qu’à chaque kermesse je prenais dix ans !

Il n’a plu à aucune des quatre kermesses que nous avions organisées.

Dans le jardin étaient proposés différents jeux : pêche, loterie, courses et, en même temps avait lieu une vente de charité au profit des œuvres de l’hôpital des Enfants Malades.

Le traiteur Vigneau-Desmarets avait en charge toute l’organisation matérielle : fourniture des tables, nappes, chaises, vaisselle et du dîner. Le service était organisé par nos soins : jeunes filles de la famille et personnel.

Pendant le dîner avait lieu la fameuse vente aux enchères animée par le très amusant docteur Coquart qui n’avait pas son pareil pour animer ce grand moment. La dernière année il fut remplacé par un autre médecin : Laurent Paillard. Il y avait toujours un lot important qui ponctuait cette vente. Et une année, ce fut un beau tapis d’Orient qui m’avait été offert par un patient de Maurice.

Des chansonniers animaient également le dîner, je me souviens de Françis Claude ou de Pierre de Rives, noms qui ne diront rien aux générations actuelles !

Parmi les convives, payants, nous eûmes une année juste avant qu’il ne soit Premier Ministre, Michel Debré.

Et chaque fois, ces kermesses ont connu un grand succès !

Voici une photo de l’immeuble quand il abritait le pensionnat des religieuses des SS. CC. de Louvencourt.