Marcel CHAPPEY

Marcel Chappey, candidat aux élections législatives de 1919 

vous trouverez, sur le Trait d’Union n° 15, un reportage sur la candidature de Marcel, CHAPPEY – cliquez ici  et voyez les pages 9 à 14

 

souvenirs de Colette Baubion-Chappey – Mars 1995 – extrait du Trait d’Union n° 6

De 1947 jusqu’à sa mort en 1971, mon père fut activement mêlé à la vie associative puis municipale de Garches.

Rentré de captivité en 1941 – il avait été libéré à la suite d’une grave blessure de guerre – après quelques mois de convalescence, il souhaita rapidement participer à la vie garchoise. Elu au conseil municipal en 1947, il est nommé maire aussitôt. Ce n’est qu’en 1959, après deux mandats consécutifs et bien que réélu maire à l’unanimité, qu’il renonce à cette fonction tout en continuant à jouer un rôle actif au sein du conseil municipal.

Pour résumer les grandes orientations de son œuvre de maire je dirai qu’il s’est toujours attaché au développement harmonieux et contrôlé de sa ville tout en favorisant le maintien et l’amélioration des conditions de vie de la population la plus modeste du « Petit Garches » comme on appelait ce quartier.

Pas de bâtiments spectaculaires donc – alors que cette banlieue proche de Paris attirait la convoitise des promoteurs – mais la mise en place de réseaux d’assainissement, l’amélioration de la viabilité et de toute l’infrastructure de base qui était encore celle d’un village après la guerre. Ce n’est qu’après ces travaux de base qu’il prit l’initiative de la construction d’un ensemble HLM, puis d’un groupe scolaire.

Cette œuvre, brièvement résumée, témoigne de son sens des priorités comme de son intérêt plus particulier pour les plus défavorisés.

Il faut dire que cette gestion d’une ville convenait tout à fait à son tempérament et qu’elle fut pour lui l’occasion d’exercer ses qualités essentielles.

Dans un livre intitulé P.C. de Compagnie »- livre de souvenirs de guerre, M. Constantin-Meyer écrit à propos de mon père « Cet officier réunissait l’ensemble des dons qui font le chef … une parfaite humanité, un sens vif de la justice, la connaissance que chacun avait de la bravoure de cet officier affermissaient singulièrement son autorité. »

C’est cet ensemble de qualités humaines et intellectuelles qui permettait à mon père d’exercer une réelle influence sur son entourage et de s’imposer par son seul exemple.

De plus n’étant pas, malgré les apparences, un optimiste – il était beaucoup trop lucide pour cela – l’action sur le terrain lui fournissait non seulement l’occasion d’exercer ses qualités mais aussi un dérivatif salutaire.

Son aménité, sa courtoisie masquaient assez bien, en effet, la vision sombre qu’il avait de ses contemporains et du monde dans lequel il avait à vivre. Combien de fois l’ai-je entendu parler avec un accent de révolte et d’indignation profonde de cette « époque de totale décadence  » ! Que dirait-il aujourd’hui avec la disparition de certaines grandes valeurs traditionnelles qui étaient celles de sa génération au profit d’autres comme l’argent qui pour lui n’a jamais été le moteur de son action.

Il me semble d’ailleurs qu’à cette génération, ce qui créait des liens entre les êtres c’était plutôt le niveau de culture, la possibilité d’échanger des idées, bref les affinités intellectuelles plutôt que le mode de vie.

L’estime et l’affection des deux frères Chappey l’un pour l’autre étaient fondées sur ces critères.

Je me souviens encore de leurs conversations, à Garches, le dimanche, cela me semblait voler très haut et à part quelques tuyaux de Bourse – l’oncle Jo faisait autorité en la matière – on ne parlait pas beaucoup argent mais plutôt politique, économie, évolution du monde pour ne pas dire philosophie !

La curiosité d’esprit de mon père lui faisait lire beaucoup de journaux de toute tendance, de’THumanité », assez rarement quand même, à « Aspect de la France » plus souvent, en passant par le « Canard Enchaîné », très régulièrement, et de toutes ces informations il résultait une réflexion personnelle, une vision non conformiste et souvent assez prophétique des évènements.

A propos de non conformisme, je dirais que mon père éprouvait une méfiance instinctive envers tout ce qui était convenu ou reconnu.

Bien que se définissant lui-même comme « un vieux réactionnaire » en politique, il se rangeait spontanément du côté des plus démunis, des plus vulnérables. Contre ce qui était institution, pouvoir en place, il pouvait faire preuve non seulement d’une indépendance d’esprit mais aussi d’une faculté d’indignation qu’il a gardée jusqu’à la fin de sa vie.

C’était le feu intérieur d’un être passionné et d’une sensibilité extrême qui s’accommodait mal de ce qui était.

Pour être juste, je dois préciser qu’envers ceux de sa famille il n’avait pas ce regard ; son indulgence était réelle comme sa tendresse. Parce qu’il s’intéressait à chacun de ses petits- enfants, il avait le mot juste pour en parler et je me souviens encore de certaines remarques clairvoyantes ou de telle recommandation précise concernant l’un ou l’autre d’entre eux.

Voici, très schématisé, ce qu’était la personnalité complexe de Marcel Chappey.

Vous l’avez compris, c’est encore une quasi inconditionnelle qui parle. Ce sentiment d’admiration n’est pas venu avec le temps, la preuve : enfants, lorsque nous nous bagarrions, ma mère intervenait en brandissant cette formule rituelle, sinon magique : “Mes enfants, je vous en prie, réglez vos problèmes avant que votre père rentre » ; même si ce ne fut pas toujours le cas, du mois cette demande ne nous semblait pas exorbitante et si nous acceptions d’avoir à le « ménager » – autre formule rituelle – c’est sans doute parce que nous lui reconnaissions ce privilège !