Pierre DELMAS

PRESENTATION

A la demande de Caroline, voici donc l’exercice périlleux consistant à se présenter – se dévoiler ? – aux yeux d’une famille parfois très lointaine (la famille dite proche étant censée déjà me connaître …. quoique …). Souhaitons que ce galop d’essai soit le premier d’une longue série permettant à tous les lecteurs de Trait d’Union de mieux connaître les uns et les autres, et pourquoi pas de se découvrir des liens – professionnels, culturels et autres-.

Nom : DELMAS – car c’est celui de mon père, et avant lui d’autres géniteurs connus et inconnus.

Prénoms : Pierre Alain Michel – je remercie la chance, mon prénom usuel est celui que je préfère dans les trois !

Né : un soir d’Avril, c’était un mardi, à l’heure du dîner – mon extrait d’acte de naissance prend des airs d’indicateur SNCF avec un implacable 20h42 minutes … _ en cette année exceptionnelle de 1958 (pour les Bordeaux, 1959 serait une meilleure année, mais pour les DELMAS, c’est LA meilleure).

Hérédité : lourde, car mon père est LE Philippe DELMAS qui sévit dans Trait d’Union depuis longtemps et les lecteurs assidus auront compris que l’on ne ressort pas indemne d’une telle filiation… surtout quand on hérite de tout, sauf de l’expertise en robinettterie-plomberie-tauperie! ! De plus, certaines personnes – forcément bien intentionnées – me trouvent une ressemblance avec Adolphe Landry, mon illustre arrière Grand-Père. Pour satisfaire ces envies familiales, et afin de parfaire cette dite ressemblance, je suis allé jusqu’à me faire pousser la barbe.

Etudes : longues, mais pas trop fastidieuses, car j’étais aidé à la fois par une immarcessible envie d’en faire le moins possible et par la chance d ‘être plutôt « bon » en tout – sans me jeter d’inutiles fleurs -. Ce qui m’aura permis de traverser les méandres du primaire et du secondaire sans me poser trop de questions, mais il était temps que cela se termine car j’ai poussé le vice jusqu’à obtenir mon Bac C avec les superbes notes de 7 en Maths, 6 en Physique et 14 en Philo … La déconfiture n’était pas loin. Je suis donc au choix un « littéraire » contrarié ou un « matheux » égaré.

Etudes (suite) : ne souhaitant pas être pilote de ligne ou taxidermiste, et non sans avoir hésité pendant environ 10 minutes à entrer dans une école pour devenir photographe (si, si!!), je rejoignais la cohorte des «Math Sup-iste » et «Math Spé-iste » à Janson de Sailly pour préparer l’entrée dans une école d’ingénieur… Un souvenir ? Celui de ce cours « séché » pendant lequel, avec quelques camarades, nous sommes partis déambuler dans Paris et à la suite d’un pari comme souvent plutôt crétin, avons décidé de monter à pied en haut de la Tour Montparnasse. Ce qui fut fait !! (pour information, par les escaliers on ne parvient qu’au 56è étage, l’accès au 58ème étant bloqué … et je vous laisse imaginer la tête des gens dans la société sise au 56 ème étage, qui ont vu sortir de l’escalier « de secours » des jeunes certes pleins d’avenir mais ponctuellement très essoufflés, demandant poliment ou se trouvait l’ascenseur.

Etudes (fin) : ayant laissé à mon frère Jean le soin de tester l’enseignement de l’X et de vérifier qu’on en sortait à coup sûr idiot, je me dirigeais vers une découverte de nos belles provinces françaises en intégrant l’IDN à Lille (IDN voulant dire comme tout le monde le sait Institut Industriel du Nord … si si !! et pour ceux qui ne trouveraient plus cette école dans leurs publications préférées, sachez qu’elle se nomme aujourd’hui Centrale Lille). Diplôme d’ingénieur généraliste en poche (je savais désormais tout de la résistance des matériaux à la chimie, de la construction mécanique à l’informatique, de l’électromécanique à la mécanique des fluides … mais de comptabilité, de langues étrangères ou de techniques de management point, car il est connu que l’on peut réussir sa vie professionnelle sans ces connaissances totalement inutiles et dégradantes…je partais à la découverte de la Vraie Vie dès 1981.

Vie professionnelle : c’était le bon x temps, et je ne veux pas ici faire pleurer nos jeunes lecteurs, mais force m’est d’avouer que j’ai trouvé mon premier travail en envoyant UN seul CV, en réponse à UNE annonce … Après deux années passées à jouer l’informaticien dans une filiale de la Compagnie des Eaux, je fus débauché – déjà – par la société CEGI-Tymshare, qui devait rapidement devenir la filiale française de McDONNEL DOUGLAS Information Systems.

7 ans (de réflexion, of course) plus tard, nouvelle orientation pour épouser non pas la religion mais la Monétique, secte mal connue aux 23 millions d’adeptes en France.

Entrée au Groupement Carte Bleue, dans des fonctions que l’on pourrait qualifier de globalement marketing (pour qui veux rire, merci de demander à mon père ce que je fais comme travail : il a depuis longtemps je crois refusé d’essayer de comprendre, et reste persuadé que je ne fais rien ou pas grand- chose … d’ailleurs je me demande si … mais on ne sait jamais qui pourrait lire cette revue alors restons discrets.)

Et aujourd’hui prise de nouvelle fonctions de « Directeur Commercial » toujours au sein de ce Groupement Carte Bleue.

Je suis à la disposition de Trait d’Union – ou de certains lecteurs – pour disserter sur le Groupement Carte Bleue, ses origines, ses missions et son devenir… et ses membres (ah, les banquiers I!) (Qui d’entre vous sait que comme ses illustres confrères Frigidaire, Klaxon ou Mobylette, Carte Bleue est une marque commerciale, et que tous les rectangles de plastique dans vos portefeuilles ne sont pas forcément des Cartes Bleues ???)

Vie non professionnelle : connu pour être toujours en vacances, et généralement à plus de 5.000 kilomètres de Notre-Dame. Pourrait se recycler en agent de voyages pour conseiller les personnes souhaitant aller de préférence au soleil, au bord de la mer – 27° minimum -, plonger (avec bouteilles), dans des endroits originaux et superbes. Sait pourquoi il travaille : pour pouvoir partir en vacances très souvent et très loin

note de la rédaction : immarcessible – selon le Larousse du XXème siècle : du latin immarcessibilis : qui ne peut se flétrir 

 

Je me souviens … – à la manière de Georges PEREC

Je me souviens de l’appartement de la rue des Perchamps, et de la fenêtre de la chambre de mes parents d’où je pouvais voir la cour de récréation de mon école … j’attendais de voir les premiers arrivés dans la cour pour partir à mon tour « en classe »…

Je me souviens des déjeuners le dimanche à la Villa Montmorency, avec Grand-Lala, Doudou, Philippe, Marie-Claude et Olivier …. sans oublier Emir et Panpan (les chiens respectifs), bien sûr.

Je me souviens de ce grand salon, et de ce piano sur lequel, souvent, je venais jouer maladroitement quelques notes en cachette, sous le regard de cette dame majestueuse sur l’immense tableau accroché, au mur….

Je me souviens surtout du jardin, paradis des enfants que nous étions, avec ses coins secrets – du côté du garage – et ses recoins – du côté de la cuisine … mais aussi de la cave, merveille des merveilles, sombre et inconnue, qui représentait à la fois une envie de découverte et une réelle peur de se trouver là, seul.

Je me souviens du trésor trouvé, un jour dans cette cave : une vieille « grenade d’exercice » aussitôt identifiée par notre père, « vous verrez, ça va simplement faire beaucoup de bruit » … grenade bientôt lancée au milieu du jardin, et si le bruit a bien été au rendez-vous (les voisins ont dû être aussi surpris que nous I), le trou béant de 1 mètre de diamètre et de 50 cm de profondeur dans ce superbe gazon aura provoqué notre plus grande joie – à nous, les enfants – en même temps que la plus épouvantable colère de Grand-Lala …

Je me souviens du nom de mes maîtresses d’école, depuis la 11ème  : Mademoiselle Sand, Mademoiselle Tauflibe, Madame Courtois, Mademoiselle Buisson, …

Je me souviens de la Dauphine blanche, conduite par Grand-Lala comme une formule 1 au milieu de l’avenue Mozart, pour nous emmener au cinéma, Marie-Claude et moi, et de ma peur panique de l’accrochage …

Je me souviens des visites à Noël avenue Victor- Hugo, chez Grand-Jean et Gaby, trop solennelles pour me rendre heureux, mais magiques comme les instants rares, et de mes yeux qui furetaient partout dans cet appartement inconnu …

Je me souviens de cette fête organisée par ma soeur à Saint-Tropez, à l’Ourida, avec tous ses amis – ce qui alors devait s’appeler une « boum » – et de Jean et moi cassant discrètement des ampoules de « liquide lacrymogène » dans le salon …. et de tout le monde sortant dans le jardin en pleurant…

Je me souviens de ce matin où, partant de la Villa Montmorency à pied vers mon école, je devais avoir dix ou douze ans, je croisais dans l’allée qui descendait aux grilles de la Villa mon cousin Jacques, de dix ans plus âgé qui habitait alors lui aussi chez Grand-Lala, rentrant d’une soirée, et de ma découverte soudaine que l’on pouvait « découcher », ou plutôt ne pas se coucher de toute la nuit…

Je me souviens des ballades en « mobylette » à Saint- Tropez, sur le porte-bagages de mon frère qui devait – par charité ! – ne pas me laisser et m’emmener avec lui quand il sortait avec ses copains … Je me souviens de Rossella, de nos jeux dans la colline, du repas pris chez elle avec ses parents, où je découvrais que le melon que nous mangions toujours au début du repas se prenait en dessert ici I!

Je me souviens, Villa Montmorency, de la chambre de Grand-Lala, au premier étage, où nous n’étions pas supposés aller, mais où bien sûr je passais goûter un peu d’interdit quand je savais ne pouvoir être surpris par personne … je me souviens également de cette porte, tout en haut de l’escalier, porte de « l’appartement » de Doudou, des Jeudis après-midi où j’allais y regarder Zorro … la télévision, et du dessin animé qui passait juste avant…

Je me souviens de la mort de maman, instant à la fois si cruel et moment de certaine délivrance pour elle, je me souviens de mon impuissance devant sa souffrance, je me souviens penser si souvent à elle, n’avoir pas su lui dire, n’avoir pas su comment, je me souviens l’aimer encore si mal et si fort à la fois …

Je me souviens d’Adèle, rue Rennequin, de ses raviolis préparés à la main, avec cette drôle de machine pour découper la pâte, je me souviens de ces matins où je la surprenais, en me cachant derrière la porte de ma chambre, et où le « Bouuhhh » tonitruant quand je jaillissais derrière elle la faisait trembler pendant de longues minutes …. Je me souviens de ce soir là où je partis avec elle, chez elle à Argenteuil, pour dîner là-bas et y passer la nuit … véritable voyage, aventure extraordinaire, timidité, aussi devant un monde inconnu, et embarras lorsque j’ai compris que l’on m’avait attribué la chambre et le lit de Joseph, le fils, et que je me demandais bien où lui allait dormir

Je me souviens de la Tante Mamet, cette tante dont Grand-Lala parlait parfois sans que je parvienne à comprendre en quoi elle était une « tante », et de l’unique visite que j’ai pu faire un jour chez elle, lointain souvenir imprécis, déjà très vieille dame aperçue un instant…

Je me souviens de ce retour avec Grand-Lala il y a quelques années en voiture, je conduisais, et de notre arrivée place de la Concorde par la rue de Rivoli, quand je l’ai entendu me dire calmement, me montrant les fenêtres du haut du Ministère de la Marine, « tiens, là, c’était ma chambre … »

Je me souviens qu’il faut que Grand-Lala me raconte encore et encore, cette vie si riche, tant d’aventures, trop de malheurs, …

Je me souviens de Belphégor et de l’Homme Invisible à la télévision, et du dos bienveillant de maman derrière lequel je me cachais parfois …

Je me souviens de Grand-Lala, et de notre amour commun des « choses qui se cassent » : verres, objets précieux, …

Je me souviens de Grand-Lala, et de sa gourmandise quand, il y a quelques années, je l’ai emmenée dîner au restaurant : bon coup de fourchette, et le charme d’une élégance chapeautée

Je me souviens de ce voyage à Clermont-Ferrand il y a près de 30 ans, avec mes parents, premier voyage en avion, où à la requête discrète de mon père, l’hôtesse est venue pendant le vol me chercher pour aller visiter le poste de pilotage … et de ma frayeur en voyant le pilote lire le journal, sans tenir le « volant »… 

Je me souviens de Grand-Jean, m’offrant chaque année pour mon anniversaire, à Saint-Tropez, un « énorme » oeuf en chocolat …. Je me souviens de ce trajet avec lui, un jour, jusqu’à Ramatuelle, dans sa Mini Cooper S (version rallye I!) où chacun des virages enfin passé, m’avait fait vieillir de dix ans … Je me souviens de Grand-Lala, et de ses purées Mousseline « fabriquées » uniquement avec de l’eau, sans lait…

Je me souviens de la surprise de Marie-Claude, quand elle m’a trouvé dans sa salle d’attente un jour à Calvi et de l’oursinade du lendemain sur la plage, arrosée au « Clos Landry » rosé

Je me souviens de Grand-Lala, à la fois la plus ouverte et la plus directe des grands-mères, de ses petites phrases assassines, mais aussi la première qui m’aura parlé.

Je me souviens de mon père, quand nous allions à la fête annuelle de mon école, kermesse avec jeux et tombolas, de ses successives ID19, DS21, CX – un fidèle de la marque ! -, que je rêvais alors de conduire un jour, de ces séances de ski nautique auxquelles je devais participer, bien à reculons, des disques d’Opéra qui ont bercé pendant des années ses – et par là même nos – matins sur le « vieux » tourne disque Grundig du salon, … Je me souviens que je l’aime, et qu’il faut que je lui dise         

Je me souviens des boites rouges de Réglisse Florent, des bonbons PEZ, de Pif Gadget, de Pilote, de la cabane dans la colline à Saint-Tropez, de la remise des prix de fin d’année à St-Jean de Passy, du séjour à Malbuisson, des vacances de neige à Morzine et de la montre avec un avion qui tournait que mes parents étaient passés me donner, de mon carnet de note de 7ème où était marqué par le proviseur « inconnu en classe », de cette enfance heureuse déjà si lointaine ..

Je me souviens de cette phrase de Grand-Lala, constatant avec une perceptible tristesse « qu’avec l’âge le temps passe de plus en plus vite …. »