Côme ARRII

 

LA FAMILLE ET LA MEDECINE – souvenirs de Caroline Chappey-Ribadeau Dumas – extrait du Trait d’Union n° 2

Moïse et les Hébreux étaient dans le désert et beaucoup mouraient des piqûres de serpents. Sur l’ordre de Yavhé, Moïse façonna un serpent en airain autour d’un bâton. Quiconque aura été mordu par un serpent et regardera le serpent d’airain restera en vie (livre de la Sagesse).
Si je raconte cela, ce n ‘est pas pour annoncer que la galerie de portraits remonte à cette époque , mais pour vous rappeler que le caducée date de Moïse (env. 1200 ans av JC).
Ayant choisi l’ordre alphabétique, c’est donc par mon grand-père maternel que je commencerai. Ne pouvant tout publier dans ce numéro, d’autres portraits ou articles sur la médecine paraîtront dans le prochain trait d’union.

Don Côme ARRII -1900-1981

Né avec le siècle à Sainte Lucie de Tallano, (important village niché dans la montagne à 20 kilomètres de Propriano), ou il passa son enfance entouré de ses 2 frères, de son père et de ses tantes, dans la maison familiale « le Palazzo » qui existe toujours. Sa mère avait été emportée par la tuberculose alors qu’il était très jeune, sans doute sa vocation de médecin lui est-elle venue de ce drame. Il fut élevé par les sœurs de son père. A cette époque, les femmes ne se mariaient pas afin de ne pas diviser les terres, seule la sœur ainée de son père se maria.

Son père, Léonce Arrii, était magistrat et exerçait la fonction de juge de paix à Lévie, bourg dont dépendait un certain nombre de villages. Fort apprécié pour ses jugements, il avait pour principe qu’un procès évité était un bon procès !

Après de brillantes études au lycée d’Ajaccio, comme il n’y avait pas de faculté en Corse, il choisit de se rendre à Alger plutôt qu’à Marseille étudier la médecine. A Alger il fit la connaissance d’Alice Blachette qui allait devenir ma grand-mère. Cette dernière, qui avait également perdu sa mère de la tuberculose, avait gardé un souvenir très vif de sa présentation à la famille corse et, l’un de mes grands plaisirs était de lui faire raconter. Je ne me lassais pas de ces descriptions, hautes en couleur.

Agée de 18 ans et habituée à un certain luxe, accompagnée de son père et de ses deux frères, ma grand-mère se rendit à Sainte Lucie de Tallano,

Les bergers du village et des environs étaient venus nombreux pour féliciter le fils du notable, faire la connaissance de la jeune mariée et… pouvoir bénéficier d’une consultation gratuite pour eux et leurs bêtes. Car comme son père rendait justice par devoir, le jeune médecin se devait également de faire profiter son entourage de soins …. gratuits. C’est ainsi que défilèrent, dans le Palazzo, grande et austère maison construite en 1815, nombre de personnes, au plus grand dam de ma grand-mère qui se retrouvait seule, dans le grand salon, passant ses journées avec les tantes qui l’intimidaient et son beau-père avec lequel elle eut un excellent contact et dont elle gardait le souvenir d’un homme « noble ».

Si bien que, récemment, quand mon frère Christian, jeune diplômé de médecine et jeune marié avec Sophie, envisagea d’aller faire un remplacement à Sainte-Lucie de Tallano, je me souviens de la réaction de ma grand-mère qui l’en a vivement dissuadé !

Mes grands-parents s’installèrent à Alger où mon grand-père fut rattaché à l’hôpital d’Alger avec pour spécialité les maladies nerveuses, puis ils gagnèrent Paris.

Toujours à l’écoute des autres, son regret fut de ne pas avoir pu s’établir comme spécialiste des maladies mentales. Son goût pour l’étude des caractères s’ exprima à travers différents écrits dont une pièce de théâtre sur la folie de Charles VH. Il aimait écrire et a rédigé plusieurs ouvrages dont « L’homme et son destin” et « L’homme devant la médecine” dans lesquels il expose sa philosophie de la vie.

Pendant la seconde guerre, il était médecin en chef de la Croix-Rouge et allait sur le front chercher les blessés. Egalement installé comme médecin de quartier, il y a fait preuve de générosité et aida de nombreuses personnes pendant la guerre.

Né d’un père corse et d’une mère italienne, il était grand amateur de « bel canto » et il me semble encore entendre sa voix résonner.

Il décéda le 11 novembre 1981 et je garde de lui le souvenir d’un grand-père, grand humaniste, qui nous a communiqué sa joie de vivre.