Marwan ALCHAMI

sa disparition – le 28 mai 2019

parmi les allocutions prononcées lors de ses obsèques, voici ce qu’a dit Nour, son fils (dans un style qui aurait certainement plu à son père)

Quand j’étais jeune ado, et que je marchais dans le quartier avec mes copains, qu’on rentrait du kebab ou du terrain de foot, j’ai le souvenir d’avoir plus d’une fois été angoissé à l’idée qu’on croise mon père…
Ses santiags, sa veste en cuir, ses bagouzes, son accent et son interprétation de la grammaire française.
Et quand, par hasard, on tombait sur lui, je guettais anxieux la réaction de mes potes…
Non pas que j’avais honte de lui (si, peut-être un peu), mais je savais que j’avais un père différent des autres, non conventionnel.

Dans sa vie, papa ne s’est jamais embarrassé des normes, le terme « pression sociale » ne faisait pas partie de son vocabulaire. Que ce soit dans sa jeunesse en Syrie ou ici, il a toujours fait ce qu’il  voulait et rien d’autre.  

Et, parce-que c’était quelqu’un d’entier, cohérent avec ses principes, Marwan nous a élevés en nous laissant toujours une liberté totale, dans nos choix de vie, dans nos études, dans les personnes qu’on fréquentait, et qu’on ramenait parfois sous son toit de daron rebeu. Jamais un jugement, ou un commentaire négatif. Et ça ne voulait pas dire qu’il s’en fichait, loin de là !

Lorsque ado j’ai commencé à fumer des joints, sa réaction fut « baba, si tu veux du shit, tu me demandes à moi – d’accord ?  » – je m’en souviendrai toute ma vie.

Il y a deux ans, nous étions ensemble en Grèce, où il était venu me filer un coup de main dans les camps de réfugiés où je travaillais.
Je lui avais décrit la situation, l’environnement : c’est-à-dire majoritairement des hippies anglophones dans leur vingtaine.
Il avait pas hésité. Et le pire c’est qu’avec ses trois mots d’anglais, il s’était intégré à cette famille, il se sentait chez lui là-bas.

Ces derniers jours j’ai reçu énormément de messages de bénévoles qui l’ont croisé pendant cette période, et les mots qui reviennent sont : je me souviens de sa gentillesse et c’était « the coolest person i have ever met ».

 C’est comme ça que je souhaite me souvenir de lui, ça et ses yeux rieurs – son sourire si bienveillant.

Enfin, je voulais juste avoir une pensée pour ses frères, neveux, nièces, qui ne peuvent pas être la aujourd’hui, je pense à eux très fort.