Henri BONNET
résumé de sa vie – extrait du Trait d’Union n° 2 – 1994
Henri Bonnet avait épousé Simone Lassalle. Eminent médecin, il comptait parmi ses amis intimes, Maurice Lamy qui allait devenir son beau-frère en épousant Colette Lassalle. Les deux couples étaient très proches et se voyaient très souvent. Henri et Simone Bonnet habitaient au Petit Monastère, à Ville d’Avray, qui abrita pendant la guerre des personnalités. Parmi ses voisins à Ville d’Avray Henri Bonnet comptait les frères Judet, grands amis. Devenu veuf, il épousa Odette Thomas et se retirera à Palluau où il décéda en 1986.
Voici ce qu’écrit de lui Philippe Monod-Broca, gendre du Professeur Robert Debré, dans la Semaine des Hôpitaux de Paris en 1988.
C’était un homme franc et loyal. Il a gardé jusqu’à la fin sa voix bien timbrée, son intérêt pour autrui, sa mémoire, son intelligence.
Il était né le 2 octobre 1889 dans le petit bourg de Gouzon sur l’Allier où son père était médecin. Sa vocation se dessina en l’accompagnant dans la carriole utilisée pour faire la tournée des malades. Qui sait si la vue des conditions de vie dans les campagnes, en cette aube du )6(è siècle, ne l’a pas orienté vers la bactériologie, l’hygiène, l’épidémiologie ? Il devait y penser lorsqu’il fonda en 1920 l’enseignement de l’hygiène à l’Ecole Normale Supérieure d’Institutrices de Fontenay aux Roses pour diffuser les notions modernes d’hygiène dans l’enseignement primaire.
Henri Bonnet fut avant tout, un homme de laboratoire. Ses travaux qui comportent une centaine de titres ont porté notamment sur la rougeole, le staphylocoque, le streptocoque et la tuberculose. Il s’attacha à l’étude de l’immunité de surinfection.
Il s’est formé auprès d’éminents maîtres et en particulier Robert Debré. Leur collaboration dura un demi-siècle et ne fut brisée que par la mort de Robert Debré en 1978. La plupart de ses maîtres étaient des cliniciens. Cette génération qui a crée les laboratoires hospitaliers et privés restait extrêmement proche des malades. Ces médecins faisaient eux-mêmes les prélèvements, connaissaient les maladies et leur traitement. Ils savaient l’importance, l’enjeu de leurs examens aussi bien pour le diagnostic que pour le traitement. Henri Bonnet n’a jamais hésité à se rendre d’urgence, fut-ce en pleine nuit, au lit d’un malade pour un prélèvement de gorge ou une hémoculture et ceci aussi bien à l’hôpital Hérold qu’au domicile des malades.
Sous l’égide de Robert Debré, il créa le laboratoire de séroprophylaxie de la rougeole aux Enfants Malades en 1925, il fut le conseiller technique du Ministre de la Santé Publique en 1922 pour la médecine préventive et le redevint en 1940. En 1945 à la demande d’Henri Frenay, Ministre des Déportés et Réfugiés, il organisa le rapatriement des prisonniers et déportés. Son expérience, son bon sens, ses travaux, ses dons d’enseignement lui valurent d’accéder à l’agrégation de bactériologie en 1939.
Il a consacré beaucoup de temps à l’enseignement et a réformé l’enseignement pratique de la bactériologie à la Faculté de Médecine de Paris. Son esprit clair et logique, la concision et la précision de son style expliquent le succès du précis de bactériologie qu’il écrivit en 1936 avec Nevot pour guider les travaux pratiques des étudiants. Ce livre est resté pendant 30 ans un bréviaire et connut 5 éditions, la dernière en 1964. Lorsque parut en 1945 le nouveau précis de pathologie chirurgicale, c’est à lui que les chirurgiens demandèrent d’écrire les 2 premiers chapitres consacrés a l’infection.
A partir de 1944 vont se manifester pleinement ses dons d’organisateur. Il accède au poste de Directeur de la Croix -Rouge Française qu’il occupe de 1944 à 1947 sous la présidence du Professeur Justin-Besançon. En 1947, il crée pour l’UNICEF le premier cours de pédiatrie sociale. Ce cours mis sur pied en trois mois eut un grand succès qui lui attira les plus chaudes félicitations du Docteur Pate alors Directeur Général de cet organisme. Sous l’égide du Fonds International de Secours à l’Enfance (FISE) il participe à la campagne de vaccination par le BCG en Afrique du Nord et y réalise des prodiges d’ingéniosité car on manquait de tout. Ces activités vont le conduire au Centre International de l’Enfance où il travaillera près de 20 ans. Le Centre est créé en 1949 et s’installe à Longchamp. Il en est le premier directeur, en 1950, puis devient directeur des Enseignements (1950 à 1957). Il continuera d’y travailler jusqu’en 1967 comme conseiller d’orientation des étrangers dont il organise les études. Ses fonctions lui firent parcourir l’Europe et nouer de Lisbonne à Bucarest des amitiés durables.
C’était un patriote courageux, il le montra d’abord comme médecin-auxiliaire du 21ème régiment d’artillerie pendant la 1ère guerre mondiale. Il revint décoré de la croix de guerre et officier de la Légion d’honneur. Sous l’occupation il fut membre de la commission consultative médicale de la Résistance. A la libération de Paris, il fut désigné par Pasteur Valléry-Radot comme chef de la Défense Passive et intronisé à la Préfecture, manu militari par ses amis les frères Judet, creusois comme lui.
Sa franchise, son esprit libre, son indifférence aux honneurs et aux titres expliquent son rayonnement et lui attirèrent beaucoup d’amis parmi lesquels Maurice Lamy qui allait devenir son beau-frère.
Il prit sa retraite à Palluau dans l’Indre et y vécut heureux avec sa seconde épouse. Sa gaieté, sa verve, ses talents de conteur attirèrent jusqu’à la fin parents et amis venus de Paris et d’ailleurs. C’est à Palluau que la mort vint prendre cet homme de bien qui a grandement honoré notre profession.
un souvenir
voici une lettre de Madeleine (LASSALLE-WEULERSSE) à sa cousine Lala (Létizia LANDRY), datée du 15 mars 1988 :
ses souvenirs – ses cassettes – extraits des Traits d’Union n° 10 à 15
MERCI DELPHINE, MERCI DOMINIQUE !
Delphine Weulersse et Dominique Spalter-Grininger m’ont remis chacune une cassette audio enregistrée pour Tante Colette Lamy et pour Tante Madeleine Weulersse par Oncle Henri Bonnet, alors âgé de 96 ans – c’était en 1985, un an avant sa mort
nous avons inséré les dessins de FRAPAR (notre parent Françoisn Parmentier)
Ma chère Colette,
Les cassettes que je fais pour toi n’ont pas de chance. Sur la première, tout a été effacé par inadvertance, la deuxième, que tu as prêtée à Madeleine a disparu, et impossible de la retrouver. Alors tu me demandes de t’en refaire une troisième et je le fais avec grand plaisir.
Je voudrais pourtant te dire une chose, c’est que le temps a passé et que maintenant j’ai des cordes vocales qui m’ont servi pendant presque 97 ans alors si c’est moins bien que tu ne l’espères, tu voudras bien m’excuser.
Commençons d’abord par quelque chose qui vous concerne, Maurice et toi. Tu sais que j’ai connu Maurice à l’hôpital Bretonneau, chez Guinon ou plutôt comme on disait à l’époque, chez Monsieur Guinon. Il y avait également à l’hôpital Bretonneau Robert Broca. Je ne me souviens plus très bien chez qui il était. Mais il y avait surtout un homme, un pédiatre qui venait remplacer un patron défaillant et ce jeune pédiatre s’appelait Robert Debré.
Comme les services en général n’étaient pas très intéressants, il était de règle d’expédier cela le plus rapidement possible et dès que les patrons étaient partis, tous les internes et chefs de clinique se précipitaient dans le service qui était dirigé à l’époque par Robert Debré. Moi j’y allais aussi pour la raison suivante : l’hôpital Bretonneau n’avait pas de laboratoire vraiment digne de ce nom, en particulier il n’y avait pas de biologiste pour les analyses un peu délicates et Debré m’avait demandé de faire pour ses malades des analyses comme je le faisais aussi pour ses malades de ville. Bien entendu, j’avais accepté et avait par conséquent de nombreuses occasions de me rendre moi aussi à Bretonneau. Assez rapidement il y a eu une sorte de trio constitué par Robert Broca, Maurice Lamy et Henri Bonnet.
Et puis tu sais que vers cette époque, j’ai épousé ta sœur Simone et naturellement Broca et Maurice ont été appelés à venir près de nous quand nous nous sommes installés avenue du Maine. Ils allaient également boulevard Flandrin et je crois que c’est Broca qui a pensé que comme il y avait encore deux jeunes filles Lassalle à marier, peut-être l’une d’elles pourrait très bien convenir à Maurice Lamy et après tout pourquoi pas la troisième pour lui ? Ce que j’en dis là, je n’en sais rien mais je le suppose.
En tout cas c’est lui qui a eu l’idée de faire une présentation en petit comité pour que vous vous rencontriez Maurice et toi et il m’avait demandé d’organiser à Vignacourt une chasse à laquelle on inviterait Maurice et toi bien entendu. Alors, tu te souviens très bien de cela sans doute. Nous nous sommes rendus toi et moi au bois de la Chaussée et de leur côté Maurice et Robert Broca sont venus d’Amiens. Et nous avons vu arriver un Maurice qui, n’ayant jamais chassé, est arrivé équipé de neuf : souliers, guêtres, cartouchière, gibecière, tout ceci d’un neuf éclatant qui contrastait beaucoup, je dois le dire, avec l’accoutrement d’Henri Bonnet qui était lui déjà, un vieux chasseur. Robert avait en plus apporté un petit fusil calibre 20 qui avait servi à son père et il t’a demandé de t’en servir pour prendre part, toi aussi, à la chasse.
Alors, te souviens-tu de cet incident ? A un moment donné, tu me dis, tu étais en face de moi : « Comment fait-on pour mettre de cran de sûreté de façon à ce que le coup ne parte pas ? » Alors j’ai dit : « Tu vois, tu as là, sur le canon un petit bouton. Tu pousses en avant et le contact étant mis, le coup ne peut plus partir. » « Ah bon ».
Alors tu veux faire ce qu’il fallait pour mettre la fermeture, sans faire attention tu appuies en même temps sur la gâchette et pan tu m’envoies un coup de fusil à côté de mes pattes. Alors je t’ai dit : « Non, ce n’est pas comme cela. Il ne faut pas prendre appui avec la main sur la gâchette mais bien, si tu veux, sur le pontet de l’arme ». »Ah bon, très bien » me dis-tu. « Bon, alors nous allons voir ».
Tu recommences et pan : deuxième coup encore dans les jambes de ton beau-frère ! Alors je ne sais pas si c’est cela qui a séduit Maurice, si c’est cette spontanéité, en tous cas, je sais qu’après la partie de chasse il avait décidé de te demander en mariage si tu étais d’accord.
Le lendemain matin nous rentrons à Paris, toi et moi, eux étant rentrés de leur côté par Amiens et puis peut-être deux ou trois jours après, je vois arriver Robert à mon laboratoire de l’hôpital Laennec, et il me dit : « Alors, qu’est-ce que pense Colette ? Est-ce qu’elle est décidée ? »
« Oh « – je lui dis – « écoute, laisse-la réfléchir un peu. Voici une toute jeune fille qui n’a jamais pensé jusqu’à présent à se marier. On la met en contact avec Maurice pendant quelques instants, mais donne-lui le temps de réfléchir, on lui posera la question plus tard ».
« Ah » me dit-il, » il faudra bien qu’elle se décide quand même ». « Ecoute, attends un peu. »
En effet, il attend quelques jours et il revient à la charge. Je lui dis : « Ecoute, tu es un peu insupportable, mets- toi à la place de Colette, voilà une toute jeune fille qui avait en tête tout à fait autre chose. Par exemple, hier je suis allé dans sa chambre boulevard Flandrin, qu’est-ce que j’y ai vu ? Les photos des « beaux gosses » de l’époque : Rudolph Valentino et d’autres. Alors tu comprends, quand tu lui parles d’épouser Maurice, tout de même … » Alors il prend une figure absolument ravagée et il me dit
Mais enfin qu’est-ce que tu peux imaginer de mieux que Maurice ? »
Tu ne trouves pas cela charmant ?
Enfin cela a fait l’heureux ménage que tu sais et qui a duré de nombreuses années.
Et à propos de cette partie de chasse à la Chaussée, je dois te dire que Maurice n’avait pas été le seul à être séduit par toi : parce que, quelques temps après, alors que j’étais retourné chasser au Bois de la Chaussée, le garde Chagnier, dont tu te souviens très bien et qui avait ce parler picard un peu curieux. En particulier il disait de moi un jour « Oh, M’sieur Bonnet, il est venu dimanche, Va fait des catacombes ! ». Et bien, quelques jours après l’entrevue avec Maurice, Chagnier sans doute un peu étonné par ta spontanéité de tir, me dit un jour : « Oh, M’zelle Colette, elle est subtile !” que voulait-il dire par subtile ? Je ne sais pas très bien, à toi de le deviner.
Et à propos de la chasse de la Chaussée, cela me remet en mémoire l’histoire du cousin Flandre.
Tu te souviens que lorsque je suis entré dans la famille, personne ne chassait et Bonne-Maman, propriétaire des deux bois, avait loué le bois de la Chaussée et le bois de Saint Vaast à un garagiste d’Amiens pour une bouchée de pain, quelques centaines de francs par an je suppose. Et ce brave garagiste, apprenant qu’il y avait un nouvel arrivant dans la famille qui était chasseur, m’invite à une partie de chasse à la Chaussée et à Saint Vaas. Alors j’ai été surpris de voir qu’il y avait là une très jolie chasse et au retour j’ai dit à Bonne Maman : »Mais écoutez, c’est ridicule de louer la chasse comme cela à ce bonhomme, nous pourrions avoir une très belle chasse pour nous et je vous propose de ne pas la lui relouer ». « Et bien oui, mon petit Henri », me dit-elle « mais il faut que ce soit vous qui vous en occupiez ». J’ai dit d’accord.
Et c’est ainsi qu’il y a eu la chasse de Vignacourt que tu connais bien. Un jour, au cours d’une partie, Bonne-Maman m’avait dit : »Et bien, puisque vous faite une partie de chasse la semaine prochaine, il faut inviter le cousin Flandre ». Le cousin Flandre, je n’avais jamais entendu parler du cousin Flandre et vous aussi très peu, c’était presque un inconnu. Ah mais Bonne Maman insistait l « Le cousin Flandre, le cousin Flandre ». C’est bon, on va inviter le cousin Flandre. Il vient à la chasse à la Chaussée, il envoie un coup de fusil sur je ne sais plus quel gibier, sans faire attention à ce qu’il avait devant lui et qu’est-ce qu’il fait ? Il envoie du plomb dans les cuisses de tante Lucie ! Oh !!!! Le scandale !!!! Il a fallu arrêter la chasse bien entendu, emmener Tante Lucie à Amiens chez le chirurgien pour extraire les plombs. Enfin, toute une affaire. Inutile de te dire que l’on n’a plus jamais entendu parler du cousin Flandre.
………
Sur ta liste, je vois : les baraques de l’UNICEF.
Alors je vais te raconter cela, c’est en effet assez curieux. Tu te souviens peut-être que lorsque le Fonds International de Secours à l’Enfance, installé en France à l’initiative de l’OMS, en accord avec le gouvernement français, a été chargé de créer un enseignement de pédiatrie sociale en France, c’est naturellement Debré qui en a été chargé. Debré s’est tourné vers moi : « naturellement la direction de ce cours et surtout son organisation, c’est vous ».
Alors c’était assez difficile à l’époque tu sais, c’était en 1948, de trouver des locaux. Où les trouver ?
Alors j’ai pensé à la Cité Universitaire qui n’avait pas encore rouvert ses portes. Je suis allé voir le directeur, Monsieur Lhirondelle, et j’ai obtenu de lui un amphithéâtre, des salles de cours et même la possibilité de faire déjeuner les boursiers au restaurant universitaire. Cela était très bien pour la première année. La deuxième année, la Cité Universitaire avait rouvert ses portes, il fallait trouver autre chose. Grâce à ton père j’ai pu avoir les locaux du patronat français (amphithéâtre, salles de cours, etc.). La troisième année, c’était un peu plus difficile car naturellement je ne pouvais pas aller taper les mêmes personnes.
J’avais remarqué boulevard Suchet des baraques Adrien autour desquelles il y avait très peu d’activité. Alors, je suis entré dans l’une d’elles, j’ai été reçu par un officier de marine auquel j’ai exposé ce que je voulais. Il ne m’a pas laissé parler très longtemps. Il m’a dit « Oh, vous savez Monsieur, c’est impossible, je ne vois pas très bien, nous sommes un service très spécial, je n’aimerais pas beaucoup voir là ainsi que vous me l’avez dit, des étrangers, en particulier des pays de L’Est, Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Bulgarie. Non, non tout cela n’est pas possible. »
Et il me reconduit, je dois dire non pas sèchement, mais assez rapidement. Au moment de partir, je me tourne vers lui et lui dis : « Mais vous avez un chef, vous dépendez d’une organisation, qui est-ce ? » Il me dit : « C’est le colonel Ribière qui est chargé de la direction du contre-espionnage et de la sécurité du territoire ».
« Et ou siège-t-il ? » Il m’a dit que c’était dans le magnifique immeuble dans lequel avait siégé pendant l’occupation allemande le grand état-major allemand. Je demande un rendez-vous à ce colonel Ribière. Je l’obtiens et j’arrive dans cet immeuble. J’ai encore gardé le souvenir de cet accueil. On avait l’impression de rentrer dans une forteresse : portes blindées, soldats en arme un peu partout, en particulier dans le bureau d’attente, en face de toi un soldat armé pour te surveiller. Tu vois, ce n’était pas très engageant.
Enfin, je suis introduit dans le bureau du Colonel Ribière. Je trouve là un monsieur très grand, assez gros, important et il me dit : « Monsieur, que voulez-vous ? »
Puis il se ravise et me dit : « Voyons Docteur Bonnet, vous ne seriez pas creusois par hasard ? »
« Mais si »
« Et vous ne seriez pas de Gouzon ? »
« Si, exactement ».
« Alors vous êtes le fils du docteur Bonnet de Gouzon ? »
« Mais si, vous le connaissiez ? »
« Mais oui. Figurez-vous que j’ai commencé ma carrière comme démarcheur de banque à Montluçon et j’étais chargé par la banque de rechercher dans le département de l’Allier et dans une partie de la Creuse quelles étaient les personnes qui avaient un peu d’argent et qui pourraient souscrire pour une obligation ou une action dont je savais pertinemment que cela ne valait rien.
Parmi mes clients j’avais votre père. Et de temps en temps, je regardais mon carnet et me disais : tiens, tu n’as pas vu le docteur Bonnet depuis trois mois, il a une assez jolie clientèle, il doit bien avoir économisé 1.000 Francs, tu vas lui faire une visite. J’allais le voir et lui collais 1.000 Francs de quelque chose dont, comme je vous l’ai dit, je savais que c’était de très peu de valeur. »
3e lui dis : « A qui le dites-vous ! Quand mon père est mort, nous avons trouvé mon frère et moi, dans son secrétaire, les titres que vous lui aviez vendus près de 1.000 Francs Or et qui ne valaient pas plus de 30 Francs Papier ».
« Et bien Monsieur Bonnet, je ne sais pas ce que vous venez me demander, mais c’est acquis d’avance ». Bon. Alors nous allons ensemble de nouveau à la baraque Adrien, nous sommes reçus par le même commandant auquel le colonel Ribière dit très simplement : « Vous allez évacuer ces baraques, les libérer pour le docteur Bonnet et vous installerez votre service à la caserne Mortier ».
Nous ressortons et je luis dis : « Colonel, est-ce que je peux vous demander pourquoi vous m’avez donné satisfaction avec tant de rapidité ? »
« Et bien, Monsieur Bonnet, je vais vous le dire : je vous ai raconté combien je vendais à votre père des choses dont je savais que c’était sans valeur. J’en ai toujours gardé une sorte de remords car je savais que c’était un homme qui travaillait beaucoup et l’argent qu’il gagnait c’était à la sueur de son front. Aujourd’hui vous me donnez l’occasion de réparer en partie ce que je faisais à l’époque. J’en suis très heureux et croyez-moi, c’est à moi de vous dire merci.
Cette histoire m’amène à te parler de mon père comme tu me l’as demandé.
Il avait commencé sa médecine à Bordeaux et l’a terminée à Paris où il était externe des hôpitaux. Après avoir épousé ma mère, il est venu s’installer à Gouzon dans la Creuse, au bord de l’Allier, probablement dans les années 1881-82.
En 1882, à l’époque, il n’y avait pas de chirurgien dans le département. Il n’y avait aucun spécialiste. Il fallait donc que le médecin de campagne qu’il était puisse faire face seul à toutes les demandes. En effet, le chirurgien le plus proche était à Limoges, environ 130 km, avec un seul train par jour qui mettait 4 h30 à faire le trajet. C’est te dire qu’en cas d’urgence, il fallait compter sur soi tout simplement.
Bien sûr, mon père était obligé de faire en plus de la médecine courante de la petite chirurgie. Pour lui les anthraxs, les phlegmons n’avaient pas de secret. Mais il savait aussi, quand cela était nécessaire, faire de la chirurgie beaucoup plus importante. Je vais t’en donner un exemple.
Alors que j’étais moi-même médecin, déjà avancé dans ma carrière, je vois un jour mon père bavarder le long de la maison avec un homme qui n’avait qu’un bras.
Je lui ai dit « Qu’est-ce que c’était que cet homme avec qui tu étais en conversation ? » « Oh, il me dit » c’est un homme que j’ai opéré il y a bien longtemps d’une désarticulation de l’épaule ».
« Comment, tu sais faire une désarticulation de l’épaule ? »
Il me répond « Mais il fallait bien. C’est un pauvre homme qui, lors d’une séance de battage du grain, alors qu’il était chargé d’enfourner les bottes de paille dans la batteuse, avait poussé trop loin avec son bras et sa main avait été happée par l’engrenage. L’avant-bras y était passé et une autre partie du bras aussi. Bien entendu, cela se passait très tard le soir, au moment où les hommes sont un peu fatigués et, il faut le dire, ont un peu bu, aussi, ils ne faisaient plus très attention à ce qu’ils faisaient. Mon père me disait : « J’ai du lui faire une désarticulation de l’épaule. Et dans quelles conditions ! Le soir, sur une table de ferme, à la lumière d’un mauvais fanal d’écurie, aidé par qui ? Par quelqu’un qui voulait bien me prêter main-forte mais qui tombait en syncope au bout d’un instant. Tu vois comme cela était facile ».
Et bien je suis tout à fait surpris qu’il ait su faire une chose aussi importante. Il savait faire aussi une amygdalectomie, il savait aussi faire un examen de fond de l’œil. C’est te dire que c’était un médecin vraiment complet.
Comment s’était-il tenu au courant de tout cela ? Et bien il était abonné à un journal très bien fait « le journal de médecine et de chirurgie de Lucas Championière » et il le lisait d’un bout à l’autre, sans perdre une seule phrase.
A quel moment le faisait-il ? Je me le suis toujours demandé tant il était occupé. Par exemple quand je prenais des vacances, étant au lycée de Montluçon, c’est à peine si je voyais mon père. Quand je me levais le matin il déjà parti, quand on se mettait à table à midi, s’il arrivait à temps il se mettait à table et avalait en quelques instants son déjeuner puis après c’étaient les consultations et après départ pour les visites à la campagne et quand il rentrait le soir, j’étais déjà couché.
Et comment se rendait-il à ses visites à la campagne ? A cette époque, il n’y avait pas de voiture automobile, c’était en voiture à cheval.
Une autre anecdote : il y avait à Paris un agent de change qui venait régulièrement passer les vacances dans la propriété appartenant à son frère à quelques kilomètres de Gouzon. Mon père avait eu l’occasion, à plusieurs reprises, d’être appelé auprès de la femme de cet agent de change. Un jour, il apprend par le beau-frère, qu’on va opérer à Limoges cette dame dans la clinique de Chenu.
« De quoi ? » demande-t-il. On le dit à mon père. « Ça c’est une erreur de diagnostic », dit-il. Sais-tu ce qu’il a fait ? Il est parti à Limoges par le premier train et a demandé audience au chirurgien, a discuté avec lui et la femme a évité l’opération.
Et bien tu vois, quand je pense à tout cela, je me dis quelques fois que nous sommes les uns les autres, fiers de notre carrière, nous avons passé des concours etc. et bien, crois-moi, à côté d’hommes de cette trempe, nous ne sommes que des petits garçons.
……….
Alors, ma petite Madeleine, tu veux que je te raconte des histoires. Il m’en reviens une que j’ai vécue avec notre très cher Campinchi.
Figure-toi qu’un matin il me téléphone et me dit : « Est-ce que tu pourrais te rendre libre demain, je voudrais que tu assistes à un duel qui concerne l’un de mes amis et que tu sois le médecin de ce duel.»
Et le lendemain matin, avec Campinchi, nous allons chercher l’homme en question. Il s’agissait de Pierre Cot. Il était à l’époque un ministre important, homme décidé et à ma grande stupéfaction je vois arriver dans [le taxi une lavette, un homme complètement déboussolé, peureux, inquiet, tout à fait à l’opposé de ce que nous pensions être cet homme. Enfin bref, nous arrivons sur le terrain, le directeur du duel organise tout cela, charge les pistolets « Messieurs, en place ! Allez ».
De quoi s’agissait-il ? Et bien figure-toi que Pierre Cot avait couché avec la maîtresse d’un très brave monsieur dont je connaissais très bien la famille et qui s’appelait Montefiore. Le père Montefîore n’avait pas aimé cela du tout et avait provoqué Pierre Cot en duel.
Nous voilà sur le terrain et je vois le père Montefiore calmement viser Cot et tirer posément. Il tire voulant véritablement le blesser, pas de résultat. A ce moment-là, le généreux Pierre Cot met son pistolet en l’air et tire en l’air à la grande fureur de Montefiore qui dit « Je n’ai pas de leçon à recevoir de ce freluquet, on remet cela. »
« Ah non » dit Campinchi, « vous avez échangé deux balles sans résultat, nous allons le noter dans le procès-verbal de la réunion. C’est terminé ».
Quelque temps après je me rapproche de César et je lui dis : «Ecoute c’est quand même ridicule cette affaire. Tu as vu comment Montefiore a visé ton ami Pierre Cot, exactement comme moi je viserai un lapin à la chasse. Il aurait très bien pu le tuer pour une bêtise. Ce n’est pas parce que ce type avait couché avec sa maîtresse qu’il fallait le détruire ! »
Alors Campinchi cherche dans sa poche et me montre les deux balles qui n’avaient pas été mises dans les pistolets.
Tu veux que je te parle un peu de mon pèrc. Ce n’est pas très facile de résumer en très peu de temps la vie d’un homme qui a exercé la médecine dans un pays de la Creuse pendant plus de 50 ans. En effet, il est venu s’installer à Gouzon il avait une trentaine d’années et il a exercé jusqu’à sa mort à 83 ans. Peu de personnes se rendent compte de ce qu’était à l’époque la vie d’un médecin de campagne. C’est un homme qui était médecin avant tout et qui a travaillé toute sa vie sans prendre jamais un jour de vacances autrement que pour ses périodes militaires et pour la guerre qu’il a faite : 14- 18.
Quelle était son existence ? A cette époque- là, il n’y avait pas de voiture automobile, on circulait en voiture à cheval. Il y avait à la maison deux chevaux : l’un qui faisait les voyages le matin, un qui faisait les voyages l’après-midi. Et quand il y avait une urgence, on empruntait un cheval à quelqu’un du pays. Mon père était un médecin qui adorait son métier et qui le faisait avec beaucoup de scrupules. J’ai toujours eu pour lui une très grande admiration et elle était bien méritée. Je vais t’en donner quelques exemples.
A cette époque il n’y avait pas de chirurgien dans la région, un médecin comme mon père était obligé non seulement de faire de la médecine mais aussi de la petite chirurgie voire, lorsque cela était nécessaire de la grande chirurgie et les accouchements les plus compliqués. Il n’y avait pas de chirurgien à Guéret, pas de chirurgien à Montluçon. un seul chirurgien se trouvait à Limoges à 120 km, avec un seul train par jour qui mettait 4 à 5 heures pour faire le trajet. C’est tout.
C’est dire que devant une urgence, le malade serait arrivé mort a la clinique de Limoges si on l’y avait expédié. Que faisait mon père ? Il était admirable, il trax aillait beaucoup et était au courant de toutes les questions de la médecine. Il recevait régulièrement la revue de Lucas Championnère qu’il lisait quoi qu’il arrive de A à Z. Par exemple, s’il allait en voyage, il ax ait 10 à 15 km à faire, en voiture, il donnait les brides à son petit domestique et pendant ce temps-là il lisait son Lucas Championnère de sorte qu’il se tenait au courant de tout. Tout à l’heure je te parlais d’accouchements difficiles, dans la région on appelait le Docteur Bonnet. Un jour j’ai vu dans sa vitrine un instrument que l’on appelle un basiotribe. Tu ne sais pas ce que c’est qu’un basiotribe ? C’est une espèce de forceps très puissant qui sert à broyer la tête d’un enfant lorsque la tête est grosse et que l’accouchement est impossible. Et bien, mon père, tout médecin de campagne qu’il était, dans un patelin de la Creuse, savait se servir d’un basiotribe et s’en servait même relativement souvent.
Que pourrais-je te raconter encore ?
Tiens quelque chose d’assez drôle. J’avais trouvé dans sa vitrine un petit instrument en argent que l’on appelle le « bouton de Murphy ». C’est un bouton en argent qui servait pour des hernies étranglées. A ce moment-là, les paysans de la Creuse ne s’occupaient pas de leurs hernies étranglées. Ils ne s’occupaient pas beaucoup de leurs malades. On allait travailler dans les champs et on laissait le malade dans son lit et on ne s’en inquiétait que vraiment lorsque cela allait très mal.
Alors je te parle des hernies.
Le paysan creusois à ce moment-là ne s’occupait de la hernie que lorsqu’ elle était étranglée et spacellée. Alors il prenait peur et appelait le Docteur Bonnet qui sax ait placer le « bouton de Murphy ».. C’est à dire resséquer l’intestin, aboucher les deux trous l’un contre l’autre grâce au bouton, le rentrer dans l’abdomen et dire à la famille : « vous allez surveiller les selles de votre malade et dans 4 ou 5 jours au plus tard il rendra dans son pot mon objet que vous me rendrez car il est précieux ».
Je me souviens qu’à la fin de sa vie, voyant cet objet dans sa vitrine, je lui ai dit : « Ecoute, tu t’en es beaucoup servi de cet instrument-là ? » Cela me paraissait assez archaïque.
« Si je m’en suis servi ? Celui-là, il a peut-être bien fait 1 km ! » dit-il en parlant du voyage qu’il avait fait dans l’intestin de ses clients.
Sais-tu tout ce que cela rapportait à un médecin de campagne ? Songe qu’à l’époque, la consultation était payée 3 francs quand on la faisait payer. Le déplacement était payé 50 centimes le Km et combien de fois le paysan pauvre de la Creuse venait dire qu’il n’avait pas les moyens alors mon père passait l’éponge.
Et alors, comment le payait-on ? On lui apportait une paire de poulets. Cela valait à l’époque 25 sous la paire. Alors tu vois le métier que faisait cet homme et pour quel profit. C’était vraiment un grand bonhomme.
J’ai eu la satisfaction un jour dans l’amphithéâtre d’entendre le Professeur Robert Debré dire à ses élèves : « J’ai connu dans ma vie deux médecins admirables : le Docteur Mahoudeau d’Amboise et le Docteur Bonnet de Gouzon dans la Creuse ». Cela m’a fait grand plaisir.
Alors maintenant, ma petite Madeleine, je vais te raconter l’histoire du voyage que nous avons fait ta sœur Simone et moi en Russie en 1930. A cette époque, nous apprenons qu’il était possible de visiter la Russie, ou une partie, grâce à L’Intourist. Nous nous inscrivons. Et puis les semaines, les mois se passent et nous n’avons pas de nouvelle de notre demande de visa. Alors je dis à Simone : « on va faire autre chose », et nous organisons un voyage en Roumanie en voiture. Deux ou trois jours avant de partir pour ce voyage, c’est à dire au moment de nos vacances, nous recevons notre visa pour la Russie. Alors nous changeons notre fusil d’épaule et on se dit : on y va.
Je passe sur les détails, nous passons par des pays nordiques, très joli voyage tout autour de la Baltique et nous arrivons à Leningrad en bateau. A ma grande stupéfaction, je vois au débarcadère une énorme foule de gens qui, le long des quais, attendait le débarquement de ces gens qu’ils appelaient les américanskis. Nous étions pour tous les russes des américanskis. Nous descendons du bateau et à ma grande stupéfaction, je vois se détacher de la foule une charmante jeune femme qui se précipite au cou de Simone et qui lui dit : « Oh, ma petite Simone, quel hasard et quelle joie de vous retrouver I ».
Je lui dis : « Mais qu’est-ce que c’est que cela ? ». Elle me dit : « Figure-toi que c’est une jeune femme avec laquelle j’ai fait toutes mes études au lycée Molière ».
Ils avaient bien cherché : qu’est-ce que c’est que ce Docteur Bonnet et sa femme, que veulent-ils venir faire en Russie ? D’où viennent-ils ? Qui sont-ils ? Bref, on avait trouvé cet ange gardien qui nous a accueillis à Leningrad et ne nous a plus quittés une seconde, jour et nuit pendant tout notre séjour en Russie.
Je dois dire que la pauvre, je lui en fais voir de toutes les couleurs, parce qu’elle se croyait obligée de nous bourrer le crâne avec toutes les histoires que l’on racontait aux visiteurs à ce moment-là, c’était bien ridicule. Alors je l’ai bien mise en boîte.
Tiens, voici un exemple : elle nous fait visiter la forteresse Pierre et Paul avec force détails sur ce que, du temps des tsars, on faisait subir à ces malheureux prisonniers enchaînés à des anneaux dans le mur, battus, enfin des détails extraordinaires sur la cruauté au temps des tsars.
Alors je lui dis : – « Alors, à l’heure actuelle, les gens que vous mettez en prison, où sont-ils ? »
- « Monsieur, il n’y a plus de prison en Russie ».
- « Il n’y a plus de prison en Russie ? Allons. Nous sommes en 1930, vous avez fait la Révolution en 1917, cela fait 13 ans et vous avez rallié tout le monde à ce régime ? C’est sûrement inexact, il y a sûrement des personnes opposées à ce régime et que vous mettez en boîte I ».
- « Je vous répète Monsieur, il n’y a pas de prison en Russie ».
- « Et bien, parlons net. Je connais un biologiste qui s’appelle- je ne me rappelle plus très bien de son nom, appelons-le Popoff – et bien je connais Popoff, vous l’avez arrêté, où est-il ? »
- « Je vous le répète Monsieur, il n’y a pas de prison en Russie ».
- « Alors où est-il ? »
- « Il est dans un institut de privation de la liberté ! » -« Parfait ! ».
A propos de la Russie, figure-toi que cela devait être en l’année de grâce 1946-47, je me trouvais à Belgrade à une conférence internationale de la Croix-Rouge et il y a eu des discussions très désagréables parce que la délégation russe voulait absolument que nous votions une motion interdisant l’usage de la bombe atomique qu’ils n’avaient pas à ce moment-là. Alors j’ai trouvé cela un peu ridicule, j’ai dit : « nous sommes à une conférence de la Croix-Rouge, nous avons d’autres souci, nous n’avons pas à nous occuper de la bombe atomique, cela n’est pas notre job. Cela ne nous regarde pas et je m’oppose au vote de cette motion. » Les russes en étaient très dépités et j’étais devenu pour eux une sorte d’ennemi qu’il fallait combattre alors ils ont employé tous les moyens pour essayer de faire voter cette motion malgré moi. En particulier je me souviens qu’il y avait une délégation d’Amérique Latine qui marchait avec moi et qui devait prendre leur avion pour repartir vers 1 heure du matin. Alors, en accord avec le président de la réunion, un belge qui s’appelait Depage, un peu communisant, les russes ont réussi à prolonger la séance jusqu’à l’heure de départ de la délégation sud-américaine qui me faisait perdre 3 voix. Tu sais ce qu’ils ont fait ? Ils ont tout simplement sorti un journal pendant une heure. Néanmoins nous sommes allés au vote et je l’ai emporté. Ils étaient furieux. Voilà un petit épisode.
Deuxième épisode.
Quelque temps après, j’avais connu un tchèque qui était représentant du gouvernement tchèque à Londres. Il était à Londres et sa famille était restée de l’autre côté du « rideau de fer » et à ce moment-là, j’étais directeur de la Croix-Rouge française. A l’occasion d’un voyage où j’avais envoyé un train sanitaire, je me suis organisé avec d’autres amis d’autres pays pour faire passer la famille de ce monsieur dans le train sanitaire et la rapatrier.
Le temps a passé, les mois ont passé et un beau jour je vois arriver dans mon bureau à Longchamp le monsieur en question qui vient me remercier chaudement de ce que j’avais fait pour lui.
Je lui dis :
« Ecoutez Monsieur, vous n’avez pas à me remercier, je n’ai fait avec mes amis que ce que nous croyions devoir faire pour vous ».
« Si, si, je sais très bien ce que je vous dois, sans vous je n’aurais peut-être jamais récupéré ma famille. Maintenant nous sommes tous ensemble et je viens vous remercier. Je viens aussi payer ma dette ».
« Ecoutez Monsieur, vous ne me devez rien ».
« Si, si, je vous dois beaucoup et je vais vous payer ma dette d’un seul mot : Monsieur Bonnet, ne retournez jamais en Russie ».
Et bien voilà la suite de cette histoire. Figure-toi qu’ensuite, quand je suis allé au Centre International de l’Enfance pour y créer et y diriger l’enseignement, j’ai reçu à plusieurs cours un certain nombre de russes dont une femme, fort bien d’ailleurs, qui était directrice de la protection maternelle et infantile à Moscou. Elle a insisté tu ne sais combien pour que j’aille faire un voyage chez elle en me promettant tout ce qu’on pouvait me promettre pour mon séjour à Moscou.
Et bien j’ai refusé. Je crois que je dois avoir ma fiche dans ce charmant pays.