Claude CHAPPEY
sommaire :
– à propos de la mission de Claude en Yougoslavie en 1945
– sa disparition
– un témoignage de sa fille Hélène
un reportage sur l’anniversaire du soulèvement des partisans slovènes en 1942 est disponible sur le Trait d’Union n° 10, page 4 (cliquez ici)
à propos de la mission de Claude en Yougoslavie en 1945 → extrait du Trait d’Union n° 8
début 1945 :
Ouest : Les Américains, aidés par les Anglais ont arrêté La contre-offensive des Allemands à Bastogne (Belgique)
Est : Les Allemands contre-attaquent pour reprendre Budapest. Ils sont très puissants ; Leurs usines souterraines fabriquent avions, chars, munitions, malgré les bombardements alliés. Les territoires occupés fournissent encore le ravitaillement de la population allemande.
Autriche : L’Autriche fait partie du « grand Reich » depuis mars 1938. Les alliés n’ont que peu d’informations sur ce qui se passe en Autriche. Les partisans communistes du Maréchal Tito se sont infiltrés dans le sud de l’Autriche (STYRIE et CARINTHIE) pendant l’été 1944. Mais La neige et le froid les ont obligés à se replier en SLOVENIE (partie nord de la Yougoslavie annexée par les Allemands en 1941, comme notre Alsace-Lorraine en 1940). Mais Tito a caché cette retraite aux Alliés.
Les missions américaines parachutées dans le sud de l’Autriche sont un échec. Les missions anglaises opèrent dans des conditions difficiles. Affectées aux unités de partisans titistes- slovènes, elles transmettent Les informations recueillies auprès de prisonniers de guerre alliés évadés des camps autrichiens.
Février 1945 :
Lieutenant, je suis parachuté au sud de GRAZ (capitale de la STYRIE), avec un opérateur radio, sous-officier de la Légion Etrangère. (Deux autres équipes sont parachutées à quelques dizaines de kilomètres. C’est un échec.).
Ma mission est de faire quelque chose puisqu’aucune mission alliée n’a réussi en Autriche.
Le front en Italie est à Bologne (400 km), ma centrale-radio est à Bari (1.000 km).
J’ai l’adresse d’une vielle paysanne qui, anti-nazie, s’est occupée d’un soldat anglais prisonnier de guerre évadé. En signe de reconnaissance, je lui montre une photographie du soldat anglais qui avait travaillé chez elle et qu’elle avait aidé à s’évader chez les partisans titistes.
Je dois essayer de trouver les partisans Slovènes cachés dans les montagnes pour me cacher aussi, me nourrir et organiser une base d’actions. J’ai installé le poste radio chez la paysanne (qui nous cache sous Le plancher) au bord de la route nationale qui relie Vienne à Graz puis passe en Slovénie pour aller dans Les Balkans.
Pendant un mois nous émettons et organisons une opération de parachutage (qui n’aura jamais Lieu car une partie de l’État-major pense que mon équipe est entre les mains des Allemands et que ce sont eux qui émettent). Nous réglons les bombardements alliés et signalons les passages toujours nocturnes des renforts allemands vers la Hongrie et la Yougoslavie.
Mars 1945 :
Notre situation devient trop dangereuse. Au bout d’un mois l’État-major nous demande de rejoindre les partisans en Slovénie. Nous marchons, toujours en uniforme, une dizaine de jours, y cherchons les partisans communistes cachés dans cette province du « grand Reich » (sous-STYRIE). Enfin, par miracle, à la frontière de La Croatie (état indépendant depuis 1941), nous sommes amenés à un « bunker » (cachette creusée dans la montagne). Nous passons d’unité en unité (11) de 6 à 50 partisans, de montagne en montagne. Ma mission a parcouru 500 km. Nous émettons pour envoyer des informations, organiser les parachutages d’armes et de munitions, recueillir Les pilotes alliés abattus ainsi que les prisonniers de guerre évadés, participer à des sabotages de la voie ferrée Ljubliana – Zagreb …. et crevons de faim et de fatigue. Trois mois sans une nuit de plus de quatre heures, sans cesse poursuivis par l’ennemi (Allemands, SS de la division bosniaque « Prinz Eugen », Russes de L’Armée Vlassov, Domobrans (l’armée croate), Oustachis (les SS Croates), Bieloguardistes (gardes blancs Slovènes de l’Evêque de Ljubliana).)…
Les Titistes après l’armistice du 9 mai 1945 continuent Les combats pour arrêter les Allemands, en retraite vers l’Italie (Vème Armée Américaine) et l’Autriche (VUIème Armée Britannique). Je demande des parachutages. L’État-major me donne l’ordre de rentrer et envoie un bateau de guerre anglais (H.M.S. SAXIFRAGE) me chercher ainsi que mon radio à Trieste.
Le 12 mai 1995 à Ljubliana, le Président de la République Slovène, Milan KUCAN, me remet devant le front des détachements alliés et Slovènes, la Médaille d’Or de l’Ordre de la Liberté. Il décore aussi deux anglais, anoblis par le Roi après la guerre et un américain.
sa disparition – le 9 mai 2012 – extrait des actualités de la branche CHAPPEY – 2017
Claude lors de la remise de la Légion d’Honneur le 4 juillet 2010.
De gauche à droite : Eric Ribadeau Dumas, François, Clémence, Christian Chappey, Augustin, Philippe Chappey, Caroline Ribadeau Dumas et Claude.
Nous publions les mots prononcés par son frère Philippe lors de la messe d’enterrement.
« Au moment où nous allons nous séparer de Claude, je voudrais dire quelques mots d’adieu à mon frère.
Cher Claude,
Cela fait 86 années que nous ne nous sommes pas quittés malgré quelques périodes d’absence pour des causes majeures.
Tu as quitté Vienne en Autriche pour poursuivre tes études à Paris deux ans avant que je ne te rejoigne. Puis ce furent les années de guerre ou tu fus éloigné de la famille durant quatre ans pendant lesquels nous ne cessions de penser à toi.
Ce long voyage s’est achevé pour toi et nul doute que je te rejoindrai un jour. Ce qui fait qu’à la réflexion notre séparation n’aura pas été très longue en comparaison de ce que nous aurons vécu côte à côte.
D’autres parleraient mieux que moi de ta vie d’adulte, de ta chère femme Monique, de tes chaleureux cinq enfants et de leurs conjoints si gentils, de ta guerre glorieuse, de ta riche carrière professionnelle, de tes centres d’intérêt. Je ne m’étends pas car je voudrais être plus personnel.
Nous avons eu tous les deux une jeunesse merveilleuse dans une famille aimante, bonne et intelligents que ce soit chez nos parents ou chez Grand Maman et Grand Papa, qui ne nous aura laissé que des souvenirs agréables et heureux. Que ce soit pendant les périodes scolaires ou pendant les vacances, nous formions avec notre cousin germain Jean-Pierre Lassalle une équipe qui ne s’est jamais ennuyée. Je me rappelle nos randonnées à vélo avec les cartes d‘état-major entoilées par nous mêmes, nos expéditions aux bois du Moulin et de la Chaussée et nos camps de vacances improvisés.
Puis arrivés à l’âge adulte , nos souvenirs communs se sont enrichis de la présence de nos deux jeunes frères, Marc et Bamy, disparus trop tôt, et de leurs épouses. Que de réunions familiales, de vacances partagées, de soirées à l’Opéra, de dîners fraternels et de discussions qui nous laissent de bons souvenirs.
Notre peine à tous de ta disparition est grande. Mais elle est adoucie par le fait que nous savons que tu as été heureux. Heureux d’avoir réussi ta vie en la conduisant dans le droit fil des exemples qui t’ont été donnés. Une vie de droiture et de générosité.
Repose donc en paix maintenant, mon cher frère. »
La prière du parachutiste
Je m’adresse à vous, mon Dieu
Car vous donnez
Ce qu’on ne peut obtenir que de soi.
Donnez-moi, mon Dieu, ce qui vous reste,
Donnez-moi ce qu’on ne vous demande jamais.
Je ne vous demande pas le repos
Ni la tranquillité,
Ni celle de l’ âme, ni celle du corps.
Je ne vous demande pas la richesse,
Ni le succès, ni même la santé.
Tout ça, mon Dieu, on vous le demande tellement,
Que vous ne devez plus en avoir !
Donnez-moi, mon Dieu, ce qui vous reste,
Donnez-moi, ce que l’on vous refuse.
Je veux l’insécurité et l’inquiétude
Je veux la tourmente et la bagarre,
Et que vous me les donniez, mon Dieu,
Définitivement.
Que je sois sûr de les avoir toujours
Car je n’aurai pas toujours le courage
De vous les demander.
Donnez-moi, mon Dieu, ce qui vous reste,
Donnez-moi ce dont les autres ne veulent pas,
Mais donnez-moi aussi le courage,
Et la force et la foi.
Car vous êtes seul à donner
Ce qu’on ne peut obtenir que de soi.
(Aspirant André Zirnheld, des Forces Françaises Libres, Compagnon de la Libération à titre posthume).
un témoignage de sa fille Hélène, rédigé à partir des témoignages d’amis des enfants lors de son décès.
« Dur dur d’avoir vu décliner un père qui, tradition exige, n’a jamais été un intime. Il est parti avec ses secrets, lui, le bavard. Nostalgique d’un autre temps, on ne sait comment il s’est fourvoyé, lesté de ses « dossiers », dans un vingt et unième siècle incompréhensible. Prenant modèle sur Lucien son grand-père, il a toujours accueilli en pater familias avec joie et bienveillance au 5 boulevard Inkermann. C’est sans hauteur qu’il considérait nos amis qu’il recevait en châtelain des Beaux Jours qu’il ouvrait généreusement. Nous sirotions le Whisky vespéral en suçotant des Monaco et écoutions d’une oreille huilée par l’habitude les récits de résistance ou les versets du Who is who. C’est maintenant le souvenir d’un père cultivé et sociable, bavard et secret en même temps, exigent et honnête, d’un homme pétri du sens du devoir.