Joseph CHAPPEY

sommaire
– souvenir de Françoise BASTID-CHAPPEY
– lettre bien intime d’une maman à son fils
– cérémonies du souvenir à HAMIPRE

 

 

souvenir de Françoise BASTID-CHAPPEY → extrait du Trait d’Union n° 2 – 1994

Avant de parler ici de mon métier comme me la très gentiment demandé Caroline (dont je salue au passage l’idée « géniale » comme diraient mes enfants, du Trait d’Union), donc, avant de parler de mon métier qui m’intéresse beaucoup, mais qui n’intéresse pas forcément tout le monde, je parlerai, comme Frédéric, de tout autre chose.

Comme il reste, Dieu merci, pas mal de « petits Chappey », je voudrais parler pour eux des frères Jo et Marcel Chappey. Je n’oublie pas leur sœur, l’adorable « Tante Mimi » mais sa vie, si triste, si romanesque, fera l’objet de ma prochaine contribution à ce trait d’union.

Les deux frères Chappey étaient issus d’une famille de tout petits bourgeois d’Avesnes sur Helpe (Nord). Leurs parents tenaient sur la grand-place une boutique de confection (de prêt-à-porter, dirait-on maintenant) « A la Belle Jardinière ».

Je n’ai jamais connu mes grand-parents Chappey. Je sais que c’étaient des gens très modestes et très honorables, mais probablement pas ce qu’il est convenu d’appeler des intellectuels et il était difficile de présager la brillante destinée de leurs deux fils.

Lainé, l’oncle Jo, normalien et agrégé de droit – le second, mon père, boursier de licence à l’école normale supérieure. Tous deux commandeurs de la légion d’honneur à titre militaire, ce qui est tout à fait exceptionnel pour des civils.

Si ces deux frères, qu’une considération et une affection réciproque ont uni tout au long de leur vie, sans défaillance, étaient sur beaucoup de points différents, et si leurs vies ont pris des directions différentes, je voudrais rappeler les points communs qui les unissaient et qui faisaient leur noblesse.

D’abord leur immense culture classique, je me rappelle mon père faisant mes versions latines à livre ouvert. Et c’est cette distinction d’esprit qui a fait que, venant je le répète, d’un milieu très petit bourgeois et très provincial, ils se sont adaptés avec une extraordinaire aisance à cette grande bourgeoisie représentée par la famille Thuillier-Lassalle, dans laquelle le mariage de l’oncle Jo les avait introduit.

Et comme il est question de mariage, et bien leurs mariages respectifs présentent bien des similitudes, dans la réussite.

Leurs femmes s’appelaient toutes les deux Germaine, toutes les deux elles avaient fait de brillantes études au lycée Molière (où elles s’étaient connues), ce qui déjà était rare pour l’époque.

Puis toutes les deux avaient entamé des études supérieures : Tante Germaine avait commencé des études de médecine, interrompues par son mariage.

Quant à maman, elle avait mené à bien ses études de droit et poursuivi pendant quelques années une carrière d’avocate (une des premières avocates de l’époque), que la naissance de quatre enfants et surtout la guerre de 1940 avait interrompue.

Cela semble ordinaire aujourd’hui où presque toutes les jeunes femmes assument à la fois des enfants et une carrière, mais dans les années 1920-1940, c’était tout à fait exceptionnel.

Ces deux Germaine étaient par ailleurs, des femmes d’une activité et d’un dynamisme merveilleux, toutes les deux possédaient au plus haut point ce sens du devoir et cette abnégation qui les ont fait se dévouer totalement, sans réserve, à ces deux frères (surtout l’oncle Jo …). Ceux qu’on appelle aujourd’hui des « machos » avaient besoin de femmes entièrement à leur dévotion.

Mais cela n’empêchait pas ces femmes, en dehors de leur rôle d’épouse et de mère parfaite, d’être des femmes pleines d’esprit et d’humour. Surtout maman qui a gardé jusque dans les trois dernières années, si tristes de sa vie, son sens de l’humour.

C’étaient aussi des femmes pleines d’intérêt pour les choses et les gens. Je me souviens des questions innombrables de Tante Germaine sur tous et toutes. Bref, des femmes exceptionnelles à la hauteur de ces hommes exceptionnels qu’étaient les frères Jo et Marcel Chappey.

Je pourrais raconter sur eux quatre, des souvenirs sans fin, mais il faut bien s’arrêter. Je voudrais tout de même dire un mot, même si cela parait terriblement démodé à la nouvelle génération, de leur bravoure et de leur patriotisme.

Après une magnifique guerre de 1914-1918, ils se sont engagés en 1940, alors que, mariés et père chacun de quatre enfants, ils n’étaient pas mobilisés.

Je terminerai sur une petite anecdote qui, aujourd’hui me fait encore sourire lorsque j’y repense : un jour, l’oncle Jo me dit: « tu veux savoir quelles sont mes idées politiques ? Eh bien, c’est à droite, toujours plus à droite ». Phrase que ne désavoueraient pas certains frères Chappey de la génération suivante

voici une photo d’oncle Jo en militaire : nous ne savons pas à quelle occasion.

 

lettre bien intime d’une maman à son fils : lettre d’Anne-Marie CHAPPEY à son fils Joseph, que l’on peut dater de 1908 – extrait du Trait d’Union n° 6 – 1995

Je ne sais pourquoi je me tourmente tant mais nous en as tellement donné le sujet pendant ces quelques jours de vacances, qu’il faut, mon Joseph, que je vienne t’exposer toutes mes craintes. Cette mauvaise humeur persistante , ce manque de respect si sensible, d’où cela peut- il provenir ? Mon Joseph a cependant du cœur, il sait combien les siens l’aiment, il doit savoir qu’en faisant cela il fait une peine que Von ne peut exprimer. Vois ta sœur avec cette même indifférence, ton frère également : que penserais-tu d’eux ? A cœur ouvert ta chère maman va te dire ses craintes, ne prends pas cela pour des contes de grand’maman, reçois et accepte cette petite lettre bien gentiment et médite -la bien.

Je ne fais et veux pas me faire à l’idée que toi si sérieux, si désireux d’arriver, tu risquerais d’anéantir toutes tes chances de réussite par une faiblesse de caractère quelconque, que tu voudrais, mon cher petit ami, à 19 ans, empoisonner tes plus belles années par des choses qui ne suscitent que des ennuis et des déceptions. Si tu n’as pas de caractère à cet âge terrible où l’instinct penche du côté où il veut tomber, ce serait pour toi et pour les tiens un perpétuel souci. A tout prix il faut du caractère, de la force pour résister à des gens qui n’ont pas des visées bien dignes. Si plus tard, mon petit chéri, tu arrivais à de cruelles déceptions, tu serais le premier à me dire mais maman, pourquoi ne m’as-tu pas appris à me relever plutôt qu’à m’abaisser, pourquoi ne pas m’avoir fait entrevoir le danger de vouloir jouer avec le feu.

Prétendre que l’on s’arrêtera toujours à temps est plus que de la présomption. Mais si on se laisse aller dès le début, on est bien exposé ! Car c’est seulement quand on veut abandonner que l’on se sent le plus leurré et engagé par de belles paroles.

Je te dis tout cela, mon cher petit, c’est la crainte qui me fait parler, je souhaite de tout mon cœur, et je te dirai même que j’ai la conviction absolue que rien de tout cela n’existe ; mais je suis tellement, tellement tourmentée qu’il faut absolument que je te dise ce que je souffre, et quel serait mon désespoir si je ne me trompais pas.

20 ans – C’est l’âge bien terrible ou ceux qui n’ont point de caractère qui ne voient que le terre à terre s’enthousiasment d’un rien, ont des chances de succomber et se préparent une triste existence, lutte donc si jamais ce maudit esprit s’empare de toi, tu en seras reconnaissant à ta chère maman plus tard. Par ta force de caractère, ton indépendance, retiens ce mot mon -petit ami chéri.

Fais toi la vie belle, ou l’on est heureux ou l’on rend les siens heureux, ou l’on ne connaît pas les remords. Prends note mon cher petit qu’il n’y a rien de plus humiliant pour son père, pour sa mère, de douter qu’un fils dont on est si fier, soit le jouet d’un caprice quelconque.

Comme résumé, prends cette lettre et lis-la avec beaucoup d’affection. Sache que ta chère maman a pleine confiance en toi mais qu’il est de son devoir de mettre son fils qu’elle aime tant en garde.

vous trouverez sur le Trait d’Union n° 6 (cliquez ici), pages 21 à 23, une photo  (pas très belle) de l’original manuscrit de la lettre

 

cérémonie du souvenir à HAMIPRE (Belgique) le 1er septembre 1996 – extrait du Trait d’Union n° 16

 

voir ici les relations des cérémonies commémoratives de cete épisode sanglant de la guerre de 1914.