Colette LASSALLE-LAMY

 

sommaire :
– son journal intime 
– diplomes et fonctions
– Colette et Madeleine
 SAINT-SAUVES & PARAME ou « joyeux souvenirs de guerre »
– la trottinette de Tante Colette 
– souvenirs d’Henri BONNET
– une figure du VIIe par Marie-Thérèse de Truchis

– hommage par Michel Fleury,

 

son journal intime 

Vous découvrirez ici, avec étonnement peut-être et sûrement émotion, des extraits d’un « journal intime » rédigé en 1922 par Tante Colette, témoignage d’une jeune fille alors âgée de 16 ans. Catherine, sa fille, m’écrit : « je t’envoie le journal intime de Maman, trouvé tout à fait par hasard au milieu de toutes sortes de dossiers et d’annuaires ! Ce « journal » va du 24 juin au 18 Juillet 1922 mais je ne l’ai pas recopié le tout car cela devient un peu répétitif. »

Samedi 24 juin 1922
Aujourd’hui, je commence mon journal, je ne vais pas y écrire heure par heure ce que je vais faire, mais certaines idées et certains faits que j’aurai plaisir à noter. J’ai 16 ans en écrivant cela et je suis une enfant très heureuse; une dame, n’importe laquelle qui me verrait dirait : « oh! elle est parfaitement heureuse cette enfant, elle a tout ce qu’il faut pour l’être » et pourtant, je ne le suis pas et parce que je trouve que je laisse beaucoup à désirer. D’abord, je ne suis pas jolie ce que je regrette et regretterai toujours car j’admire les beautés, je les aime et instinctivement elles m’attirent, naturellement pas les petites sottes et pédantes qui se font remarquer mais aux beautés intéressantes.
Beaucoup de personnes, en lisant ceci, doivent se dire: quelle petite sotte, elle ne veut qu’être une beauté Non, ce n’est pas mon seul désir mais je trouve que c’est une des grandes supériorités de la femme et je suis peinée quand je vois une femme très laide car je me dis qu’on lui a ôté beaucoup et que ce beaucoup avait une grande valeur.
…. Marie Bashkirstseff aussi a écrit son journal. C’est en lisant le sien que j’ai admiré que j’ai eu cette idée. Oh alors, direz-vous, »ce n’est pas bien malin de copier cette idée ». Bien sûr mais aussi je ne m’en vante pas. J’écris parce que je suis contente d’écrire, de dire à quelqu’un mes pensées et idées et ce que je pense de moi « exactement » car je n’ai ni confident ni confidente, absolument aucun aussi c’est à mon journal que je confie tout.

Lundi 26 juin
Je viens d’avoir 16 ans il y a quelques jours, ça a été un vrai désespoir. Quelle peur j’ai de vieillir, c’est affreux, je ne sais comment faire pour vieillir moins vite. Il me semble qu’à 30 ans, je serai vieille et j’ai déjà plus de la moitié de 30 ans. Oh c’est affreux, penser que dans deux ans je pourrai sérieusement me marier, il me semble qu’une année passe comme un enchantement. Voilà ce que c’est que de gaspiller toutes mes jeunes années. Si j’étais plus sérieuse, cela passerait moins vite certainement. 
C’est curieux cette horreur que j’ai pour tout ce qui est vieux. La peur que j’ai d’être une vieille femme est effrayante, cela me semble être la fin de tout et j’espère bien ne pas mourir trop tard. Il est probable qu’à 50 ans, mes idées auront bien changé mais en tous cas, si on pouvait me rendre mes 12 ans, je vous assure que je serais heureuse, il me semble que j’emploierais d’une toute autre façon mes années de 12 à 18 ans.

Jeudi 29 juin 1922
Plus je pense que j’ai 16 ans plus je suis affolée, aussi je ne veux plus me faire de chignon pour ne pas avoir l’air trop vieille, j’aime bien mieux les cheveux dans le dos, on a pas des épingles qui vous rentrent dans la tête. Je veux absolument profiter de mes 16 ans pour aller passer mon brevet de chauffeur. J’ai bien peur que Maman ne veuille pas mais ce serait tellement épatant. Dans ma famille on me considère comme un bébé mais je me demande pourquoi je ne conduirais pas aussi bien l’auto que mes sœurs et cousines mais évidemment, s’il y a beaucoup de monde dedans ce n’est pas très indiqué… Mais alors que faire ? Je ne peux plus supporter la maison toute la journée, et alors … me marier évidemment. Je suis un peu jeune me répliquera-t-on. D’ailleurs je n’en meurs pas d’envie moi qui suis si heureuse maintenant j’ai le temps d’y penser et quand je-vois mon frère qui a 21 ans, qui est fiancé avec ma petite amie « Pitchoun » (comme on l’appelle) qui a 15 ans. Cette petite qui a 15 ans ne pense qu’à son fiancé qu’elle adore, c’est fou je trouve et je la plains. Evidemment, elle est très heureuse mais tout de même, et quand je me rends compte de tout ce que j’ai encore à apprendre alors tout s’écroule sous moi, je suis affolée, en somme, je n’ai plus beaucoup de temps pour apprendre, vite il faut m’y mettre et encore je ne fais rien pendant ce temps.

 

diplomes et fonctions
Diplômée de l’Ecole du Louvre.
Diplômée de l’institut d’Art et d’Archéologie, Conférencière de la Caisse Nationale des Monuments Historiques.
Membre de la SHA du VII depuis 1934, Présidente de la SHA du VII de 1978 à 86, puis Présidente d’Honneur de cette Société, Vice-Présidente de la Fédération des Sociétés d’Art et d’Archéologie de Paris et d’Ile de France, Officier des Arts et Lettres.

 

Colette et Madeleine – souvenirs de jeunesse – par Colette Lamy – août 1996 – extrait du Trait d’Union n° 12

Madeleine est née le 27 septembre 1908. A sa naissance, j’avais seulement deux ans. Nous étions les deux petites dernières d’une famille de cinq enfants. Nous ne nous quittions jamais. Cette complicité mêlée d’une grande affection, a duré quatre-vingt ans, jusqu’à sa mort en 1989.

Lorsque mes parents, Berthe et Lucien Lassalle, ont acheté l’hôtel du boulevard Flandrin, dans les années 1910, on nous a attribué les trois chambres du deuxième étage mais, les années passant, nous n’avons jamais utilisé les trois pièces, préférant toujours partager la même chambre pour ne pas nous quitter. Et ceci jusqu’à mon mariage en 1928. Cette cohabitation était d’autant plus inattendue que notre personnalité et nos goûts étaient totalement différents. J’étais très bavarde, Madeleine parlait très peu. Madeleine lisait beaucoup et moi je lisais peu. Très petite elle s’était passionnée pour la lecture et avait inventé une chanson qu’elle me chantait dans le jardin :

« J’nai qu’une passion, Dostoievsky
Et qu’un ami, c’est Gorki.”

J’étais très sociable  alors que Madeleine choisissait des amis pour la vie. J’étais également un peu espiègle : nous recevions chacune une boîte de pastilles en chocolat pour Noël. Pour que la mienne reste pleine, je puisais dans celle de Madeleine. Cela lui importait peu car, contrairement à moi, ce qui était d’ordre matériel lui était indifférent.

Comme toutes les petites filles, elle aimait les poupées mais elle voua à Tenten un amour particulièrement exclusif (cela a peut-être préfiguré l’amour qu’elle portera plus tard à ses quatre enfants). Tenten portait en fait le nom d’Hélène mais Granny n’approuvait pas qu’une poupée portât le nom d’une de ses petites-filles (Hélène Landry-Campinchi). Celle-ci fut donc appelée Hortense surnommée Tenten. Jusqu’au mariage de Madeleine, elle couchait dans un berceau breton auprès d’elle.

Si nous étions inséparables à la maison, nous l’étions aussi sur le chemin de l’école. Très tôt on nous a inscrites au lycée Molière car il n’était pas question de nous faire faire des études dans un établissement religieux.

Nous nous rendions au lycée à pied en prenant le boulevard Emile Augier avec interdiction absolue de prendre le métro. Bien sûr, nous n’étions pas toujours obéissantes et, un jour, à la sortie du métro, nous sommes tombées sur Maman. Quel manque de chance !

C’est au lycée Molière que Madeleine a rencontré son amie Toinette Pichard, devenue Risler. Amitié exceptionnelle qui a duré toute une vie.

L’affection que nous avions l’une pour l’autre, Madeleine et moi, n’a pas été ébranlée par mon mariage qui eut lieu en 1928, alors que Madeleine avait vingt ans. Bien au contraire, nos liens se sont avivés par la présence de Maurice que Madeleine aimait beaucoup et dont elle suivait les conseils. Maurice avait lui aussi pour sa belle-sœur une très grande affection.

Madeleine s’est mariée à son tour en 1936. Elle nous a quittés peu de temps après pour suivre son mari en Syrie. Ce fut la seule époque où nous avons été séparées.

 

SAINT-SAUVES & PARAME ou « joyeux souvenirs de guerre » – par Colette Lamy (et Catherine) – extrait du Trait d’Union n° 8

Les guerres se suivent, hélas, et se ressemblent ….

Dès l’été 1915, il ne fut plus question pour les enfants Lassalle et Landry d’aller passer Leurs vacances à Hardelot et à Vignacourt, situation qui allait se répéter 25 ans plus tard pour les enfants Chappey, Lamy et Weulersse.

Il fut donc décidé, cet été-là, de louer une maison à SAINT-SAUVES, à côté de La Bourboule. La maison appartenait à Madame Portet, dont Le surnom devint rapidement Madame « Pi »(prononciation anglaise) pour évoluer et devenir « Mississipi ». Les familles Lassalle et Landry s’y trouvèrent toutes réunies à l’exception de mon père, Lucien Lassalle, qui était mobilisé. Ces deux familles, toujours inséparables, s’installèrent donc en Auvergne sous la haute direction de Granny. Les grands : Germaine, Simone, Hélène, Lala, Jean et Paul avaient entre 15 et 20 ans. Les deux petites, Madeleine et moi, avions respectivement 6 et 8 ans.

Il me reste peu de souvenirs de cet été à Saint-Sauves et de nos activités. La lecture semblait y tenir une grande place. Il me souvient en effet que Paul prenait Le car tous les deux jours pour La Bourboule pour emprunter des livres à la bibliothèque municipale, destinés à toute la famille. Que lisaient-ils donc, ces jeunes gens à l’époque ? Des romans très en vogue dont plus personne ne Lirait une ligne de nos jours : Henri Bordeaux, Paul Bourget, Romain Rolland, resté quand même le plus célèbre.

A partir de 1916, la famille opta pour la Bretagne et pour une villa en bord de mer à PARAME MINHIC. Mon souvenir le plus vif de cette époque reste celui des excursions que nous faisions sous la haute direction d’oncle Adolphe (Landry) pour aller sur le Grand Bé, au large de Saint Malo, où se trouvait le tombeau de Chateaubriand. Oncle Adolphe, en normalien cultivé, considérait ce pèlerinage au Grand Bé comme une activité essentielle pour la culture de ses enfants et de ses neveux.

Une autre excursion consistait à aller « admirer », avec un œil plus que critique et ironique, les sculptures de l’abbé Fauré à Rothéneuf. Nous en profitions pour visiter La maison familiale de Jacques Cartier.

Nous sommes allés trois ans de suite à Paramé. Les petites, Madeleine et moi, partions dès le mois de mai avec notre grand-mère, Granny. Les grands nous rejoignaient plus tard.

Ces années de vacances me laissent un merveilleux souvenir bien qu’elles aient eu lieu pendant la guerre de 14-18. Si tous les membres de la famille furent enchantés de découvrir des paysages nouveaux, aussitôt la guerre terminée, tous furent heureux de reprendre Les anciennes traditions familiales au milieu des brumes et des vents du Pas de Calais et de la Picardie. L’Auvergne et la Bretagne furent vite oubliées.

vous trouverez des photos et des copies de lettres sur le Trait d’Union n° 8 : cliquez ici et faites défiler jusqu’à aux pages 6 et suivantes , 

 

la trottinette de Tante Colette par Delphine Weulersse (sœur Anastasia) – extrait du Trait d’Union n° 21

Reportons-nous aux années 50. Boulevard Flandrin, au printemps, lors de la tenue annuelle de la grande Kermesse organisée par Tante Colette pour le service de pédiatrie d’Oncle Maurice aux Enfants Malades. La guerre n’était pas tellement loin, les besoins étaient nombreux et il fallait faire flèche de tout bois pour venir en aide à l’Assistance Publique.

Une semaine avant le grand dimanche, le jardin était investi et transformé en lieu de kermesse : petit golf, stands divers, fleurs nouvelles. Ce qui nous intéressait le plus, nous les enfants Weulersse qui habitions sur place, c’était d’étudier à fond le fonctionnement de la Grande Roue, placée tout en haut de la pelouse. Il s’agissait d’une Grande Roue de bois d’un mètre cinquante de diamètre, violemment coloriée en bleu, jaune, vert et rouge, avec les chiffres en noir. Un gros clou planté en haut servait de butoir à une lame de fer souple qui faisait un bruit decrescendo qui nous fascinait, comme un train arrivant en gare. Nous étions persuadés qu’à force d’étudier son mouvement, nous trouverions un ou plusieurs chiffres prédestinées à être le plus fréquemment choisis. Mais la loi des grands nombre dépassait nos faibles possibilités d’enfant et nous n’avons jamais pu poser un billet de loterie avec la certitude de gagner !

Pour la Grande Roue et ses cadeaux sans prétention, Tante Colette ne pouvait rien faire. Mais pour la grande loterie du soir, celle pour laquelle on achetait des billets très chers (qu’il nous fallait vendre au prix d’un grand sourire à nos oncles et tantes), elle pouvait avoir son mot à dire. Une certaine année figurait parmi les lots de prestige, à côté d’un déshabillé fort galant, une trottinette. Mais oui ! chers jeunes d’aujourd’hui, la trottinette ne date pas de cette année, même si on n’en a plus vu sur les trottoirs de Paris depuis des décennies. A l’époque, c’était un jouet d’enfant, au même titre que la bicyclette. Et il y avait le modèle de luxe ou le modèle de course, à savoir la trottinette à pédale. C’était cet objet magnifique et impressionnant qui était parmi les premiers lots de la grande loterie.

Cette trottinette, entreposée depuis plusieurs jours dans les locaux du boulevard Flandrin avait attiré mon attention et fait naître en moi un très grand désir, désir fou, bien évidemment, qui était qu’elle m’appartienne. Mon souhait, par je ne sais combien de personnes interposées, a dû arriver aux oreilles de Tante Colette. Et le jour de la Kermesse, il s’est trouvé une personne bienveillante pour acheter à mon intention un billet de loterie.

Le soir arriva. On m’envoya me coucher, avant le tirage qui avait lieu après 22 heures (ce n’était pas une heure pour les enfants, à l’époque I). Or la fenêtre de ma chambre, au premier étage surplombait très exactement le podium, adossé au grand orme, où devait se tenir le meneur de jeux de la vente aux enchères et du tirage de la grande loterie. Bien sûr que je ne dormais pas. J’étais assise sur la table devant ma fenêtre et j’écoutais pardessus les bégonias, tout ce qui se passait à terre.

Ma patience fut mise à rude épreuve. La vente aux enchères du déshabillé galant fut longue, car le meneur de jeu, Robert Broca, qui connaissait tous ses « chers confrères » n’hésitait pas à s’adresser nommément aux uns et aux autres, affirmant que leur chère épouse – dont le prénom suivait immanquablement – serait ravie de cette attention charmante. Enfin, il se considéra comme satisfait lorsque l’objet eût atteint une somme sans commune mesure avec sa valeur, mais en juste rapport avec son talent d’orateur et l’affection que l’on portait à Oncle Maurice et à son épouse. C’est alors qu’il se saisit du chapeau profond qui contenait les billets de loterie et qu’une personne, « innocente » comme il convient, s’approcha pour tirer le numéro de l’heureux élu.

Coïncidence incroyable ! Chance inespérée – qui ne trompa personne, même pas moi – l’objet de mon désir me fut attribué et je pus me mettre au lit l’âme en paix et la joie au cœur.

De cette petite histoire il m’est resté pour toute ma vie la certitude que tante Colette était mon bon ange, le mien, celui de maman et de tous mes frères et sœurs. Devant un évènement ou une difficulté imprévus, la première réaction de maman, (Tante Madeleine qui était, comme tout le monde le sait, une âme sœur pour sa sœur et vice-versa) était de s’adresser à Coco, qui avait toujours l’art et la science de lui venir en aide. Et ce pouvoir de protection, discrète et efficace, ne s’est jamais démenti tout au long des années.

J’en citerai un exemple, le dernier en date en ce qui me concerne. Lorsqu’en 1993, je pris la décision d’entrer dans l’Eglise orthodoxe, on me demanda mon certificat de baptême. Comment retrouver ce document, qui prenait soudain pour moi une signification si extraordinaire ? Où m’adresser ? Une seule solution: appeler Tante Co. A ma question posée d’une voix très émue: « Tante Co, est-ce que par hasard tu te souviens où et quand j’ai été baptisée ? » la réponse, un peu surprise mais immédiate, fut: » Et comment! Ce ne fut pas un baptême particulièrement gai et festif. Tu étais tout bébé, sortie tout juste de ta belle maladie et on t’a baptisée entre deux alertes à l’église Saint Honoré d’Eylau, pas celle qui. est sur la place, l’autre. Mais quelle drôle de question !
Pourquoi as-tu besoin d’un certificat de baptême ? » Toujours ouverte et curieuse de tout, elle m’invita aussitôt à déjeuner pour que je lui fasse le récit de ma conversion à l’orthodoxie.

Depuis la mort de Maman, il me semblait clair que Tante Co la remplaçait en quelque sorte et que je lui devais les mêmes égards qu’à ma mère. C’est donc elle que j’ai prévenue en premier de mon entrée au monastère. Elle accueillit cette nouvelle avec sa compréhension habituelle et s’était promis de venir me rendre visite à Bussy-en-Othe avec Caroline. La fidèle Denise la précéda dans cette démarche et c’est elle que j’ai eu la joie de recevoir un jour. Tante Colette ne sera pas venue, mais chaque matin j’entends son nom prononcé à la prière pour les nouveaux défunts et il me semble qu’elle me rend enfin visite.

Que Dieu la fasse reposer en paix !

 

 

souvenirs d’Henri BONNET – lettre à sa cousine Colette – extrait du Trait d’Union n° 10 – 1996

les cassettes que je fais pour toi n’ont pas de chance. Sur la première, tout a été effacé par inadvertance, la deuxième, que tu as prêtée à Madeleine a disparu, et impossible de la retrouver. Alors tu me demandes de t’en refaire une troisième et je le fais avec grand plaisir.

Je voudrais pourtant te dire une chose, c’est que le temps a passé et que maintenant j’ai des cordes vocales qui m’ont servi pendant presque 97 ans alors si c’est moins bien que tu ne l’espères, tu voudras bien m’excuser.

Commençons d’abord par quelque chose qui vous concerne, Maurice et toi. Tu sais que j’ai connu Maurice à l’hôpital Bretonneau, chez Guinon ou plutôt comme on disait à l’époque, chez Monsieur Guinon. Il y avait également à l’hôpital Bretonneau Robert Broca. Je ne me souviens plus très bien chez qui il était. Mais il y avait surtout un homme, un pédiatre qui venait remplacer un patron défaillant et ce jeune pédiatre s’appelait Robert Debré.

Comme les services en général n’étaient pas très intéressants, il était de règle d’expédier cela le plus rapidement possible et dès que les patrons étaient partis, tous les internes et chefs de clinique se précipitaient dans le service qui était dirigé à l’époque par Robert Debré. Moi j’y allais aussi pour la raison suivante : l’hôpital Bretonneau n’avait pas de laboratoire vraiment digne de ce nom, en particulier il n’y avait pas de biologiste pour les analyses un peu délicates et Debré m’avait demandé de faire pour ses malades des analyses comme je le faisais aussi pour ses malades de ville. Bien entendu, j’avais accepté et avait par conséquent de nombreuses occasions de me rendre moi aussi à Bretonneau. Assez rapidement il y a eu une sorte de trio constitué par Robert Broca, Maurice Lamy et Henri Bonnet.

d’organiser à Vignacourt une chasse à laquelle on inviterait Maurice et toi bien entendu. Alors, tu te souviens très bien de cela sans doute. Nous nous sommes rendus toi et moi au bois de la Chaussée et de leur côté Maurice et Robert Broca sont venus d’Amiens. Et nous avons vu arriver un Maurice qui, n’ayant jamais chassé, est arrivé équipé de neuf : souliers, guêtres, cartouchière, gibecière, tout ceci d’un neuf éclatant qui contrastait beaucoup, je dois le dire, avec l’accoutrement d’Henri Bonnet qui était lui déjà, un vieux chasseur. Robert avait en plus apporté un petit fusil calibre 20 qui avait servi à son père et il t’a demandé de t’en servir pour prendre part, toi aussi, à la chasse.

Alors, te souviens-tu de cet incident ? A un moment donné, tu me dis, tu étais en face de moi : « Comment fait-on pour mettre de cran de sûreté de façon à ce que le coup ne parte pas ? » Alors j’ai dit : « Tu vois, tu as là, sur le canon un petit bouton. Tu pousses en avant et le contact étant mis, le coup ne peut plus partir. » « Ah bon ».

Alors tu veux faire ce qu’il fallait pour mettre la fermeture, sans faire attention tu appuies en même temps sur la gâchette et pan tu m’envoies un coup de fusil à côté de mes pattes. Alors je t’ai dit : « Non, ce c’est pas comme cela. Il ne faut pas prendre appui avec la main sur la gâchette mais bien, si tu veux, sur le pontet de l’arme ».

« Ah bon, très bien » me dis-tu. « Bon, alors nous allons voir ».

Tu recommences et pan : deuxième coup encore dans les jambes de ton beau-frère ! Alors je ne sais pas si c’est cela qui a séduit Maurice, si c’est cette spontanéité, en tous cas, je sais qu’après la partie de chasse il avait décidé de te demander en mariage si tu étais d’accord.

Le lendemain matin nous rentrons à Paris, toi et moi, eux étant rentrés de leur côté par Amiens et puis peut-être deux ou trois jours après, je vois arriver Robert à mon laboratoire de l’hôpital Laennec, et il me dit : « Alors, qu’est-ce que pense Colette ? Est-ce qu’elle est décidée ? »

« Oh je lui dis – « écoute, laisse-la réfléchir un peu. Voici une toute jeune fille qui n’a jamais pensé jusqu’à présent à se marier.

On la met en contact avec Maurice pendant quelques instants, mais donne-lui le temps de réfléchir, on lui posera la question plus tard ».

« Ah « me dit-il, » il faudra bien qu’elle se décide quand même ».

« Ecoute, attends un peu. »

En effet, il attend quelques jours et il revient à la charge. 3e lui dis : « Ecoute, tu es un peu insupportable, mets- toi à la place de Colette, voilà une toute jeune fille qui avait en tête tout à fait autre chose. Par exemple, hier je suis allé dans sa chambre boulevard Flandrin, qu’est-ce que j’y ai vu ? Les photos des « beaux gosses’f de l’époque : Rudolph Valentino et d’autres. Alors tu comprends, quand tu lui parles d’épouser Maurice, tout de même … » Alors il prend une figure absolument ravagée et il me dit

Mais enfin qu’est-ce que tu peux imaginer de mieux que Maurice ? »

Tu ne trouves pas cela charmant ?

Enfin cela a fait l’heureux ménage que tu sais et qui a duré de nombreuses années. Et à propos de cette partie de chasse à la Chaussée, je dois te dire que Maurice n’avait pas été le seul à être séduit par toi : parce que, quelques temps après, alors que j’étais retourné chasser au Bois de la Chaussée, le garde Chagnier, dont tu te souviens très bien et qui avait ce parler picard un peu curieux. En particulier il disait de moi un jour « Oh, M’sieur Bonnet, il est venu dimanche, l’a fait des catacombes ! ». Et bien, quelques jours après l’entrevue avec Maurice, Chagnier sans doute un peu étonné par ta spontanéité de tir, me dit un jour : « Oh, M’zelle Colette, elle est subtile !” que voulait-il dire par subtile ? Je ne sais pas très bien, à toi de le deviner.

Et à propos de la chasse de la Chaussée, cela me remet en mémoire l’histoire du cousin Flandre.

Tu te souviens que lorsque je suis entré dans la famille, personne ne chassait et Bonne-Maman, propriétaire des deux bois, avait loué le bois de la Chausée et le bois de Saint Vaast à un garagiste d’Amiens pour une bouchée de pain, quelques centaines de francs par an je suppose. Et ce brave garagiste, apprenant qu’il y avait un nouvel arrivant dans la famille qui était chasseur, m’invite à une partie de chasse à la Chaussée et à Saint Vaas. Alors j’ai été surpris de voir qu’il y avait là une très jolie chasse et au retour j’ai dit à Bonne Maman : »Mais écoutez, c’est ridicule de louer la chasse comme cela à ce bonhomme, nous pourrions avoir une très belle chasse pour nous et je vous propose de ne pas la lui relouer ». « Et bien oui, mon petit Henri », me dit-elle « mais il faut que ce soit vous qui vous en occupiez ». J’ai dit d’accord.

Et c’est ainsi qu’il y a eu la chasse de Vignacourt que tu connais bien. Un jour, au cours d’une partie, Bonne-Maman m’avait dit : »Et bien, puisque vous faite une partie de chasse la semaine prochaine, il faut inviter le cousin Flandre ». Le cousin Flandre, je n’avais jamais entendu parler du cousin Flandre et vous aussi très peu, c’était presque un inconnu. Ah mais Bonne Maman insistait l « Le cousin Flandre, le cousin Flandre ». C’est bon, on va inviter le cousin FLandre. Il vient à la chasse à la
Et sur la liste d’histoires à te raconter que tu viens de m’envoyer, je vois « Montel ». Tu voudrais que je te parle de mon vieil ami, Paul Montel. Tu sais qu’il a été le grand mathématicien français des époques 20-50. Professeur à l’école Polytechnique, professeur à l’Ecole des Sciences, membre de l’institut. Mais ce fut surtout pour moi un ami très fidèle, d’une amitié solide et qui a duré plus de 50 ans, jusqu’à sa mort. Très intelligent il avait beaucoup d’histoires car il avait naturellement beaucoup voyagé, vu beaucoup de gens, il était intarissable. Et je pourrais te faire une cassette entière avec ses histoires. Je vais me borner à te raconter ceci : il était invité à aller faire des conférences au Canada et de là, il m’écrit une lettre que j’ai conservée d’ailleurs mais dont je connais la teneur à peu près par cœur et que voici :

« Figurez-vous mon cher ami, qu’à Montréal, étant entré dans un grand magasin en passant devant le rayon des soieries, je vois une charmante vendeuse qui s’approche de moi et qui me demande Monsieur, vous voulez du ruban à la verge ? » Oh !

Encore que jusqu’à présent, je n’ai eu qu’à me louer des intentions du sexe que l’on appelle à tort, faible, pareille aventure ne m’était jamais arrivé. Renseignements pris, la verge est une unité de mesure : ce qui est naturel, 91 centimètres, ce qui l’est moins !

Et bien rappelle-toi qu’à Vignacourt, il y avait dans la grande pièce un tableau qui représentait l’ensemble de la propriété. Le parc, les environs, la maison, les jardins, tout ceci était non pas en métré mais calculé en verge.

Pour en revenir à Montel et à Montréal, à son retour il me raconte ceci : « Figurez-vous mon cher ami, que je suis invité un jour à une réunion officielle et le maire de Montréal s’approche de moi et me dit : « Monsieur Montel, vous être français ? »  » Et oui », lui répond Montel. « Et vous êtes parisien ? » « Oui, mais pourquoi me posez-vous la question ? » « Et bien c’est parce que je trouve que vous avez un drôle d’accent ! ».

 

une figure du VIIpar Marie-Thérèse de Truchis Vice Présidente de la S.H.A du Vil’

C’est avec joie et reconnaissance que la mairie du VII » et la Société d’Histoire et d’Archéologie ont fêté le 90ème anniversaire de Colette Lamy, présidente d’honneur de cette société, qui a tant fait par sa grande érudition et son charisme pour notre arrondissement.
Madame Aurillac, député maire, entourée de Mmes Hodent de Bronteiles, Rimbert-Dubois, et de Mrs Hubin, Dumont et Kollitsch, après avoir rappelé les principaux titres de Colette Lamy-Lassalle a parié avec émotion et chaleur de l’immense travail qu’elle a réalisé avec son équipe : expositions-conférences- visites-publications…etc., mais plus encore de son rayonnement, de son enthousiasme communicatif qui la font aimer et admirer de tous ceux qui l’approchent. Isabelle du Pasquier, présidente de la Société d’Histoire et d’Archéologie du VH°, entourée des membres du Bureau et du Conseil d’administration, a tenu à lui remettre de la part de tous ses amis quelques cadeaux. Etaient aussi présents à cette sympathique cérémonie: Béatrice de Andria, délégué général à l’Action Artistique de la Ville de Paris, qui pendant des années l’a soutenue et aidée, et le professeur jean Jacquart, président de la Fédératon des Sociétés d’Histoire et d’Archéologie de Paris et d’Ile de France.
Après lui avoir remis la médaille d’or de la Mairie, Madame Aurillac a réuni l’assistance autour d’un buffet

 

hommage par Michel Fleury, Vice-Président de la Commission du Vieux Paris → extrait du Trait d’Union n° 21 – 2001

 Madame Maurice Lamy-Lassalle a commencé sa carrière d’historien en donnant de savantes notices archéologiques et historiques à la publication capitale que dirigea le grand archéologue Jean Hubert et qui a été consacrée aux anciennes églises suburbaines de Paris antérieures à l’an mille : Saint Benoît le Bétourné (qui se trouvait à l’angle de la rue des Ecoles et de la rue Saint-Jacques), Saint Etienne des Grès (rue Cujas), Saint Séverin et Saint Victor (celui-ci à l’origine de l’illustre abbaye qui s’élevait en face de l’ancienne Halle aux Vins aujourd’hui université de Paris VI).
Ces études approfondies ont été publiées en 1960 dans les Mémoires de la Fédération des Sociétés historiques et archéologiques de Paris et de I ‘Ile de France.
Madame Lamy-Lassalle a ensuite présidé la Société d’art et d’archéologie du VIlème arrondissement de Paris, de 1976) 1986. Elle a ainsi été à l’origine de nombre d’intéressantes expositions organisées avec la Délégation à l’Action artistique et consacrée à des rue du Faubourg Saint Germain : rue de Grenelle (1980), rue de Varenne (1981), rue de Lille (1983), rue Saint Dominique (1984), rue de l’Université, place du Palais Bourbon, rue du Bac et enfin quai Voltaire (1990).

A cette occasion, elle a publié de précieuses monographies sur les hôtels ou maisons sises dans ces voies : rue de Grenelle, sur le bel hôtel de Villars, sur la maison de la Petite Chaise et sur l’hôtel d’Orrouer ; rue de Varenne, sur l’hôtel de Castries et le petit hôtel de Castries ou de Guines ; rue de Lille, sur l’hôtel de La Fayette et l’hôtel Turgot ; rue Saint Dominique (en collaboration avec le regretté Bruno Pons), sur la maison de Gustave Doré ; enfin, rue du Bac, sur la maison mortuaire de Chateaubriand.
Elle a donné également en 1979, à la Société de l’Histoire de l’art français, une communication sur la galerie de l’hôtel de Villars’, complétant l’un de ses précédent travaux.
Tous ceux qui aiment et défendent l’ancien Paris, la connaissaient et estimaient grandement tant ses travaux que l’incroyable énergie qui l’a animée jusqu’à la fin de ses jours.
Je suis heureux de rendre hommage ici à une éminente personnalité qui a tant fait pour l’histoire de l’art et l’histoire de la capitale.
Michel Fleury a souhaité qu’un exemplaire du précédent numéro T U figure au fonds de la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, grande marque de gratitude et de reconnaissance pour les travaux de Tante Colette.

 

 

 

 

 

photo Lucien Lassalle mobilisé (source : arch. Tante Madeleine)

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Cette carte doit être remise au vaguemestre. Elle ne doit porter aucune indication du lieu d’envoi ni aucun renseignement sur les opérations militaires passées ou futures.

S’il en était autrement, elle ne serait pas transmise.

A partir de 1916, la famille opta pour La Bretagne et pour une villa en bord de mer à PARAME MINHIC. Mon souvenir le plus vif de cette époque reste celui des excursions que nous faisions sous la haute direction d’oncle Adolphe (Landry) pour aller sur le Grand Bé, au large de Saint Malo, où se trouvait le tombeau de Chateaubriand. Oncle Adolphe, en normalien cultivé, considérait ce pèlerinage au Grand Bé comme une activité essentielle pour la culture de ses enfants et de ses neveux.

Une autre excursion consistait à aller « admirer », avec un œil plus que critique et ironique, les sculptures de l’abbé Fauré à Rothéneuf. Nous en profitions pour visiter la maison familiale de Jacques Cartier.

Nous sommes allés trois ans de suite à Paramé. Les petites, Madeleine et moi, partions dès le moi de mai avec notre grand-mère, Granny. Les grands nous rejoignaient plus tard.

Ces années de vacances me laissent un merveilleux souvenir bien qu’elles aient eu lieu pendant la guerre de 14-18. Si tous les membres de la famille furent enchantés de découvrir des paysages nouveaux, aussitôt la guerre terminée, tous furent heureux de reprendre les anciennes traditions familiales au milieu des brumes et des vents du Pas de Calais et de la Picardie. L’Auvergne et La Bretagne furent vite oubliées.                                                           Colette Lamy

Ces années de vacances me laissent un merveille

Ces années de vacances me laissent un merveilleux souvenir bien qu’elles aient eu lieu pendant la guerre de 14-18. Si tous les membres de la famille furent enchantés de découvrir des paysages nouveaux, aussitôt la guerre terminée, tous furent heureux de reprendre les anciennes traditions familiales au milieu des brumes et des vents du Pas de Calais et de la Picardie. L’Auvergne et La Bretagne furent vite oubliées.                                                           Colette Lamy

ux souvenir bien qu’elles aient eu lieu pendant la guerre de 14-18. Si tous les membres de la famille furent enchantés de découvrir des paysages nouveaux, aussitôt la guerre terminée, tous furent heureux de reprendre les anciennes traditions familiales au milieu des brumes et des vents du Pas de Calais et de la Picardie. L’Auvergne et La Bretagne furent vite oubliées.                                                           Colette Lamy