Madeleine LASSALLE-WEULERSSE

souvenirs de jeunesse  par Colette Lamy – août 1996 – → extrait du Trait d’Union n°12 – 1996

Madeleine est née le 27 septembre 1908. A sa naissance, j’avais seulement deux ans. Nous étions les deux petites dernières d’une famille de cinq enfants. Nous ne nous quittions jamais. Cette complicité mêlée d’une grande affection, a duré quatre-vingt ans, jusqu’à sa mort en 1989.

Lorsque mes parents, Berthe et Lucien Lassalle, ont acheté l’hôtel du boulevard Flandrin, dans les années 1910, on nous a attribué les trois chambres du deuxième étage mais, les années passant, nous n’avons jamais utilisé les trois pièces, préférant toujours partager la même chambre pour ne pas nous quitter. Et ceci jusqu’à mon mariage en 1928. Cette cohabitation était d’autant plus inattendue que notre personnalité et nos goûts étaient totalement différents. J’étais très bavarde, Madeleine parlait très peu. Madeleine lisait beaucoup et moi je lisais peu. Très petite elle s’était passionnée pour la lecture et avait inventé une chanson qu’elle me chantait dans le jardin :
« J’nai qu’une passion, Dostoievsky Et qu’un ami, c’est Gorki. »

J’étais très sociable alors que Madeleine choisissait des amis pour la vie. J’étais également un peu espiègle : nous recevions chacune une boite de pastilles en chocolat pour Noël. Pour que la mienne reste pleine, je puisais dans celle de Madeleine. Cela lui importait peu car, contrairement à moi, ce qui était d’ordre matériel lui était indifférent.

Comme toutes les petites filles, elle aimait les poupées mais elle voua à Tenten un amour particulièrement exclusif. (cela a peut-être préfiguré l’amour qu’elle portera plus tard à ses quatre enfants). Tenten portait en fait le nom d’Hélène mais Granny n’approuvait pas qu’une poupée portât le nom d’une de ses petites-filles (Hélène Landry-Campinchi). Celle-ci fut donc appelée Hortense surnommée Tenten. Jusqu’au mariage de Madeleine, elle couchait dans un berceau breton auprès d’elle.

Si nous étions inséparables à la maison, nous l’étions aussi sur le chemin de l’école. Très tôt on nous a inscrites au lycée Molière car il n’était pas question de nous faire faire des études dans un établissement religieux.

Nous nous rendions au lycée à pied en prenant le boulevard Emile Augier avec interdiction absolue de prendre le métro. Bien sûr, nous n’étions pas toujours obéissantes et, un jour, à la sortie du métro, nous sommes tombées sur Maman. Quel manque de chance !

C’est au lycée Molière que Madeleine a rencontré son amie Toinette Pichard, devenue Risler. Amitié exceptionnelle qui a duré toute une vie.

L’affection que nous avions l’une pour l’autre, Madeleine et moi, n’a pas été ébranlée par mon mariage qui eut lieu en 1928, alors que Madeleine avait vingt ans. Bien au contraire, nos liens se sont avivés par la présence de Maurice que Madeleine aimait beaucoup et dont elle suivait les conseils. Maurice avait lui aussi pour sa belle-sœur une très grande affection.

Madeleine s’est mariée à son tour en 1936. Elle nous a quittés peu de temps après pour suivre son mari en Syrie. Ce fut la seule époque où nous avons été séparées.

→ voir dans le Trait d’Union n°15, page 5 (ou cliquez ici) le programme d’une audition d’élèves d’André MARCHAL, parmi lesquels Madeleine Lassalle