Jacques SAUVAGEOT quelques hommages

Jacques SAUVAGEOT est né le 23 février 1923 à Paris 17ème, premier enfant de Pierre SAUVAGEOT et de son épouse Ella THUILLIER, petite-fille d’Alfred THUILLIER et de Timothée LANDRY (double ascendance familiale).

Il épouse Anette PRAGIER en juillet 1946. 

Il disparait le 7 janvier 1997 à Paris 15ème. 

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extrait du Monde

JACQUES SAUVAGEOT, ancien cogérant administratif du Monde, est mort, mardi 7 janvier, à Paris. Il était âgé de soixante-treize ans.

Il savait imaginer, séduire et convaincre. Il avait des contradicteurs parfois acharnés, mais pas d’ennemis. Son long passage à la cogérance administrative du Monde, de 1968 à 1982, a été à l’image des « trente glorieuses » : brillant, progressivement voilé par une crise que peu, dans le soleil du succès, voyaient venir.

Jacques Sauvageot a joué avec passion le jeu de la vie, comme il se lançait tout aussi passionnément dans les parties d’échecs qu’il engageait, dans ses instants de liberté, avec ses partenaires de la rédaction et de l’imprimerie. Né à Paris le 23 février 1923, fils d’Ella Sauvageot, une des fondatrices de ce qui est aujourd’hui le groupe d’inspiration catholique Malesherbes, comme elle il se revendiquait corse et fut un temps, par tradition de famille, avant de démissionner en 1981, conseiller municipal de Calvi. Comme sa mère aussi, il dédia une partie de sa vie à la presse.

Son rêve était d’écrire. Il écrira, certes. Après la guerre, inscrit à la Sorbonne à l’Union des étudiants communistes (UEC), il devient en 1946 critique de cinéma à leur organe, Clarté. Passage quasi classique dans une génération imprégnée des combats et des rêves du récent passé. Mais, bon gré mal gré, il sera, comme Ella Sauvageot, de ceux qui gèrent, fabriquent et vendent. De 1952 à 1957, il est secrétaire général de La Vie des métiers.

Sauvageot fait partie du groupe d’amis qui entourent Hubert Beuve-Méry. Son fils, en 1958, devient directeur administratif du Monde, aux côtés d’André Catrice, cogérant du journal chargé de la gestion. Dix ans plus tard, il partage officiellement avec lui cette dernière responsabilité, tandis que Jacques Fauvet, rédacteur en chef, fait de même auprès du fondateur. « PASSER AU STADE INDUSTRIEL »

En 1969, au départ en retraite d’Hubert Beuve-Méry, ils restent seuls à la tête du quotidien, Jacques Fauvet exerçant, comme directeur de la publication, la prééminence.

Journal pauvre, lancé pratiquement sans capital, Le Monde, géré avec prudence et une discrète habileté, avait survécu à bien des tempêtes. Lui restait à affronter la plus dangereuse : la réussite. Cette entreprise, artisanale par ses structures, ses méthodes et son style de vie, devait désormais, assurait on, « passer au stade industriel ». L’augmentation considérable de son tirage et de ses ressources publicitaires, le poids d’une nouvelle imprimerie construite par l’équipe précédente à Saint-Denis, l’exigeaient.

Jacques Sauvageot s’y employa. A la tête d’une administration dont le rôle était désormais reconnu, à la mesure d’une tâche plus lourde, entretenant avec les ouvriers imprimeurs du Syndicat du Livre des rapports cordiaux, devenu une figure importante du patronat de presse et des organismes paritaires, il entreprit de moderniser les méthodes et les locaux eux-mêmes de la rue des Italiens.

Avec la rédaction, jalouse de ses prérogatives, soucieuse de sa totale indépendance et de sa réputation de désintéressement, il lui fallut souvent user de son brio souriant pour faire accepter et encore, pas toujours des vues ambitieuses dans les domaines administratif, financier et technique. Batailles à fleuret moucheté entre des journalistes et un gestionnaire qui n’oubliait pas que l’écriture était sa vocation première.

Jacques Fauvet, à la rédaction en chef, puis à la direction, avait ouvert Le Monde à de nouveaux domaines et lui avait conquis un vaste public. La prospérité des années 70 offrait des perspectives de développement et de diversification. « L’autre Jacques », comme on l’appelait dans les couloirs du journal, s’y consacra avec enthousiasme.

En réalité, les années de prospérité touchaient à leur fin. Le Monde et son cogérant administratif furent progressivement les victimes d’un optimisme certes réjouissant, mais dont le fondateur, Hubert Beuve-Méry, n’avait jamais donné, et c’est le moins qu’on puisse dire, le moindre signe.

Jacques Sauvageot, les mauvais jours étant arrivés, s’inclina avec élégance. Il quitta, pour la présidence de la Société nationale des entreprises de presse (SNEP), et non sans déchirement, le journal dont il avait rêvé trop vite peut-être et avec des moyens fragiles de faire une grande entreprise moderne.

JEAN PLANCHAIS
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extrait des Echos
Publié le 9 janv. 1997   

Jacques Sauvageot, ancien cogérant administratif du « Monde », de 1968 à 1982, est décédé mardi à l’âge de soixante-treize ans. Fils d’Ella Sauvageot, qui participa à la fondation du groupe de presse catholique Malesherbes (« La Vie », « Télérama »…), Jacques Sauvageot, après des études en Sorbonne, était devenu, en 1946, critique de cinéma de « Clarté », l’organe de étudiants communistes. Il avait ensuite occupé les fonctions de secrétaire général de « La Vie des Métiers », de 1952 à 1957. C’est en 1958 qu’il devint directeur administratif du « Monde », puis cogérant chargé de la gestion du journal. En 1969, au départ à la retraite du fondateur, Hubert Beuve-Méry, il gardera cette responsabilité, Jacques Fauvet, rédacteur en chef, devenant directeur de la publication. En 1982, il devint PDG de la Société nationale des entreprises de presse (SNEP), et occupera ce poste jusqu’en 1987.

L.-E. J.

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extrait du FIGARO

La disparition de Jacques Sauvageot

Témoin de la presse d’après-guerre, l’ancien cogérant du «Monde » aura marqué cet univers par ses qualités de négociateur.

Il aimait la presse. Il aurait sans doute souhaité écrire da­vantage. Le sort en fit un ges­tionnaire et un négociateur. Jacques Sauvageot, qui incar­nait cette époque si particulière de la presse d’après-guerre, vient de s’éteindre. Né en 1923 à Paris, il commence sa car­rière dans la presse en 1946 comme journaliste et critique cinématographique, puis comme secrétaire général de La- Vie des métiers avant de re­joindre Le Monde en 1958 en tant que directeur administra­tif du quotidien. C’est en 1968 qu’il est nommé cogérant. Un poste qu’il n’abandonnera qu’en 1982, alors que la presse change radicalement de visage et que Le Monde clôt ses années fastes pour entrer dans la tourmente.

Jacques Sauvageot reste dans les mémoires de ceux qui l’ont connu, comme l’homme de l’apaisement, cheminant avec discrétion et bonhomie dans l’ombre de personnalités plus imposantes et médiatiques comme d’abord Hubert Beuve-Méry, le fondateur, puis Jacques Fauvet, successive­ment à la rédaction en chef puis à la direction.

Discrétion

Un homme d’un autre temps, de ce temps où gérer une entreprise de presse ne né­cessitait pas encore la dextérité d’hommes d’affaires patentés mais uniquement un talent de négociateur et l’art des rap­ports humains. Jacques Sauva­geot avait celui-là. Cultivant la discrétion vis-à-vis de la rédac­tion du journal, même s’il as­sistait à la conférence du ma­tin, il était en revanche de toutes les discussions et de tous les accords quand il fallait un interlocuteur au Syndicat du livre.

Ainsi, en 1976, lorsque Le Parisien choisit de rompre le monopole de ce dernier et que le conflit fait rage, Jacques Sauvageot fera partie de ceux capables de désamorcer la crise en négociant habilement le re­classement des ouvriers que le retrait du groupe Amaury me­naçait.

Malgré son attachement à la presse et au quotidien qu’il servait depuis plus de vingt ans, il n’a gardé aucune amer­tume de son départ. Compre­nant que les temps avaient changé et qu’il fallait, pour que Le Monde survive, définir une gestion à long terme, capable d’enrayer une érosion du lectorat vertigineuse et dangereuse, il se retire sans bruit, conscient de ne pas avoir les armes né­cessaires à sa renaissance. Il conclura sa carrière en étant PDG de la Société nationale des entreprises de presse et ex­pert près la cour d’appel.
P.G.

note : ne pas confondre notre parent avec un homonyme très actif lors des mouvements de révolte survenus en France en mai-