César CAMPINCHI

sommaire :
– sa vie résumée
– discours prononcé par M. Gaston MONNERVILLE
– témoignage d’Hélène CHAUBIN
– anecdote – par Henri BONNET
– anecdote – LE SEIN DE MARIE-ANTOINETTE
– témoignage de philippe Delmas
– bibliographie

 

César CAMPINCHI nait en 1882 à Calcatoggio (à une vingtaine de kilomètres d’Ajaccio).

Il reçoit cinq prénoms (ambitieux !) : Sampiero, César, Auguste, Napoléon, Jérôme.                       → voici un extrait de son livret de famille :

Conformément à une pratique assez répandue en Corse à l’époque, son prénom usuel de César n’est pas le premier.

En  corse comme en italien et en picard (et sans doute dans d’autres langues), le « ch » se prononce « k » – au surplus, comme dans les langues usant d’accents toniques, la dernière syllabe est souvent avalée : « campin » en prononçant « pin » comme dans « pinacothèque », et non pas « pain ». 
Faute de respecter ces us, vous passeriez pour un « pinzut » (personne qui vient du continent).

 

la première (mauvaise) photo, avec son sous-titre, est extraite du journal « l’écho de la Corse » d’avril 1958 – il semble que ce soit une copie manifeste de la seconde, provenant de nos archives familiales, retouchée par ajout d’un rabat d’avocat (il est plus facile d’ajouter du blanc que de recréer une cravate !).
Ceci dit, entre pinzuts, on parle habituellement de can-pain-ki (et surtout pas -chi).

Licencié en droit – licencié es-lettres – avocat à la Cour.

En 1915, il est grièvement blessé devant Notre-Dame-de-Lorette. Menacé de l’amputation d’un bras, les chirurgiens arrivent à le lui sauver après quatre opérations successives. A peine rétabli, il repart au front sur sa demande, et se bat à Verdun en 1916 et 1917.
Il reçoit la Croix de guerre, la Croix du Combattant volontaire, et la Médaille militaire.

Il épouse Hélène LANDRY le 27 juin 1925 à Paris, 16ème arrondissement, avec un contrat de mariage reçu la veille par Maître Grange, notaire à Paris.


tendre complicité !


Ils n’ont pas eu d’enfant.

En 1927, alors qu’il n’a que 45 ans, sans campagne préalable, il est élu membre du Conseil de l’Ordre des avocats.

Le 6 mars 1936, il se bat en duel avec Horace de CARBUCCIA, directeur du journal Gringoire, célèbre pour ses articles méchants, et qui, aux yeux de César, l’avait offensé. Il est blessé à l’avantbras, ce qui conduit le médecin présent à arréter le combat.

Député de la Corse depuis 1932, ministre de la Marine du 22 juin 1937 au 18 janvier 1938 , puis de la Justice di 18 janvier au 13 mars
1938, puis de la Marine militaire du 13 mars 1938 au 16 juin 1940 – avec le repliement du Gouvernement sur Bordeaux (avec transfert de quelques ministres, dont César, en Afrique du Nord sur le bateau « le Massilia »).

Il décède sur une table d’opération en 1941.
Il est inhumé dans le caveau MEURON-LANDRY au cimetière d’Ajaccio.

Médaillé de la Résistance.
Chevalier de la Légion d’Honneur.

 

Voici le discours prononcé par M. Gaston MONNERVILLE, Président du Conseil de la République, à l’occasion du dixième anniversaire de la mort de César CAMPINCHI

Personne ne s’étonnera, je pense, que je ne prononce ici nulle parole officielle. Mon désir, en ce jour d’anniversaire et de douloureux rappel, eût été de laisser s’épancher, en une évo­cation silencieuse, mon âme toute nue.

Le Secrétaire d’Etat à la Marine a célébré César CAMPINCHI, Ministre de la Marine, continuateur prestigieux d’un Colbert et d’un Georges Leygues.
Le Bâtonnier Jacques CHARPENTIER a campé devant vous l’avocat, l’homme qui, si souvent, et avec tant de noblesse, a symbolisé la défense.

Je voudrais, en un style plus familier, rappeler quel était l’homme que nous honorons, un peu comme un cadet parlant de son aîné, comme un disciple, évoquant les enseignements d’un grand frère spirituel.

Beaucoup d’entre vous l’ont connu. Tous ceux qui l’ont approché à l’occasion de ses multiples activités, furent des privilégiés. Mais j’affirme qu’ils l’ont moins été que nous qui avons eu la joie de collaborer avec lui.

Peut-être fut-il plus particulièrement bienveillant pour le jeune stagiaire qui, voilà trente ans, osa, sans le connaître, l’aborder dans notre Galerie marchande et se proposer à lui comme collaborateur. Nos existences, pendant vingt années, ont été étroitement parallèles, au barreau, au Parlement, au gouvernement, et aux heures si lourdes des malheurs de la France.

Je n’ai pas vécu dans son ombre; j’ai marché d’un pas égal dans sa lumière, mêlé à ses joies comme à ses peines et à ses deuils, témoin constant de ses luttes.
Mais le sentiment de profond attachement que j’ai pour lui ne m’est pas particulier. Il est partagé par tous ceux qui, au Palais, ou dans son cabinet ministériel, ont été mêlés à son labeur.

La collaboration avec CAMPINCHI était avidement recherchée par tous les jeunes. Toute la jeunesse du Palais avait les yeux tournés vers cet aîné qui était toute intelligence et toute lucidité.
C’est qu’il était également pétri d’humaine compréhension et de gentillesse, non pas de cette amabilité banale qui ne vise qu’à plaire, mais de ce sincère mouvement de l’âme qui s’efforce de comprendre les timides, les déshérités, les débutants. Notre « Patron » ! Nous mettions dans ce mot tout ce que notre jeunesse pouvait contenir d’admiration et d’affection rivales. Pour nous, il était le meilleur des «patrons », parce que, exigeant pour lui, il était, en même temps, de la plus délicate vigilance pour nos efforts. Attentif à nos erreurs, il s’appliquait à parfaire en nous les disciplines de l’esprit, s’inté­ressant affectueusement à notre perfectionnement professionnel ou culturel, s’informant de nos lectures, de nos goûts artistiques et littéraires ; et, au sortir des audiences, il n’y avait pas de promenade en sa compagnie qui ne s’achevât dans une librairie, d’où nous emportions, confus et ravis, quelque édition nouvelle de Racine, Balzac, Paul Valéry ou Gide, aimablement offerte par lui.

Son immense culture, précise et sûre, enrichissait notre inexpérience. Son énergie jamais en veilleuse, nous enseignait, par l’exemple, que « l’effort porte en soi sa noblesse, et que c’est par là que nous valons ». Il nous armait contre le découragement en nous rappelant Marc Aurèle : « Point de dégoût, ni de découragement. Si tu viens d’échouer, recommence. »
Lorsque nous lui soumettions le résultat de nos travaux, nous attendions, haletants, sa critique. Elle venait, rapide, directe, toujours juste et constructive. Et si, d’aventure, sa vivacité avait heurté notre sensibilité, la gentillesse spontanée d’un mot inattendu mettait un baume sur cette blessure d’amour-propre. Nous partions, revigorés, plus désireux que jamais de satisfaire un pareil maître.

C’est que CAMPINCHI aimait la jeunesse, ses élans spontanés, sa force d’expansion. Certains ont cru qu’il manquait de sensibilité. Ils étaient trompés par ce regard vif, aigu, ses lèvres minces qui se serraient davantage encore dans l’attaque ou le mépris, cette fougue du lutteur toujours prêt à la riposte, cette éloquence nerveuse, meurtrière, le relief vigoureux du visage, qui semblait toujours donner l’assaut.
Mais ce qu’ils ignoraient, c’est que cette constante maîtrise de soi refrénait une sensibilité délicate. CAMPINCHI était un passionné qui se dominait, un sensible qui avait horreur de la sensiblerie. Sa jeunesse d’esprit avait laissé en lui une faculté d’enthousiasme qui étonnait ses proches; une spontanéité dans la solidarité et une générosité qui s’affirmèrent toute sa vie.
Même aux jours tristes où la sottise des hommes l’exilèrent dans sa propre Patrie, je l’ai vu se dévouer pour des malheureux, éperdus de misère physique ou morale, souvent au détriment même d’une sécurité combien compromise déjà.

Pour nous, ses collaborateurs, il fut et resta toujours l’ami, celui dont nous parlons encore comme s’il allait reparaître demain. Il avait gardé cette simplicité de l’homme du sol qui est tout équilibre. Ayant fait de sa vie un combat – et quel combat – il savait être accueillant au moins doué. Alors, son visage d’ascète s’auréolait d’une fraîcheur d’enthousiasme qui émouvait. En cela, il était corse : ardent, fidèle et sûr; aussi bienveillant pour l’ami qu’il était dur pour lui-même.
Ses qualités d’homme privé, CAMPINCHI les affirma dans sa vie publique. Qualités de l’esprit : clarté, intelligence, intransigeante probité intellectuelle. Qualités morales : générosité, énergie, compréhension humaine, indomptable courage.

Il entre au Parlement.
Alors qu’il est un avocat célèbre, un orateur sûr de ses moyens, son constant souci de perfectionnement lui fait passer deux années à écouter, à observer, à apprendre.
Mais, bien vite, sa rectitude de pensée, son honnêteté intellectuelle lui attirent sans réticence, la confiance et le respect; et le Président Edouard HERRIOT a pu lui rendre cet hommage :  « CAMPINCHI était la franchise, la loyauté, la droiture mêmes ».

Je ne puis rappeler ici l’ardent combat qu’il mena pour la République et les principes démocratiques tant à la Chambre des Députés qu’à travers le Pays, notamment de 1934 à 1936. D’un bout à l’autre du territoire, il porta la parole, orateur vigoureux et persuasif, démocrate convaincu, apôtre ardent d’un réformisme généreux. A ceux qui combattaient les réformes sociales nécessaires, il répondait :« Nous sommes d’accord avec vous sur la nécessité de l’ordre; j’aimerais que vous fussiez d’accord avec nous sur celle de la justice ». Partisan de « réformes aussi hardies que possible dans la légalité et ayant le souci permanent des plus hauts intérêts du pays », il n’admet pas pour autant la violence. Il professe qu’il faut parfaire l’éducation politique dos masses pour obtenir leur adhésion profonde. Parlant aux grévistes de 1938, il se montre courageusement hostile à toute formule démagogique, car il sait que la démagogie ne résout rien.

Appelé au Conseil du Gouvernement, César CAMPINCHI fait, comme au Barreau, une carrière en flèche; il atteint vite les sommets.

On vous a parlé de ses réalisations. Ce que je veux souligner, c’est la permanence des caractéristiques essentielles de l’homme. Ici, comme partout, il se montre un travailleur consciencieux, probe et efficace ; mais aussi, comme partout, un animateur. Constamment tendu vers le résultat à obtenir, il applique la formule qu’il nous a apprise : « le muscle, pas la chair ». Alors que beaucoup parlent de la grandeur de la France, lui, il la forge.

Homme de caractère et de volonté persévérante, il consacre toute son étonnante vitalité au grand devoir qu’il s’est tracé. Le goût inné des responsabilités, un civisme intransigeant, font qu’il attaque les difficultés les plus inextricables, qu’il prend corps à corps les problèmes les plus ardus; il les éclaire d’un jet fulgurant de sa lumineuse intelligence, les série, les résout et, au jour des plus grands périls, il avait donné à la France l’armure indispensable à sa sécurité.

Juin 1940. Il refuse d’accepter la défaite. Il lutte à Tours, à Cangé, à Bordeaux pour la continuation de la lutte. A I’un, il dit cette phrase prophétique que l’événement vient confirmer «En face d’Hitler, les armées françaises sont faibles à Paris, fortes à Alger, invincibles à Dakar ou à Brazzaville ».
A un autre, en stigmatisant les signataires de l’Armistice : « On a commis un crime, un crime contre la Patrie, la victoire était certaine, si nous étions restés aux côtés de nos amis britanniques. On ne connaît pas CHURCHILL et les Anglais. Ils ne lâcheront pas. Ils vaincront ».
Combien de fois, ne l’ai-je pas entendu moi-même répéter ces certitudes que trop de Français appelaient folles on traîtresses.

Lorsqu’à Marseille, je vins le rejoindre, je grimpais, tous les jours, les six étages d’un modeste immeuble où la générosité d’un ami lui avait procuré un petit appartement de trois pièces . Nous sortions en une marche de plusieurs heures autour de la ville, échangeant nos pensées, cruellement préoccupés de l’avenir de la France et du sort de la liberté. J’en atteste, Mesdames et Messieurs, il ne pensait pas à lui, mais aux autres, il était taraudé d’inquiétude pour ses amis arrêtés. A Paul RAYNAUD, pour qui il rassemblait des matériaux en vue de sa défense, il écrivait « J’ai honte de ne pas partager ta prison ». A Jean Z A y, il envoyait des livres annotés par lui et dont l’un portait cette dédicace : « A mon ami Jean, en attendant que le jour se lève ».

Chez lui, nulle préoccupation égoïste, nul souci subalterne.
Par contre, l’angoisse la plus grande pour la Patrie.
Je ne puis évoquer ces journées et nos marches quotidiennes sans un profond sentiment de tristesse et d’exaltation à la fois. Tristesse, car malgré une résistance physique et morale peu commune, je voyais CAMPINCHI rongé par l’inaction, lui le combatif, lui la vie même.
Exaltation aussi, parce que ces entretiens me confirmaient dans cette certitude que le malheur est un abîme pour les faibles, mais un étonnant stimulant pour les caractères bien trempés.

En ce qui concerne César CAMPINCHI, la preuve de cette vérité se trouve consignée dans un manuscrit, que dès son arrivée à Marseille, en juillet 1940, il rédigea à la hâte, en vue de sa défense probable devant la Cour de Justice de Riom.
La mort en a fait un véritable testament de sa pensée politique.
CAMPINCHI y revendique hautement la responsabilité de ses actes et des actes du Gouvernement auquel il a appartenu. « Je la revendique, écrit-il, pour mon propre honneur. »
Il y expose, fidèle à la politique de sécurité collective, pourquoi la France a eu raison d’entrer dans la guerre.
« Céder, c’était la France sans amis, sans honneur. »
Rappelant que « chaque fois qu’une Nation a voulu dominer, elle a trouvé contre elle, une coalition des autres Nations», il s’écrie : « Mettre en cause une politique traditionnelle, constamment appuyée par les Assemblées, par le Pays, c’est tourner le dos à l’histoire de France depuis quatre siècles; et, l’ennemi étant sur notre sol, c’est proprement inconcevable» . Il critique «le patriotisme hésitant qui semble avoir peur de lui-même, la résolution à éclipse ».
Renouvelant les leçons d’énergie de Clemenceau et de Foch, il fait sienne la parole de ce dernier : « Victoire égale volonté. On n’est battu que lorsqu’on s’avoue vaincu. C’est, la force morale qui crée l’événement, au lieu de le subir ».
Dans ce manuscrit, nous retrouvons les idées qu’il a toujours défendues, les impératifs de la volonté et du caractère auxquels il fut toujours passionnément fidèle, les mêmes qu’il affirmait lors du lancement du « Richelieu », quand il exaltait « l’énergie supérieure tendue vers le salut du Pays, la foi dans le destin de la France.

Le destin de la France? C’était là son obsession. « La France sereine, laborieuse, droite et lumineuse comme l’épée de Roland qui veut rendre justice à tous, selon son idéal de fraternité et de liberté. La France qui croit à la raison, à la morale. »

Voilà l’homme dont brutalement la mort priva le Pays.
Sa disparition fut pour nous comme un écroulement. Survenue au milieu des malheurs de la Patrie, elle nous accabla; car elle nous privait soudainement d’une force et d’une lumière.

Pour vous, Madame, la cruauté en fut particulièrement vive. « J’ai tout perdu, me disiez-vous. Je ne sentirai plus autour de moi ni chaleur, ni lumière ». Avec un stoïcisme simple et grand, dont notre affection voudrait parfois tempérer la rigueur, vous préservez silencieusement, tout au fond de vous-même, la flamme intacte et pure de son souvenir. Vous continuez son action et son œuvre. Ceux qui l’ont aimé veulent vous dire leur reconnaissance et leur respect.

« La vie continue » aimait à dire CAMPINCHI, quand le malheur le frappait.
Et c’est sans doute pour nous en convaincre qu’après les brumes du continent, le soleil se leva sur la baie mauve d’Ajaccio où nous le conduisions, vers le lieu de repos qu’il avait choisi. Nous sentîmes alors que, déjà, nous habitait l’Espérance.
Et nous nous sommes juré de rester dignes de lui.
Rester dignes de lui, c’est reprendre le combat, c’est ne pas désespérer, ne jamais céder au malheur, ne jamais s’avouer vaincu.
Aux heures d’hésitation ou de trouble, suspendons nos pensées, évoquons son grand exemple et devant nous, s’éclairera la route lumineuse.

           César CAMPINCHI :  une intelligence, un caractère, une conscience.

 

Et voici un témoignage d’Hélène CHAUBIN, professeur, correspondante en Corse du Comité d’Histoire de la Deuxième Guerre Mondiale de 1970 à 1980 puis de l ‘Institut d’Histoire du Temps Présent (CNRS).

 Homme politique de gauche, très respecté en Corse, il aurait sans nul doute voté négativement comme le fit Paul Giacobbi, le 10 juillet 1940, s’il avait pu rejoindre Vichy. Il meurt à Marseille le 22 février 1941. On peut estimer que sa mort prématurée fut une perte pour la Résistance insulaire.

Né en Corse, à Calcatoggio le 4 mai 1882, il fait des études de droit. Il est, comme avocat stagiaire, l’un des collaborateurs de maître Alexandre Millerand. Brillant gestionnaire, il est un excellent président de l’association des étudiants. Sa facilité d’élocution lui vaut des succès de conférencier aux Annales et son talent d’écriture s’exprime dans des Chroniques judiciaires rédigées pour Le Temps.

La Première Guerre interrompt ces diverses activités. César Campinchi s’engage, est blessé et reçoit la croix de guerre, repart au front. Il participe à la bataille de Verdun et reçoit la médaille militaire.

Après la guerre, il reprend sa carrière d’avocat, est inscrit au barreau en 1919. Il est, en 1927, membre du Conseil de l’ordre des avocats. Il a épousé deux ans plus tôt la fille d’Adolphe Landry, Hélène, elle-même avocate à la cour d’appel de Paris.

On peut penser que c’est dans cette période qu’il fut attiré par la vie politique : le radical Landry, député depuis 1910 et plusieurs fois ministre, était alors le dirigeant le plus important de la gauche en Corse, le chef d’un des deux clans qui se disputaient l’influence en Corse, les « Landrystes » face aux « Pietristes », la droite insulaire. Le premier succès politique de Campinchi est son élection aux cantonales de 1928 à Bocognano. Le second, sa victoire aux Législatives de mai 1932 à Bastia sur le député sortant, Henri Pierangeli. Il est réélu en 1936. Ses interventions les plus intéressantes à la Chambre, où il préside le groupe radical-socialiste, concernent les questions de politique étrangère et de défense nationale. Ministre de la Marine en 1937 dans le cabinet Chautemps, où il lutte pour obtenir l’augmentation des crédits destinés à la flotte de guerre, puis ministre de la Justice en janvier 1938, il revient en mars au ministère de la Marine militaire dans le cabinet Blum… C’est alors qu’il peut faire aménager les bases militaires d’Aspretto à Ajaccio, et de Mers el Kebir. Resté au même poste dans le gouvernement Reynaud, il prend parti contre le projet d’armistice, li compte donc parmi ceux qui s’embarquèrent à Bordeaux sur le Massilia le 16 juin 1940, avec l’espoir de réussir à former un gouvernement de lutte contre l’Axe en Algérie. L’échec de l’entreprise lui vaut d’être assigné à des résidences surveillées successivement à Casablanca, puis Alger, et enfin Marseille.
Il y meurt en 1941 à 59 ans. Le transfert de son corps à Ajaccio, le 25 février, suscite beaucoup d’émotion populaire. A Bastia, un office est célébré à sa mémoire par l’abbé Zattara, un prêtre qui allait par la suite, contre sa hiérarchie, choisir le parti de la Résistance, et devenir après la Libération le président des détenus et déportés du Nord de la Corse.

anecdote – par Henri BONNET – extrait du Trait d’Union n° 13

Alors, ma petite Madeleine, tu veux que je te raconte des histoires. Il m’en reviens une que j’ai vécue avec notre très cher Campinchi.

Figure-toi qu’un matin il me téléphone et me dit : « Est-ce que tu pourrais te rendre libre demain, je voudrais que tu assistes à un duel qui concerne l’un de mes amis et que tu sois le médecin de ce duel.»

Et le lendemain matin, avec Campinchi, nous allons chercher l’homme en question. Il s’agissait de Pierre Cot. Il était à l’époque un ministre important, homme décidé et à ma grande stupéfaction je vois arriver dans [le taxi une lavette, un homme complètement déboussolé, peureux, inquiet, tout à fait à l’opposé de ce que nous pensions être cet homme. Enfin bref, nous arrivons sur le terrain, le directeur du duel organise tout cela, charge les pistolets « Messieurs, en place ! Allez ».

D-. quoi s’agissait-il ? Et bien figure-toi que Pierre Cot avait couché avec la maîtresse d’un très brave monsieur dont je connaissais très bien la famille et qui s’appelait Montefiore. Le père Montefîore n’avait pas aimé cela du tout et avait provoqué Pierre Cot en duel.

Nous voilà sur le terrain et je vois le père Montefiore calmement viser Cot et tirer posément. Il tire voulant véritablement le blesser, pas de résultat. A ce moment-là, le généreux Pierre Cot met son pistolet en l’air et tire en l’air à la grande fureur de Montefiore qui dit « Je n’ai pas de leçon à recevoir de ce freluquet, on remet cela. »

« Ah non » dit Campinchi, « vous avez échangé deux balles sans résultat, nous allons le noter dans le procès-verbal de la réunion. C’est terminé ».

Quelque temps après je me rapproche de César et je lui dis : «Ecoute c’est quand même ridicule cette affaire. Tu as vu comment Montefiore a visé ton ami Pierre Cot, exactement comme moi je viserai un lapin à la chasse. Il aurait très bien pu le tuer pour une bêtise. Ce n’est pas parce que ce type avait couché avec sa maîtresse qu’il fallait le détruire ! »

Alors Campinchi cherche dans sa poche et me montre les deux balles qui n’avaient pas été mises dans les pistolets.

 

anecdote – LE SEIN DE MARIE-ANTOINETTE – de claude Chappey – extrait du Trait d’Union n° 13

Oncle César Campinchi reçoit un Amiral de TUS Navy au Ministère de la Marine, place de la Concorde. Pendant l’entretien, l’Amiral laisse négligemment tomber la cendre de sa cigarette dans une cupule posée sur la table. « Savez-vous, Amiral, dans quoi vous avez posé votre cendre ? » demande Oncle César. « Dans le sein de Marie- Antoinette » précise-t-il.

Abasourdi, l’Amiral ne sait comment s’excuser.
Pour le mettre à l’aise, oncle César lui offre le moule d’un sein de Marie-Antoinette réalisé après sa décapitation.
Dès le lendemain, il demande au Mobilier National de le remplacer par un autre exemplaire. Après recherches, le Mobilier National ne trouve plus de moule d’un sein de Marie-Antoinette. Depuis cette date, la République Française ne possède plus le sein de Marie-Antoinette, Reine de France.

 

témoignage de philippe Delmas : je me souviens d’un homme très agréable d’abord, souvent drôle, puissamment sympathique; je l’ai entendu dire que, quand il avait été nommé ministre de la Marine, il avait réuni ses principaux collaborateurs (dont, sans doute, plusieurs amiraux) et leur avait dit : « je ne suis pas marin et ne connais pas la Marine : donnez-moi les éléments, vos souhaits, et je les défendrai ».

Et, en fait, à la déclaration de guerre, en 1939, notre marine était belle !

 

bibliographie : on trouve de nombreux et intéressants documents sur internet, notamment sur les sites de la BNF, de l’Assemblée Nationale, de Geneanet. On y trouve aussi un article en corse sur l’attribution de son nom à une rue de Bastia : « A storia di u carrughju Campinchi ».