Odile Weulersse : Légion d’Honneur discours du Ministre

Le personnage du philosophe nous dit : « L’ignorance est le plus grand des maux. » – on ne saurait mieux dire.

Tout au long de votre vie vous avez œuvré pour la promotion du savoir.

A 20 ans, vous aussi, très précocement, élève brillante, vous sortez diplômée de Sciences Po.

Vous vous mariez dans la foulée, vous élevez vos enfants.

C’est une période particulière, vous n’hésitez pas à rouler en moto avec une combinaison argentée, à porter des robes à fleurs hippie (rires dans l’assistance), que l’on ne voit pas nécessairement ce soir (rires), il parait que c’était l’époque où vous fumiez le cigare (rires).

Mais on a tous connu ça et cette excentricité dénotait en tous cas d’une personnalité singulière.

En 1969 vous reprenez vos études et vous passez l’agrégation de philosophie.
Vous enseignez ensuite dans divers établissements scolaires de la région parisienne. Et dans les années qui suivent vous vous intéressez à l’étude des médias et vous passez donc un doctorat sur les sciences de l’information.

En 1979 vous soutenez avec succès la thèse qui s’intitule : « De l’imagination au cinéma, études de violences et passions de Visconti ». Vous êtes alors maître de conférences tout en écrivant en parallèle des scénarios pour la télévision.

C’est en 1982 que l’historien et romancier Pierre Miquel vous donne l’opportunité d’écrire votre premier roman. Il s’agira d’ailleurs dès le début d’un livre à succès, intitulé « Les pilleurs de sarcophages ». C’est le début d’une longue série de romans qu’accompagne une longue suite de voyages qui vous permettent de vous imprégner des cultures dans lesquelles vos récits se déroulent.

Vous visitez ainsi deux fois l’Egypte. Pour le roman « Le serment des catacombes », vous parcourez l’Italie du Nord, pour « l’Arlequin de Venise » vous vous imprégniez de l’atmosphères des palais, des dédales et des ruelles de la cité des doges. Et pour le Cavalier de Bagdad », vous parcourez Damas et ses environs.

A vos voyages s’ajoute une recherche documentaire toujours méticuleuse qui vous permet de dépeindre avec rigueur et exactitude le contexte historique des époques que vous traitez.

Votre sensibilité cinématographique vous donne une force visuelle supplémentaire.

Vous écrivez au total 29 romans et 5 albums pour enfants.

C’est donc une œuvre considérable.

En plus de susciter le goût de la lecture et d’enrichir les connaissances historiques des plus jeunes, vous abordez des sujets importants pour la formation éthique et morale de nos élèves. Vous vous intéressez à la diversité des sociétés que vous décrivez, vous vous intéressez à la complexité des êtres, bien sûr en tant que romancière, et vous vous êtes évidemment intéressée à tous les enjeux moraux, éthiques, civiques qu’il peut y avoir derrière un roman.

Madame Weulersse, vous lire c’est bien la diversité des cultures, c’est bien la finesse des mots, c’est bien la tolérance. Vos romans se sont rapidement imposés comme des références auprès des professeurs de français et d’histoire au collège.  Vous êtes un auteur scolaire aussi. Vous n’êtes pas qu’un auteur scolaire, mais vous êtes un auteur scolaire.

Ce terme peut parfois apparaitre péjoratif dans certaines bouches mais c’est au contraire une des plus belles appellations que l’on peut avoir.  Quelle joie que d’être un auteur lu par des élèves !  Et bien vous avez la chance, de votre vivant, d’être un auteur de ce type. Ils ne sont pas si nombreux.

Et c’est tout simplement la qualité de ce que vous avez fait qui vous a permis d’être adoptée par notre système scolaire.  Être un écrivain scolaire, comme je le disais, c’est tout simplement avoir su plaire et aux professeurs et aux élèves, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Chacun sans doute ici sait que le Goncourt des lycéens aujourd’hui a encore plus de succès que le Goncourt tout court.  Tout simplement parce que le jugement des élèves est un jugement très sûr en vérité.

Vous vous rendez régulièrement dans des salles, dans des établissements, à la rencontre des collégiens pour leur parler de l’importance de la lecture et de votre travail d’écrivain. Encore aujourd’hui vous écrivez.
Ces prochains mois sortira aux éditions Hachette – c’est un moment de publicité – un recueil de nouvelles nommé « anniversaire » auquel vous participez.

Nous savons qu’il peut y avoir une certaine superficialité des écrans qui nous guette. La lecture évidemment est un enjeu majeur, elle nourrit la langue, elle fortifie l’esprit, elle libère des illusions et du mensonge.

Comment ne pas le dire dans cette salle Jacqueline de Romilly, je le redis pour honorer de nouveau cette femme de lettres : vous êtes une femme de lettres, vous êtes une femme aussi qui avez servi la République, l’école.

Pour toutes ces raisons et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés par le Président de la République, je vous fais chevalier dans l’ordre de la Légion d’Honneur.