un destin bourgeois Adolphe LANDRY et sa famille

Anne-Emmanuelle DEMARTINI

Le discours bourgeois du XIXème siècle sur la so­ciété associe à la classe bourgeoise l’idée d’une mobilité sociale ascendante. L’idéologie républi­caine qui consacre la supériorité du mérite sur la naissance fait de l’ascension sociale un dogme, un idéal contre les clôtures de la société d’Ancien Régime. Notion bourgeoise et républicaine, l’as­cension sociale repose sur l’idée d’une communi­cation souhaitée et possible entre classes sociales. Ainsi selon ce modèle, par l’enseignement secon­daire, « le travail et l’épargne », un fils de paysan peut devenir instituteur, son petit-fils ingénieur; les classes-moyennes deviennent le lieu de passage entre le peuple et la bourgeoisie, le relais du monde rural vers les élites. La grande aspiration bourgeoise du xix’ siècle se transforme dans le discours bourgeois en ascension sociale effective.

Les blocages de la société française n’autorisent pas cependant à accorder une trop grande validité à ce schéma, proposé par une classe dominante dont la finalité perverse du discours est de mas­quer la fermeture sociale d’une classe qui tend à se constituer en caste (en particulier dans la se­conde partie du siècle). Ce motif du discours bourgeois a présenté l’inconvénient d’imposer à la réflexion sur l’évolution de la société bourgeoise une grille de lecture profondément historicisée et idéologisée. Sans oublier pour autant le tribut dû par la bourgeoisie aux autres groupes sociaux, il serait intéressant de proposer comme objet d’étude un autre type d’ascension sociale intra-bourgeoise, le « devenir » bourgeois ne pouvant être précédé que de l’« être » bourgeois. Somme toute, en histoire sociale comme en biologie, pas de géné­ration spontanée : sans germe bourgeois, pas de bourgeois. Voilà ce que nous voudrions préciser à travers un exemple concret, à partir d’un homme et, avec lui, d’une famille.

Cet homme, c’est Adolphe Landry (1874-1956), cette famille, c’est la famille Landry d’Ajaccio. Aussi loin que nos sources peuvent nous permettre de l’étudier, soit sur un peu plus de deux siècles, l’histoire des Landry est une histoire bourgeoise. Si le capital familial emprunte à de multiples traditions, « l’ascension sociale » est interne à la classe bourgeoise et s’effectue par un processus d’accumulation, d’appropriation et de multiplica­tion d’un capital bourgeois, génération après géné­ration, à travers des stratégies familiales dont la stabilité est remarquable.

Notre propos n’est pas exactement biographi­que puisqu’il s’agit de décrire un double itinéraire, individuel et familial. L’itinéraire individuel est celui d’Adolphe Landry qui correspond à un moment de l’itinéraire familial, moment important qui coïncide avec un sommet-dans l’évolution sociale des Landry : Adolphe Landry, grand bour­geois parisien, homme politique de dimension nationale et savant social, a porté au plus haut niveau les destinées familiales. Le choix de ce moment permet d’étudier la manière dont s’effec­tue l’ascension bourgeoise, et d’analyser la notion d’héritage. Replacer Adolphe Landry dans sa parentèle permet d’estimer dans quelle mesure il est représentatif d’une génération dont il. figure le devenir de façon exemplaire. En le situant dans sa parenté, moment de l’itinéraire familial par rap­port aux autres moments, on peut apprécier l’évolution globale de la famille Landry et s’inter­roger sur ses rythmes, sur son éventuelle linéarité .

Cet itinéraire familial reçoit un triple contenu puisque, mettant en relation des générations, des lieux et des statuts, il est temporel, spatial et social. Comment passe-t-on des « bourgeois » de Suisse (les Landry des origines) au ministre grand bour­geois parisien (Adolphe Landry), en passant par le bon bourgeois ajaccien (Timothée, père d’Adol­phe) ? A travers Adolphe Landry, c’est tout un itinéraire familial qui doit être pensé, en s’effor­çant de tenir toujours les deux pôles, individuel et familial, de la réflexion. Des tableaux généalogi­ques, présentés en annexe, complètent cette étude; il faudra s’y reporter au cours de ce développe­ment (1).

C’est au XVIIIème siècle que les Landry, originaires de Suisse où ils sont cités dès le XIVème siècle, s’instal­lent en Corse, à Ajaccio. Nous savons peu de chose sur eux si ce n’est que François Henri Landry (1718-1782), architecte, qui, en 1774, s’ins­talle à Ajaccio, sur l’invitation de son beau-frère Etienne Samuel Meuron, descend d’une branche de la famille qui a fait souche à Saint-Sulpice, canton de Neuchâtel. Ces Landry des origines sont d’une part des roturiers, d’autre part des citadins. Plus précisément, ils sont, dans les sources existan­tes(2), qualifiés de « bourgeois ». L’héritage d’Adolphe Landry : la constitution d’un capital bourgeois

Ce terme recouvre deux sens : au sens juridique strict, il désigne un membre à part entière d’une commune, formation sociale urbaine émancipée de la tutelle des seigneurs (Duby, 1980). Les condi­tions d’obtention du droit de bourgeoisie varient d’une commune à l’autre, mais sont communé­ment requises : résidence dans la ville et participation aux frais de la commune; cette condition tend à indiquer l’exigence d’un certain niveau de for­tune qui confère au terme de « bourgeois » un sens social en le réservant aux habitants les plus riches de la commune. De fait, les Landry possédaient , depuis longtemps des forges et des moulins sur les bords de l’Areuse. Les ancêtres d’Adolphe Landry faisaient ainsi partie de ces bourgeois des commu­nes dans lesquels il faut voir sans aucun doute le premier visage de la bourgeoisie moderne (idem et Pemoud, 1960).

A Neuchâtel, les Landry sont alliés à la famille Meuron, grande famille de Suisse dont certaines branches furent anoblies. Etienne Samuel Meuron qui invite les Landry à s’installer en Corse est issu d’une branche non anoblie de cette famille. Les Landry sont ainsi des roturiers, citadins, qui jouissent d’une reconnaissance sociale que leur valent leur statut de bourgeois, leur niveau de fortune appréciable et leurs alliances.

A partir de François Henri Landry, s’engage un processus d’enracinement insulaire avec la mise en œuvre de stratégies familiales visant à constituer un capital familial et à fournir à ces émigrés suisses de solides attaches locales.

La consolidation de l’alliance entre les Landry et les Meuron (3) liant à ce point leur destin dans Plie que l’on parle aujourd’hui des « Meuron-Lan- dry », marque avec la période précédente une certaine continuité dans les stratégies matrimonia­les. Cette continuité ne pouvait cependant garantir une intégration locale suffisante, d’où une orienta­tion des stratégies de reproduction vers des vieilles familles insulaires : ce sont les Frasseto et les Campiglia d’Ajaccio, les de Battisti, grande famille insulaire reconnue noble de noblesse prouvée – au-delà de deux cents ans en 1788; ce sont aussi les Buonaccorsi de Calenzana, près de Calvi en Balagne, dont les origines remontent au XVI(3) siècle. L’étude généalogique de la famille Landry met ainsi en évidence la constitution d’un réseau de parenté organisé principalement autour des trois familles Landry, Meuron et Buonaccorsi que des stratégies matrimoniales et en particulier des renchaînements d’alliances lient entre elles4.

Chez les Landry comme chez les Meuron, un seul type de carrière : soit fonctionnaires (Joseph Eugène Landry est employé de préfecture, Timo­thée Landry magistrat, Adolphe Meuron contrô­leur des contributions) soit militaires avec une prédilection pour la marine (c’est le cas de Jean Augustin Meuron et de François Timothée Lan­dry), ils sont tous au service de l’Etat. Leurs professions, l’examen du cadastre d’Ajaccio, le fait qu’Adolphe Meuron (1803-1887) soit éligible sous la Monarchie de Juillet semble indiquer un niveau de fortune confortable, sans être pour autant nécessairement très élevé. L’importance des biens fonciers n’est pas négligeable mais elle est quan­titativement assez faible, surtout pour les seuls Landry. De plus, la capacité d’éligibilité d’Adol­phe Meuron est toute relative : inscrit sur la liste des éligibles de 1842 avec un cens de 346 francs, on le comptait parmi les cinquante personnes les plus fortunées de File, mais, néanmoins, il faisait pâle figure devant les grands censitaires continen­taux. En Corse, région pauvre, on avait abaissé les conditions de cens (5). Voilà qui montre bien, dans une France où la distribution régionale des riches­ses présente de graves disparités, la dimension strictement locale des Meuron-Landry qui appar­tiennent de toute évidence à cette frange étroite de la population d’une île pauvre et rurale, la bour­geoisie urbaine aisée.

Pour ces bourgeois, citadins, fonctionnaires plus que propriétaires, l’importance de l’alliance avec les Buonaccorsi mérite d’être soulignée. Les Buo­naccorsi sont, dans les textes(6) qualifiés de nota­bles (signor et nobile), de propriétaires (possidenti). Les Buonaccorsi, les plus gros propriétaires de Calenzana, gros village de la région balanine particulièrement riche, sont significatifs de ces notables traditionnels dont la fortune et le prestige reposent sur la possession de la terre et que la société insulaire désigne par le terme de sgio, traduisible par « seigneurs-propriétaires ». A la  suite de son mariage en 1869 avec Augustine Meuron, Buonaccorsi par sa mère, Timothée Lan­dry (1841-1912) devient propriétaire des biens de sa femme, par suite du régime dotal, ainsi que de ceux de ses belles-sœurs, non mariées, qui viennent vivre avec le jeune ménage et lui cèdent leurs revenus de Balagne : la succession de sa belle-mère lui revient entièrement (7).

Pour les Landry, l’enjeu de cette alliance est clair : à cette famille de la bourgeoisie urbaine, elle apporte la terre et, avec elle, l’accès à une forme traditionnelle de notabilité dont le prestige est absolu dans une société rurale où le patrimoine est la seule source séculairement reconnue de ri­chesse. A la fois terre et lignée, le patrimoine a une valeur essentielle dans un pays où l’individu se définit généalogiquement, la parenté structurant les rapports sociaux. Les Landry augmentent ainsi leur capital économique – les terres comme propriétés de rapport – et leur capital symbolique — la terre comme incarnation d’une lignée.

A la génération de Timothée, la famille Landry apparaît comme une famille aisée de. la bourgeoi­sie ajaccienne, bien apparentée. La reconnaissance sociale dont elle jouit tient en particulier au pres­tige de ses alliances : alliée aux de Battisti, elle participe à la gloire d’une famille qui a donné un général et deux commandants de la place à Ajac­cio; elle entretient des rapports privilégiés avec la famille de l’Empereur par l’intermédiaire des Meuron, liés à cette dernière par des liens de parenté et d’amitié*. Sur un siècle, les Landry ont su se constituer un important capital social fondé sur la possession d’un réseau de relations étendu et varié qui a pu jouer le rôle de multiplicateur du capital possédé en propre par les Landry.

Stratégie de reproduction signifie aussi stratégie de reconversion spatiale. L’installation du premier Landry en Corse répond à une stratégie familiale de mobilité à partir de laquelle l’appartenance locale se dédouble entre la Suisse, lieu de référence historique et symbolique (berceau des ancêtres) et Ajaccio, lieu de travail et lieu de vie : David François Henri Landry part pour la Corse invité- par son beau-frère. Une fois en Corse, des straté­gies d’intégration locale sont mises en œuvre. Ainsi, alliances dans de vieilles familles insulaires, stabilité professionnelle et résidentielle, participa­tion au pouvoir local sont pour le grand-père d’Adolphe Landry, Joseph Eugène (1804-1864), employé- à la préfecture, conseiller municipal d’Ajaccio, des signes en même temps que des garanties d’intégration locale.

Dans ces stratégies d’intégration, l’alliance avec les Buonaccorsi revêt une importance décisive parce qu’elle renforce considérablement l’attache insulaire. Elle lie en effet les Landry à la terre de Calenzana, point d’ancrage géographique, histori­que, économique et symbolique d’une vieille fa­mille de Corse, référence absolue de sa notabilité. Si Ajaccio présente tous les aspects du lieu de l’immigration, Calenzana est la garantie d’une appartenance locale éprouvée et incontestable. C’est lorsque la Suisse a, semble-t-il, définitive­ment cédé le pas sur la Corse qu’ont lieu les premiers départs vers la métropole : à la quatrième génération (la première correspond au premier Landry installé en Corse), les Landry connaissent le « chemin de l’exil » commun à tous ces Corses partis sur le continent à la fin du XIX’ siècle, première grande phase d’émigration insulaire. Timothée Landry, avocat (1869), puis président du tribunal civil (1871) à Ajaccio, ensuite procureur de la République à Bastia, part pour Chambéry puis Nîmes (1883-1884) comme conseiller à la Cour d’appel; en 1895, nommé président de la Cour d’appel de Paris, il s’installe dans la capi­tale : un parcours de mobilité se dessine au fil de la carrière, mobilité résidentielle et mobilité pro­fessionnelle allant de pair tandis que Paris s’im­pose comme point d’aboutissement de la trajec­toire migratoire en tant que couronnement de la carrière professionnelle. Le départ vers la métro­pole étend le réseau d’implantation de la famille et en élargit les dimensions (spatiales, sociales et symboliques). A noter aussi que l’implantation métropolitaine dans l’appareil administratif est la condition d’un renforcement du pouvoir local.

Si la famille Landry d’Ajaccio est une famille bourgeoise, il est clair que son capital n’est pas homogène puisqu’il emprunte à plusieurs modè­les. Le modèle des origines, le « modèle suisse », est urbain et il est aussi celui de la mobilité. A celui-ci-vient s’ajouter le modèle des élites françai­ses d’Ancien Régime, celui des Buonaccorsi, modèle rural de l’enracinement. Un troisième modèle intervient, le modèle républicain, laïc celui de l’émancipation par le mérite et l’éducation. L’identité bourgeoise des Landry est fondée par la rencontre de ces modèles. Timothée Landry en est la parfaite incarnation. Ce magistrat libre- penseur, déjà républicain sous l’Empire, petit homme sec et austère, illustre bien la rationalité et les vertus bourgeoises. Il se montre particulière­ment soucieux de l’éducation de ses enfants, en particulier de son fils Adolphe dont il suit au jour le jour les études supérieures au gré d’une corres­pondance fournie’; il conduit ses affaires avec sérieux et probité, remplit scrupuleusement son livre de compte, ce qu’André Siegfried considérait comme la clef psychologique de l’univers bour­geois : il épargne et investit dans ses vignes de Calenzana dont il s’efforce d’améliorer le rende­ment; il vit dans un temps qu’il ne s’agit pas de perdre, travaillant beaucoup, faisant régulièrement de longues promenades à pied (6 km), minutieu­sement calculées sur son chronomètre. Le modèle Buonaccorsi n’entame en rien le profil bourgeois des Landry : il ajoute plutôt des cartes à leur jeu, leur apportant, en même temps qu’une couleur particulière, un plus : des racines et, avec elles, des conditions favorables à la notabilité dans un pays où celle-ci demeure encore profondément tradi­tionnelle. Du reste, il illustre la propension de la bourgeoisie française à considérer la terre comme la source même de la considération et à emprunter au modèle aristocrate et paysan.

Le secret de la réussite bourgeoise est sans doute ainsi d’avoir su faire quelque chose de la tradition. Le modèle Buonaccorsi, en effet, est un modèle d’épuisement : la lignée s’éteint faute d’alliances; parce que la terre rapporte moins et que le régime successoral morcelle la propriété, le patrimoine fond. Ici, pas de gain, mais dilapidation du capital qu’un rejeton aux mœurs légères et aux allures de décadent a largement entamé10. A cette gestion du capital d’un type de notabilité sur le déclin s’op­pose radicalement la gestion bourgeoise, rigou­reuse, qui accumule, entretient, mobilise le capital familial selon des stratégies d’investissement so­cial orientées vers l’appropriation des traditions et la fructification des héritages. Si la bourgeoisie a besoin de racines, elle sait les trouver en emprun- tant à d’autres modèles qui ne la déterminent pas pour autant. L’alliance entre les Buonaccorsi et les Landry souligne l’ambiguïté du capital bourgeois mais, n’ayant été productive que pour les seconds, elle donne la mesure de leur dynamisme.

En cette fin du XIXeme siècle, la famille Landry, toute notable qu’elle est, n’en demeure pas moins réduite dans ses dimensions aux limites de l’île : elle appartient à la bourgeoisie provinciale. Si Timothée Landry, devenu parisien à la fin de sa carrière, a posé les premiers jalons d’un élargisse­ment des dimensions familiales, Adolphe Landry devait le mener à bien et faire coïncider localisa­tion parisienne et ascension sociale en projetant le nom des Landry sur la scène nationale.

Si le modèle républicain est avant tout un héritage paternel, Adolphe Landry a-su l’intégrer de façon exemplaire. Ce petit garçon de quatre ans qui apprenait à lire à ses camarades, poussé par un père qui souhaitait avant toute chose la réussite scolaire de ses enfants, devait suivre un itinéraire brillant tracé par l’école républicaine. 

Adolphe Landry : la gestion de l’héritage et la multiplication du capital

A l’âge de neuf ans, Adolphe Landry quitte Ajaccio pour Nîmes — son père y est nommé président de la Cour d’appel — où il poursuit ses études secondaires. Il est distingué au Concours général, obtient une bourse et prépare à Paris, au lycée Louis-le-Grand, le concours de l’Ecole nor­male supérieure où il entre en 1892. Quatre ans après, il est reçu à l’agrégation de philosophie : un itinéraire semblable à celui d’un Herriot et, avec ce dernier, à celui d’une grande partie de l’élite intellectuelle et politique de la Troisième Républi­que. Cette formation littéraire classique rencontre une tradition familiale : Adolphe devient fonc­tionnaire en qualité de professeur de philosophie. Il est nommé à Toulouse en 1896, puis à Vendôme l’année suivante.

Fort à la fois d’une position sociale héritée d’un .père. haut magistrat parisien, et d’un capital culturel acquis sous le signe de l’école républicaine et garanti par des titres scolaires prestigieux, ce jeune homme élégant ne devait décidément pas déplaire à la belle Lucie Thuillier qu’il rencontre à un bal de l’Ecole et dont il tombe amoureux. Cette demoiselle est fille d’un riche entrepreneur en plomberie, Alfred Thuillier, un athée ancien communard qui n’a jamais trahi ses idées pro­gressistes, et de surcroît sénateur de la Seine. Le mariage est célébré en 1897; l’année suivante, Adolphe quitte la province pour le Collège Chaptal de Paris. En lui procurant argent et rela­tions sociales, bénéfices de la grosse fortune et de la carrière politique de son beau-père, l’alliance avec les Thuillier joue un rôle décisif dans l’as­cension sociale d’Adolphe Landry qui accède à la grande bourgeoisie parisienne. De fait, Adolphe Landry est avant tout un parisien : il fait ses études supérieures dans la capitale, c’est là qu’il se marie, qu’il habite et qu’il enseigne. La comparaison avec son père est édifiante : tandis que Timothée « monte » à Paris au terme de sa carrière profes­sionnelle, il faut deux ans à Adolphe pour y enseigner et, à 24 ans, il ne fait que débuter sa carrière. Pour lui, c’est clair, l’ascension bour­geoise passe par Paris.

Cette période de formation (1891-1898) ouvre la voie à une ascension sociale accélérée à travers une double carrière, professionnelle et politique. Ce littéraire-philosophe, collaborateur de Gide et de Bergson, s’oriente vers les questions économiques. Il publie de nombreux ouvrages  » touchant à des domaines aussi variés que le droit, l’économie politique, la sociologie et la démographie, discipline nouvelle dont il se-fait une spécialité : il en est’ l’un des pionniers et l’un des maîtres ‘2. Sa nomination à la chaire des faits et doctrines éco­nomiques à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, créée pour lui en 1907, consacre ses travaux scientifiques. Parallèlement à sa brillante carrière d’universitaire, il poursuit une non moins glo­rieuse carrière politique; homme de gauche, socia­liste qui évolue progressivement vers le radica­lisme, élu député en 1910, il le reste pendant près de trente ans (1910-1932, 1936-1942); élu une fois sénateur (1930), il est ministre à trois reprises (1920, 1924, 1931-1932).

Timothée pouvait être fier de son fils au regard de la distance sociale entre lui et ce dernier : tandis que Timothée, tout aisé qu’il était, ne pouvait assurer chaque année les vacances de ses cinq enfants, Adolphe pouvait financer des campagnes électorales fort onéreuses; tandis qu’il s’installait à Paris après 26 ans de carrière provinciale, Adol­phe s’y mariait à 23 ans avec une fille de la grande bourgeoisie parisienne et il était maintenant minis­tre. La différence quantitative et qualitative appa­raissait clairement. Adolphe était très riche, puis­sant — en tant que député et ministre il présidait aux destinées du pays — doté, enfin, d’un réseau de relations brillantes tant dans les milieux intel­lectuels et universitaires, parmi les publicistes et les chercheurs, que dans les milieux politiques. Membre à part entière de l’élite nationale (et non plus seulement ajaccienne !), il appartenait à la grande bourgeoisie diplômée de fonction, lieu social par excellence des gouvernants de la Troi­sième République; il vivait depuis l’âge de 17 ans à Paris, lieu privilégié de la grande bourgeoisie au pouvoir — entre les deux guerres, la grande bourgeoisie est la catégorie la plus représentée parmi les ministres (Dogan, 1967, pp. 468-492; Estèbe, 1962).

Adolphe Landry, démographe et grand bour­geois, n’était pas que cela; il était aussi, en Corse, un chef de clan — entendons clan politique — et de ces deux visages, l’un national, l’autre local, il n’est pas sûr que le second ait pour lui le moins compté. En effet, lorsqu’Adolphe Landry décide de se lancer dans la carrière politique, il lui faut un électorat, une assise locale : la Corse apparaît toute désignée pour cela. De sorte que non seule­ment en devenant parisien il n’a pas rejeté son attache insulaire, mais en plus, il l’a utilisée, re­vendiquée et renforcée. En devenant l’un des hommes les plus puissants de l’île, il a connu une réussite locale qu’aucun de ses ancêtres n’avaient pu mener si loin, et, grâce à lui, la famille Landry accédait au plus haut degré de l’échelle sociale.

La réalisation parisienne allait de pair avec une réalisation locale complète. Ce double phéno­mène, on le sent, supposait une maîtrise efficace de la multi-localité que l’exercice de la notabilité’ politique rendait de toute façon nécessaire : en tant que mandataire, intermédiaire entre les élec­teurs et l’Etat, il était à la charnière de deux scènes, l’une locale, l’autre nationale. Pour Adolphe Lan­dry, la multi-localité prend la forme d’une bi-localité organisée autour du couple Paris/Corse. En Corse, trois lieux de référence pour le clan Landry et son chef, dont la position sur l’ordre des prio­rités reflète les enjeux politiques des références spatiales dans un système politique archaïque mettant aux prises des clans constitués selon la double logique des liens de parenté et de clientèle et au sein duquel le pouvoir est conçu comme héréditaire, le chef de clan devant se prémunir d’une tradition familiale (Lenclud, 1986; Pomponi, 1978, Ravis-Giordani, 1976).

Dans ce contexte, rien d’étonnant à ce que Calenzana, village maternel d’Adolphe Landry, soit le lieu de référence essentiel de son clan. Village des origines en même temps que scène locale où ont pu s’inscrire emprise économique et pouvoir social, Calenzana était le fief des Buonaccorsi qui lui restèrent toujours fidèles. Il était devenu pour les Landry l’espace privilégié de l’enracinement, le lieu identitaire essentiel : là se trouvaient les racines et les signes de la notabilité familiale, là, l’exercice du pouvoir politique pou­vait devenir une tradition familiale. Avec Joseph Buonaccorsi (1761-1845) déjà, l’arrière-grand-père d’Adolphe, éligible, maire et conseiller général de Calenzana, la détention du pouvoir local était venue couronner la maîtrise sociale. Adolphe Landry pouvait ainsi facilement recruter sa clien­tèle en puisant dans le stock des solidarités trans­mises depuis les Buonaccorsi.

Si Calenzana occupait une place privilégiée dans le discours « landryste » en tant que berceau et référence symbolique du clanl3, Calvi est, concrètement, le point d’ancrage d’Adolphe Landry dans l’île puisque c’est là qu’il fait l’expérience directe et durable du pouvoir local, à la tête de la municipalité (1919-1956) et en tant que conseiller général du canton. Place-forte électorale, Calvi est aussi une base financière : les 40 hectares de Valle a legnu, hérités des Buonaccorsi, dont la plantation en vignes et l’exploitation avaient commencé à l’initiative de Timothée, fournissent des revenus considérables qui alimentent tout naturellement les campagnes électorales. Enfin, vient Ajaccio, ville natale, mais qui, parce qu’elle -était la ville d’immigration des Landry,-ne pouvait de Toute évidence remplir le rôle-symbolique de support de notabilité que la Balagne avait assumé. La Balagne, c’était la terre, la tradition, c’est-à-dire la notabilité et déjà la clientèle, donc l’assise toute- désignée d’un pouvoir politique, indiscutablement préférée aux maigres avantages proposés par la cité impériale.

Si Adolphe Landry se rend en Corse, outre lors des campagnes électorales, durant l’été et les vendanges — ses pied-à-terre sont alors Valle a legnu à Calvi et la maison des Meuron-Landry à Ajaccio — une évidente priorité, dans la gestion de la bi-localité, revient concrètement à Paris, lieu de résidence principal. A noter d’ailleurs l’enjeu stra­tégique de la domiciliation parisienne : Paris, c’est le centre administratif national, les subsides, un réseau de personnalités influentes, la proximité du pouvoir central, bref de quoi faciliter au chef de clan la dispensation des multiples services et fa­veurs qu’attendent de lui ses électeurs, dans un système où le pouvoir politique repose pour l’es­sentiel sur des mécanismes clientélaires. Ce mode de vie bi-localisé, Timothée l’avait déjà inauguré. Si la métropole lui offrait, la perspective d’une reconversion spatiale et devenait lieu de travail, de résidence, de scolarité pour les enfants, il n’y avait pas pour autant rupture avec l’île, pour laquelle l’attachement n’était pas seulement sentimental et symbolique; on avait à faire à une véritable gestion de la -bi-localité : Timothée quittait Ajaccio et s’installait en métropole cependant que la tante Aglaé Meuron gardait la maison des Landry à Ajaccio ; désormais, elle accueillait Timothée et ses enfants pendant les congés. Quant au domaine de Valle a legnu en Balagne, Timothée le confiait en gérance à la famille Paolini et, à distance, en dirigeait soigneusement l’exploitation. –

Fidèle à la tradition de mobilité aussi bien qu’à l’attache insulaire familiale, Adolphe Landry a su valoriser cette dernière tout en restant un Parisien, grâce à une multi-localité parfaitement contrô­lée Sa réussite en Corse montre que c’est para­doxalement parce que les Landry ont su s’ouvrir à l’horizon national et en particulier parisien, qu’ils ont réussi à faire partie de l’élite insulaire. Tout se passe comme si, en effet, les stratégies familiales d’intégration avaient nécessité l’émigra­tion : après un enracinement, il avait fallu ce qui pouvait apparaître comme un déracinement pour aboutir, en fin de compte, à un enracinement plus sûr, incontestable.

Par-delà le destin exceptionnel d’un individu, la vie d’Adolphe Landry correspond à un moment caractérisé de l’histoire familiale lors duquel une ascension notoire a été possible. Rupture et accélé­ration : la génération d’Adolphe est à la fois celle du déracinement et celle de l’accès à la grande bourgeoisie. Les enfants de Timothée ont tous fait des études supérieures à Paris et les trois sœurs d’Adolphe y ont réussi de grands mariages : Marie (1877-1968), docteur en médecine, première femme interne des hôpitaux de Paris et première femme encore chef de clinique épouse Edouard Long, professeur de neurologie à l’université de Genève; Lasthénie (1879-1962) docteur en méde­cine, elle aussi, Présidente de l’Association des Femmes Médecins, épouse le beau-frère d’Adol­phe; Marguerite (1877-1972),-enfin, épouse un- maître des requêtes au Conseil d’Etat. Le capital culturel familial enregistre une croissance signifi­cative concrétisée par des diplômes universitaires dont la possession est particulièrement intéres­sante chez les filles. Il faut y voir certainement l’influence de l’idéologie paternelle, laïque et ré­publicaine.

Pendant cette génération, l’ascension sociale bourgeoise s’effectue en rapport à un décroche­ment de l’attache insulaire : le réseau d’apparte­nance familial se diversifie; tandis que la Corse reste présente, Paris s’affirme comme lieu domi­nant dans la géographie familiale et la référence suisse réapparaît (chez les Long). Elargir les limi­tes géographiques du réseau familial, choisir des lieux géographiques en fonction de leur intérêt stratégique (dans le cas, par exemple, d’une al­liance internationale, pour Marie Landry) et savoir en faire, à travers les récurrences de la localisation, des lieux identitaires, c’est avoir conscience de la dimension sociale des lieux comme autant de moyens d’atteindre ou de conserver un rang social. Voilà bien un travail de multi-localité dans lequel les Landry sont passés maîtres. L’itinéraire spatial de la famille montre du reste combien la bourgeoi­sie moderne est multi-localisée tandis que la nota­bilité traditionnelle, rivée à la terre, présente une remarquable fixité.

Le capital accumulé jusque-là a pu être multi­plié et ceci, grâce à deux facteurs : la localisation parisienne et les stratégies scolaires. A cette ascen­sion sociale n’est pas étrangère une gestion habile de l’héritage familial. Adolphe Landry a su, en effet, reprendre à son compte une double tradi­tion : il a continué celle des Landry bourgeois- fonctionnaires, urbaine, qui est une tradition de mobilité et il a récupéré avec profit l’héritage Buonaccorsi de l’enracinement séculaire et de la notabilité traditionnelle et propriétaire. Cette double tradition, associée à un aspect très mo­derne du personnage, spécialiste et pas seulement humaniste, intéressé par des disciplines nouvelles —et encore embryonnaires comme Ja statistique, initiateur en matière de législation socialels, donne un curieux mélange. Assez fascinante, en effet, est la dualité de cet homme, savant-professeur, grand bourgeois parisien et chef de clan corse, tout à la fois très moderne et curieusement archaïque.

De l’archaïsme des clans corses, il faut toutefois se méfier et le clan Landry est justement un exemple de clan politique assez éloigné des clans politiques traditionnels. Pour cette raison, d’ail­leurs, il porte en lui les contradictions et l’ambi­guïté des héritages de son chef. Le clan Landry, avec à sa tête un bon représentant de la « Républi­que des professeurs » qui devait avant tout sa fortune politique à son mérite personnel, dévelop­pant un discours progressiste et émancipateur à l’encontre des clientèles et des servitudes électora­les, qui refusait à son endroit l’appellation de « clan » en se voulant un vrai parti politique, était bien différent des clans traditionnels constitués en dynasties familiales et reposant sur une tradition de fidélité transmise de père en fils. Ceux-ci, en outre, lui reprochaient de ne pas correspondre à la tradition insulaire, d’être trop moderne, trop parisien, voire même trop suisse, en tout cas pas assez corse. Hybride, c’est bien ainsi qu’était le clan Landry, clan moderne qui gardait cependant des aspects traditionnels (l’attache territoriale du côté des Buonaccorsi). C’était, de toute façon, un clan d’un type nouveau en Corse, peut-être, un clan « bourgeois » (Demartini, 1988).

L’affirmation bourgeoise : représentations et discours familiaux

Nous ne pouvons nous arrêter en détail sur les générations qui succèdent à celle d’Adolphe. Nous évoquerons juste quelques noms : César Campin- chi (1882-1941), gendre d’Adolphe et grande figure de son clan, député radical et ministre de la Marine (juin 1937-janv. 1938, avril 1938-juin 1940); Jean Bernard (1907-), l’illustre professeur de médecine, gendre de Marguerite Landry; Oli­vier Long (1915-), ministre plénipotentiaire de Suisse, directeur général du G.A.T.T; Jacques Sauvageot (1923-), directeur administratif du jour­nal Le Monde. Sur fond de permanence des statuts sociaux, se vérifient des constantes : la ville, la mobilité, la multi-localité.

A partir d’une identification primitive à un lieu, le réseau d’appartenance familial s’est complexifié au cours des générations; sa diversification n’a pas signifié éclatement, mais plutôt apparition de pôles clef de la localisation : la Corse, jamais perdue de vue, Paris, espace de la réussite sociale, la Suisse qui revient en force à la quatrième et à la cinquième génération. Jamais une-localisation n’a été exclusive, de sorte qu’il y a toujours eu bi, voire tri-localité. Parmi ces lieux, en tout cas, pas de place pour la localisation rurale autrement que partagée ou annexe. Cette évolution dans le même, malgré des récupérations d’héritages différents et des sauts qualitatifs, a induit une claire conscience que les Landry ont d’eux-mêmes conscience de leur identité sociale, de leur stabilité dans le temps long des générations, prise de conscience de la constitution d’un lignage bourgeois.

Au cœur de la conscience et des représentations que la famille Landry a d’elle-même est la certi­tude d’avoir une histoire. La présence d’archives familiales en est un bon indice. Les Landry ont en effet conservé des documents dont la qualité et la variété sont remarquables. S’il n’y a pas eu cen­tralisation des papiers familiaux, leur dispersion entre les filles de Timothée, qui, à leur mort, les ont transmis à leurs descendants comme une part de l’héritage, témoigne d’un souci partagé du docu­ment familial. Le gros de ces archives est conservé par Amy Bernard (1905-) qui a hérité de sa mère, Marguerite Pichon-Landry, la plus grande partie des documents familiaux, et Létizia Landry (1900-), fille cadette du ministre .C’est à ses docu­ments que nous avons eu pour notre part accès. Ils sont classés et recouvrent des domaines aussi variés que la généalogie, les affaires économiques (livres de comptes, partages successoraux, titres de propriété, etc.), les documents concernant les car­rières (diplômes, décorations, etc.), la correspondance privée, les photographies. Ces archives font partie du patrimoine familial en même temps qu’elles le figurent de façon symbolique. Traces tangibles de l’histoire des Landry, elles sont le support d’une mémoire. D’après Létizia, les Lan­dry ont toujours gardé les documents les concer­nant.

La place des documents généalogiques, dans ces archives, mérite d’être soulignée. Les Landry ont eu le souci d’établir leur généalogie : ils ont engagé un archiviste de Neuchâtel pour faire des recher­ches sur les Landry de Suisse, afin d’établir en particulier leur parenté avec les Meuron, et se sont chargés eux-mêmes de la partie corse; Adolphe collaborait d’ailleurs avec un érudit corse, Léon Maestrati, qui faisait paraître dans la presse locale des articles sur les grandes familles de l’île, à une généalogie de sa famille. L’arbre généalogique que les Landry possèdent, c’est vraisemblablement à lui qu’ils le doivent. L’arbre généalogique est une de ces formes de représentation de soi que l’on invente lorsqu’on prend conscience de ce que l’on est : il est significatif de constater que le souci généalogique des Landry date de l’entre-deux- guerres. En effet, pour la génération de l’ascension bourgeoise, qui veut être sûre de ses origines autant que de son pouvoir social, la généalogie est un mode d’affirmation qui correspond à un souci de légitimation.        ‘ _ –

Autre forme de représentation de soi, le récit. Une arrière-petite-fille de Timothée, Jacqueline Sauvageot a voulu écrire l’histoire de ses ancêtres : voilà, édité chez Grasset, Une Vigne sur la mer. Deux siècles en Corse, réflexion d’un descendant sur un parcours familial, regard sur une réussite sociale. Consigner son histoire est une façon de montrer qui l’on est et ce que l’on vaut, et c’est instructif sur l’idée que se fait d’elle-même cette famille bourgeoise. Du reste, l’intérêt de ce livre réside autant dans les renseignements historiques qu’il apporte — Jacqueline Sauvageot a utilisé certaines archives familiales — dans le discours familial qu’il restitue au travers d’une mythologie qui prend forcément ses distances avec la rigueur scientifique. Portraits dans un style littéraire des personnages-phares dans le souvenir familial : Joseph Marie Buonaccorsi, prêtre défroqué, dont la conduite est à l’origine d’une douloureuse malédiction pesant sur sa descendance; cette ar­rière-grand-mère folle; l’ancêtre débauché, intime du prince Pierre Bonaparte; l’émule de Rousseau, fondateur de la lignée en Corse. Ecrire son his­toire, c’est en faire une histoire : le livre devient roman familial.

Archives, généalogie, histoire romancée de origines affirment la présence d’un destin familial confortée par le sentiment d’appartenance à un lignage hors du commun puisqu’il a eu son hérc en la personne d’Adolphe Landry. A travers lui, le destin familial a pu rencontrer le destin national; et cette rencontre est au fondement de 1a conscience que la famille a d’elle-même. Létizia Landry, d’ailleurs, envisage de léguer ses archives a à la Bibliothèque nationale.

Mais quelle est exactement l’histoire dont 1es Landry veulent se prévaloir ? Ils ont souhaité, c’est sûr, se replacer dans une histoire essentiellement bourgeoise : leur ancêtre, comme ils l’écrivent c’est ce jeune Suisse épris d’idées rousseauiste venu « féconder de vertus philosophiques et bourgeoises la générosité un peu folle de ces seigneurs de la terre (les Buonaccorsi) » (Raffali et Sauvageot 1980). Du reste, si le livre de Jacqueline Sauvageot a un héros, il n’est pas celui qu’on attendrait : il n’est pas question d’Adolphe, ce fils prodige, même de Timothée son père, ce bourgeois Troisième République presque caricatural. Voilà clairement une façon de projeter en pleine lumière l’identité bourgeoise de la famille. Pour se replacer dans une lignée incontestablement bourgeoise, il fallait épurer l’histoire familiale, la purger de ses scorie. Le statut ambigu d’Adolphe Landry dans la mémoire familiale est significatif des tris opérés dans le passé par la famille Landry qui a choisi ses héritages. Avec Adolphe Landry, la famille a eu son héros et Létizia Landry garde avec fierté les documents relatifs à son père : textes manuscrits de ses ouvrages, cours, discours, projets de loi, con pondance, coupures de presse. Mais une dimension de l’homme a manifestement été tenue à l’écart.

Lorsque nous avons rencontré Létizia Landry  pour notre recherche sur son père (Demartini), celle-ci ne nous a pas caché le plaisir que lui procurait notre démarche – travailler sur lui –  mais elle a émis de multiples réticences quant  à notre projet de recherche — travailler précisément sur le clan Landry — nous suggérant, sur le ton du conseil bienveillant, de nous intéresser plutôt à œuvre scientifique. La crainte qu’on puisse noircir l’image du grand homme, « ravalé » au rang à l’évidence peu flatteur selon elle, de chef de clan, explique la résistance à notre entreprise qui ne se voulait pas apologétique mais encore moins dépréciative. Implicitement, c’était considère la politique comme « l’envers du décor », le côté plus ou moins inavouable du grand intellectuel. Létizia Landry nous a d’ailleurs déclaré « moi, la politique, ça ne m’intéresse pas », ce qui montre bien l’ampleur du rejet au sein de la famille. De fait, les archives de Létizia Landry, du moins ce qu’elle nous en a laissé consulter, étaient fort pauvres sur l’activité politique de son père en Corse. « Mais Landry n’était pas un chef de clan ! » se sont exclamées certaines voix indignées qui voyaient une insulte dans une qualification que les archives régionales et les témoignages ne peuvent que confirmer. Pour eux, Adolphe Landry est le nor­malien, ministre et démographe.

De lui, en somme, la famille Landry n’a voulu retenir qu’un visage, celui qui flatte au mieux l’image que souhaite donner d’elle-même cette famille de la grande bourgeoisie parisienne. Dis­crètement, elle a écarté la couleur locale, préférant mettre en avant le côté parisien et acculturé de son histoire. Les manipulations électorales, le clienté­lisme, tout ceci était bien trop péjoratif, trop archaïque, trop corse. Il faut ici faire la part d’un problème de génération : ces réticences émanent d’une génération trop attachée au culte du héros familial pour le voir « souiller », la génération qui suit immédiatement celle d’Adolphe, .qui s’est enracinée à—Paris et y a fait fortune; les petit- neveux d’Adolphe Landry n’avaient pas tous ces scrupules vu la distance qu’ils ont su prendre vis-à-vis du grand personnage. Il est vrai qu’il faut souvent se méfier des prises de distance et l’aver­tissement de Jacqueline Sauvageot, au début de son -ouvrage, « ce livre ne sera pas celui des urnes, mais celui des tonneaux et traitera plus d’agriculture que de politique » est symptomatique : l’exploita­tion de Valle a legnu, la-carrière de Timothée et les développements généalogiques laissent peu de place à l’évocation des campagnes électorales du chef de clan.

Ainsi cette famille bourgeoise avait-elle conscience d’avoir un passé; pour qu’il devienne une histoire, il fallait qu’il soit relu : l’histoire familiale est toujours celle que l’on a choisie d’avoir. Pour donner de soi l’image qu’on veut avoir de soi, le discours « pour autrui », en l’occurrence pour l’enquêteur, doit être vigilant : le tri s’impose pour qui campe un destin familial sans ambiguïtés, qui cherche à éviter les risques de « malentendus » auxquels la réception des infor­mations peut toujours donner lieu.

Au fond, ce qui est en jeu à travers ces « ma­nœuvres du discours », c’est le rapport des Landry à la Corse. Ecrire son histoire, la corriger, c’est être sûr de soi, mais c’est aussi le signe d’une inquié­tude. Les choix opérés dans l’héritage, les réac­tions effarouchées auxquelles nous avons fait allusion traduisent à leur manière la sûreté d’une appartenance sociale mais le sentiment d’une appartenance culturelle ambiguë. Pour les Landry, la Corse est un espace ambivalent : elle est le point de_ départ d’une histoire française, la base de l’ascension bourgeoise, l’espace local de la recon­naissance sociale, c’est à partir d’elle qu’Adolphe devint l’homme qu’il fut. Mais la Corse, c’est aussi ce dont on se garde de se vanter : c’est le lieu des luttes politiques sans merci qui ne dédaignent pas les insultes et qui sont nourries de scandales, c’est l’atavisme qui peut jouer de mauvais tours à une descendance supportant le poids des unions consanguines, ou, en d’autres termes, la malédic­tion pesant sur la race du prêtre défroqué; c’est bien sûr ce pays pauvre qu’on juge facilement arriéré, peu civilisé (un repaire de bandits…).

Les racines ont leurs inconvénients, c’est pour­quoi l’on veut toujours à un moment donné s’en débarrasser. Les Landry n’ont pu l’éviter lorsque l’émigration leur a ouvert d’autres perspectives et qu’ils sont devenus des parisiens bon teint qui mettent un point d’honneur à prononcer les noms de leur famille à la française l6. La question du rapport à la Corse est, dans le discours familial, banalisée : elle est réduite à la nostalgie classique du parisien pour sa province_”. L’héritage insulaire n’est revendiqué que dans la mesure où il est vidé de sa spécificité : la Corse « décorsisée » devient pures et simples racines. Elle en présente les avantages (la maison de campagne — la petite-fille de Létizia Landry s’en est fait construire, une dans ses propriétés de Balagne) sans en imposer l’en­combrante réalité. A terme, c’est « la perte de l’identité corse » que constate Jacqueline Sauva­geot dans son livre. Celle-ci, en 1981, viendra enseigner à l’Université de Corte puis se retirera sur ses terres de Valle a legnu, à la retraite, suivie par sa sœur et son frère, Lilla et Jacques. Les thèmes de la « quête des racines » et du « retour au pays » trouveront ainsi un écho chez ces bourgeois de gauche, sensibles à la recherche de « l’identité corse » mise à l’honneur par les mou­vements régionalistes des années 70. Une Vigne sur la mer traduit tout à la fois le désir de se rattacher à une culture insulaire et l’inquiétude portant sur une identité culturelle, fondée sur une double, voire triple, appartenance locale. Suisses, Corses ou Parisiens ? S’il fallait choisir, les Landry se­raient plutôt parisiens, car Paris est pour eux le lieu de l’affirmation bourgeoise, celui qui corres­pond le mieux à leur statut social et à la conscience qu’ils en ont.

C’est sur un homme que nous nous sommes arrêtés. Nous l’avons repéré, reconnu, nous avons dit qu’il était un bourgeois. A partir de là, des questions simples se sont formulées : bourgeois, mais où, quand, comment, pourquoi ? Voilà qui désignait comme objet à notre réflexion un « processus de fabrication » qui ne concernait plus seulement notre homme, Adolphe Landry, mais toute sa famille, ses ancêtres-surtout, ses descen­dants aussi. Adolphe Landry a été, si l’on peut dire, une méthode : il nous a fourni un angle sous lequel aborder une famille, mais surtout à travers elle, une classe sociale qui n’a pas fini de fasciner, la classe bourgeoise. Ce que nous avons voulu éclairer, c’est un lent travail, étiré sur le temps long des générations, tendu vers un but toujours en train de se réaliser mais toujours aussi à l’horizon de l’effort familial, un travail d’élaboration, de construction, de consolidation, de gestion de l’état bourgeois par un groupe d’individus, véritables artisans de leur état. Nous n’avons pas prétendu retracer l’histoire d’une famille des origines jus­qu’à nos jours : la question de l’origine est tou­jours mythique et pour nous, les « Landry des origines » sont ceux pour lesquels des sources existent qui parlent et nous permettent de parler d’eux; ils sont dans l’histoire de l’historien, non dans l’histoire formulée en discours sur les origi­nes dont nous avons parlé, et pour cause, dans l’ordre du roman familial. Les Landry d’aujour­d’hui, nous les avons également évoqués sur le mode de la symbolique et du discours familial : comment, descendants, ils jugeaient et disaient leur histoire.

Notre objet, dans ces quelques pages, se situe entré le jadis et l’aujourd’hui, dans une histoire qui a déjà débuté mais qui n’.a pas touché à sa fin, c’est le corps même de cette histoire. Nous avons prioritairement dirigé notre réflexion en amont d’Adolphe Landry parce que c’est dans une phase d’ascension sociale que le « processus de fabrica­tion » est le plus intéressant : il s’agit de gérer des héritages mais, de façon plus évidente encore, d’acquérir des positions jusqu’à l’accès à un statut maximum, sommet de l’évolution bourgeoise. En- aval de la génération d’Adolphe Landry, le pro­blème est avant tout de ne rien perdre du capital accumulé, de conserver son rang, de tenir son rôle. L’histoire des Landry n’est pas seulement une histoire transparente à l’historien : il en existe déjà une lecture, née du regard que les acteurs sociaux ont porté sur leur propre histoire, le point de vue réflexif d’un groupe conscient de lui-même. Pas d’histoire brute en somme, mais déjà une histoire construite en destin familial qui en dit long sur le degré de conscience que les bourgeois ont de leur être et de leur rôle.

L’historien qui cherche à déceler des ruptures et des permanences dans une évolution sociale est forcé de constater, à travers l’histoire des Landry, des permanences remarquables dans le cadre desquelles ce qui peut apparaître de prime abord comme des ruptures s’intègre fort bien au cours d’une évolution continue. Le phénomène urbain est l’une des grandes permanences de cette histoire dans laquelle on retrouve les fameux burgenses. Mais si la ville permet de repérer commodément le bourgeois, reste que la bourgeoisie n’est p: homogène et que le tribut qu’elle doit au monde rural ne peut être sous-estimé. Aussi voit-on apparaître des héritages qui empruntent peu au monde urbain : la tradition des Buonaccorsi, l’une des composantes du groupe familial, annexée par les Landry est celle d’une notabilité qui puise dans culture rurale ses instruments de pouvoir, si signes de respectabilité, ses valeurs. Ni paysans, ni aristocrates, ni bourgeois conquérants, nous avons qualifié les Buonaccorsi de notables, traditionnelle expression qui, selon nous, leur est le mieux appropriée; sans doute à leur manière représentent -ils eux aussi un type de bourgeois, mais nous avons préféré éviter ce terme à leur endroit, car la définition de la bourgeoisie en milieu rural reste une tâche malaisée.

De toute évidence, ces alliances entre des familles de la bourgeoisie montante et celles des notables traditionnels, motivées pour les uns par un désir de récupérer l’héritage symbolique d’une forme de pouvoir social qui a fait ses preuves, pour les autres par la nécessité de s’allier au groupe social dynamique et dominant pour conserver le niveau social, montrent ce que la formation de classe bourgeoise doit au monde rural. La spécificité insulaire, dans le cas des Landry, accentue ce fait. La Corse est une région pauvre, essentiellement rurale, où les structures sociales traditionnelles résistent de façon remarquable. La parentèle y est l’élément de structuration par excellence des rapports sociaux : la notion .d’individu a peu sens dans cette société où l’homme, membre d’un sangue, est déterminé par sa naissance, c’est-à-dire par son appartenance familiale. Dans ce contexte la bourgeoisie corse est marquée au double sceau de la naissance, à la manière de l’aristocratie (même si ce n’est pas au même sens) et de la terre à la manière de la paysannerie. Flagrant pour sgiò à la Buonaccorsi, « seigneurs-propriétaires », valable pour les bourgeois modernes à la Lan qui ont su jouer le jeu de la notabilité traditionelle pour s’imposer socialement dans l’île.

Mais la ville a son revers : avec elle pas racines, d’où le désir d’enracinement des Lam Pour ces immigrés suisses, la Corse a été le lieu l’enracinement, mais, en Corse même, Ajaccio garantissait pas un enracinement suffisant, ce qui explique le redéploiement vers Calenzana : une véritable recherche en abîme des racines. Cette stratégie d’enracinement prend place plus généra­lement dans une stratégie d’intégration. De l’étranger (la Suisse) au périphérique (la Corse), jusqu’au centre du pays, sa capitale (Paris), les Landry, d’étrangers, sont devenus des bourgeois provinciaux avant de devenir et pour devenir des bourgeois de dimension nationale. Le choix, à un moment donné, d’une attache rurale n’est pas à comprendre dans le sens d’une rupture avec la tradition urbaine de même que les ruptures dans la localisation familiale prennent sens dans une stratégie globale, consciente, d’intégration à l’en­semble national qui traverse toute l’histoire des Landry.

Cette stratégie explique le visage « décorsisé » des Landry d’aujourd’hui. Si Adolphe Landry a su concilier son attachement indéfectible à la petite patrie et sa dimension nationale, à tel point qu’on ne peut encore dire ce qui prévaut chez lui de l’un ou de l’autre — c’est l’intérêt du personnage, à la fois très corse et très parisien —, les générations suivantes ont fait délibérément le choix du- natio­nal. Peut-on encore parler à leur propos de bour­geois corses LIls sont plutôt des bourgeois pari­siens d’origine corse. La stratégie d’intégration a nécessité l’affirmation de l’identité insulaire puis sa négation, enfin sa reformulation dans un dis­cours de la province perdue. Sans doute, l’évolu­tion des Landry n’est-elle pas exceptionnelle et beaucoup de Corses ont-ils dû payer leur ascen­sion sociale de la perte de l’identité locale : l’émigration, et tout ce qu’elle implique d’accultu­ration, a été pour tous, à un moment ou à un autre, la voie obligée d’accès à la bourgeoisie. Voilà qui ouvre, en tout cas, une interrogation sur la bour­geoisie corse qui mériterait d’être étudiée dans le cadre d’une réflexion sur la bourgeoisie provin­ciale et les élites locales.

Cette stratégie d’intégration à l’ensemble natio­nal met en évidence une notion-clef de l’histoire des Landry, celle de mobilité, qui, sur le long terme, apparaît comme une autre permanence de ce parcours familial. Nous l’avons dit, celui-ci comporte trois paramètres, le temps, le lieu, le statut social. En les croisant, trois corrélations essentielles apparaissent : temps-lieu, nous avons la mobilité spatiale; temps-statut social, la mobi­lité sociale; reste statut social-lieu, équation fon­damentale, au cœur de la mobilité familiale : mobilité spatiale et mobilité sociale sont liées l’une à l’autre. Dans un parcours social, les lieux s’éva­luent en termes d’atouts ou de handicaps, chacun est apprécié en fonction des opportunités qu’il offre à l’obtention ou à la conservation d’un certain rang social, à chacun est associé un capital spécifique. Par exemple, les Landry ne pouvaient être grands bourgeois qu’à Paris. Aussi le bour­geois trouve-t-il dans la maîtrise de la multi-loca- lité un enjeu capital.

Défini par sa mobilité, le propre du bourgeois est peut-être de ne cesser de devenir bourgeois. Pour lui, l’état de bourgeoisie n’est jamais acquis. Parce qu’il a conquis son rang par son mérite tandis que l’aristocratie le doit à sa naissance, il doit toujours le prouver et le justifier. L’histoire des Landry est ainsi l’histoire de comment une famille est devenue bourgeoise en même temps que l’histoire d’une famille de bourgeois : c’est à la fois sur un procès et sur un état qu’il nous a fallu réfléchir. Au début de leur histoire, on ne peut pas dire qu’ils sont des bourgeois, mais,-parvenus au terme du processus d’ascension sociale et de fabri­cation bourgeoise, on peut dire qu’ils l’étaient déjà. Chez le bourgeois, le « devenir » se confond avec l’« être » plutôt qu’il n’est précédé par lui.

Anne-Emmanuelle Demartini

Notes                      _

  1. La généalogie de la famille Landry que nous reproduisons en annexe a été établie par F. Demartini. Nous tenons ici à rendre hommage à ses recherches généalo­giques (un millier de familles corses) qui offrent, par-delà l’horizon insulaire, une source formidable à l’histoire sociale.   note du  Trait d’U nion : nous n’avons pas reproduit cette généalogie (c’eût été trop complexe !) : vous la trouverez sur notre site « alfredandco.fr » abrité par MyHeritage
  2. Lettre d’origine en faveur de Fran­çois-Henri Landry, octroyée par le comté de Neuchâtel. 9 Dec. 1764.
  3. Marguerite Landry épouse Jean-Augus­tin Meuron en 1817. Timothée Landry épouse Augustine Meuron en 1869.
  4. Le mariage de Timothée Landry avec Augustine Meuron, Buonaccorsi par sa mère, lie les Landry aux Buonaccorsi, aux­quels ils étaient déjà alliés par l’intermé­diaire des Meuron.
  5. Sous la Monarchie de Juillet, le cens d’éligibilité était de 500f, celui de l’électorat de 200f. Mais la loi du 19 avril 1831 permet­tait, lorsqu’il n’y avait pas dans un départe­ment assez d’électeurs de plein exercice censitaire pour arriver au chiffre de 150 pour l’électorat simple, de 50 pour l’éligibi­lité — c’était le cas de la Corse — de descen­dre dans les deux cas au-dessous de 200f de contributions. En Corse, le cens d’éligibilité fut ramené au-dessous de 300f, le cens d’électorat au-dessous de 100 f. Cf. L. Maes- trati, « Le Régime censitaire en Corse », Corse historique. 15, 1964, 47-62.
  6. Registres paroissiaux et état civil de Calenzana.
  7. « Elles ont voulu affecter à l’acquit des dépenses qu’elles peuvent m‘occasionner leurs parts des dits revenus de Balagne. les­quels aussi par suite du régime dotal adopté dans mon contrat de mariage m’appartien­nent donc en entier «écrit Timothée Landry dans le livre de raison qu’il ouvre le jour de son mariage. Cf. B. Raffalli et J. Sauvageot,
  8. Jean-Paul Meuron (1768-1838), fils de Samuel Meuron, administrateur dans l’ar­mée de Napoléon Ier, nommé par lui consul de France à Ancône, est un ami personnel de l’Empereur. Angèle-Marie Meuron, sa sœur, épouse en 1791 un cousin germain de Létizia Buonaparte, née Ramolino, mère de l’Empereur.
  9. L’éducation de mes fils est le plus im­portant de mes devoirs de père de famille» écrivait Timothée dans une lettre datée de 1886
  10. Il s’agit d’Olinto Buonaccorsi (1825-1887).
  11. En particulier L’Intérêt du capital (1904); Principes de morale rationnelle (1905); Manuel d’économique (1908); La Révolution démographique (1934). Adolphe Landry a collaboré à de nombreuses revues : Revue socialiste. Revue de méta­physique, Revue d’économie politique. Revue d’histoire des doctrines économiques et socia­les, Revue Scientia.
  12. Adolphe Landry a été président de la Société de statistique de Paris. Il a développé une grande activité internationale, notam­ment à l’institut international de statistique et à l’Union internationale pour l’étude scientifique des problèmes de la population. Cf. Alfred Sauvy, « Adolphe Landry », Po­pulation,-déc. 1956, 4 : 601-602. Alfred Sauvy a été l’élève de Landry. Landry a été président d’honneur de l’INED, de la création de l’institut jusqu’à sa mort en 1956.
  13.  « Calenzana qui s’honore d’avoir été le berceau de la fortune politique de M. Adolphe Landry, tient à rester et restera la forteresse inexpugnable du landrysme», écrit le Petit Bastiais, organe du clan Lan­dry, du 8 avril 1932.
  14. Cf. A.E. Demartini « Multi-Iocalité et notabilité politique : le cas Landry », Mobi­lité et appartenances locales. Laboratoire de Sciences sociales, à paraître aux Presses de l’ENS.
  15. Toutes les lois d’assurances sociales de l’entre-deux-guerres lui doivent beaucoup : loi de 1913 sur l’assistance aux familles nombreuses, loi de 1917 sur les indemnités familiales aux fonctionnaires civils, etc.. Son action au ministère du Travail (1931-1932) permit la mise en place de la ‘grande loi sur les Assurances sociales de 1932. Landry fut aussi à l’origine du Code de la famille de 1939.
  16. Nous avons eu « le malheur » de pro­noncer « Campinchi » à la corse et l’on nous a fait comprendre que nous nous trompions.
  17. « Nous des parisiens aussi nostalgiques de leur province que tous les autres» (c’est nous qui soulignons).

autre note du Trait d’Union : nous n’avons pas reproduit les photos qui illustraient l’article : vous les trouverez par ailleurs sur le présent site

 I Références bibliographiques

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1905, Principes de morale rationnelle. Paris, éd.
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cet article a été publié dans la revue Ethnologie française, nouvelle série, T. 20, n° 1 – janvier-mars 1990 – Presses Universitaires de France