le français

sommaire :
– à propos de « petit »
– le « français langue étrangère » (FLE) 
– un tout petit peu de linguistique comparée – nos ancètres BONACORSI

à propos de « petit » – par Elisa Chappey – extrait du Trait d’Union n° 24 

Mon beau-frère, Claude Chappey, a l’habitude de sursauter lorsqu’il entend l’adjectif « petit », rétorquant que, je le cite, « chez les Chappey, il n’y a rien de petit… »

Et pourtant…

Savez-vous qu’il s’agit là, de l’adjectif le plus utilisé en français ? Et qu’il a, du fait de son omniprésence, d’innombrables emplois et connotations ?

Voici, pour le prouver, un « petit » exercice :

Je propose à mon beau- frère, un « petit » whisky. S’agit-il :

  • d’une petite quantité de whisky ?
  • d’un whisky de qualité moyenne ?
  • d’un verre de whisky proposé avec une intention affectueuse ?

Pour vous aider à trouver :

  • s’il s’agit du premier sens, il peut effectivement s’opposer à « grand », il aura donc le sens premier que nous trouvons dans le dictionnaire « inférieur à la moyenne ». Ici, l’on veut vraiment servir une petite quantité, à quelqu’un qui n’a pas trop le droit de boire, par exemple.
  • si vous pensez à la deuxième réponse, le mot « petit » est péjoratif, le contexte étant, par exemple : « Je n’ai que ce whisky (marque très moyenne), en veux-tu ? (quand même ?)
  • finalement, la troisième réponse, nous montre l’extraordinaire champ sémantique de ce mot : ici, le « petit » whisky est celui que l’on propose avec une grande gentillesse, c’est le verre complice que l’on boit ensemble dans des moments difficiles, c’est aussi le verre qui fait partie d’un rituel amical ou familial.

Nous constatons que le mot « petit », dans son sens premier, fait partie intégrante de quantité de mots. Ainsi par exemple, nous avons : petit-fils, petit-doigt, petit-four, petit-pois, petit-suisse, petit-déjeuner, petite-nièce etc, la liste est longue !

Le mot « petit » apparaît aussi dans un registre de langue populaire ou familier: petite dame, petite cliente, petite laine, petit coup de rouge, petite bouffe, petit dernier pour la route !…

C’est avec une connotation péjorative que nous l’observons dans de nombreuses expressions très courantes comme par exemple : petit vin, petit film, petit roman, petit boulot, petit esprit, petites affaires, petit fonctionnaire, petit mariage, petit monsieur, petit-bourgeois, etc… là aussi la liste est longue !

Il peut avoir, également, une valeur d’euphémisme, dans des expressions telles que : il a de petits problèmes de trésorerie (alors qu’il est au bord de la faillite) ; je vous ai fait un bon petit plat (elle a passé la journée à la cuisine) ; elle a son petit caractère (elle est insupportable !) pour arriver même à une stratégie commerciale : je vais vous montrer une belle petite robe (alors que vous faites du 46 I) ; j’aurais besoin d’une petite signature (à la banque, alors que vous venez de vous endetter pour la vie !) ; ou à une stratégie tout court : mon petit papa chéri, je peux avoir les dés de la voiture ?

Et que dire de « petit » ami ?

Il comporte très souvent une connotation « affectueuse », que l’on appelle hypocoristique en langage savant. Tout d’abord dans des appellations tendres: petite biche, petit cœur, petit chat, petit chou ; pour montrer une affection particulière : ma « petite » Elisa ; ma petite maman ; une attention compatissante : petite mine, petite situation, petite santé ; dans un souci de modestie : petit cadeau, petit dîner…etc, etc, cherchons encore !

« Petit » ami se placerait ici ?

Pour finir, je ne peux m’empêcher de vous livrer quelques phrases glanées ici et là et de vous demander d’en trouver la connotation :

  • ma coiffeuse, en plein mois d’août, téléphone à une collègue : Bonjour, j’ai une « petite » cliente (moi I) que je voudrais vous envoyer…(il s’agit, certes, de langage familier, mais qu’y a-t-il derrière « petite » ?)
  • rappelez-moi encore une « petite » fois…
  • attendez encore cinq « petites » minutes…
  • merci de remplir ce « petit » formulaire…

D’ailleurs, le « grand » Raymond Devos l’a bien compris, lui qui nous fait réfléchir sur les phrases suivantes :

Je serai là :

  • dans une petite heure
  • dans une bonne heure
  • dans une bonne petite heure

Alors ? Si T=10 heures, il arrive à quelle heure notre héros ?

La langue française est très riche et le mot « petit » a un « grand » avenir devant lui !

 

Pour les réponses aux « petits » exercices : echappey@gmail.com

 

le « français langue étrangère » (FLE) par Zélie ALCHAMI :

Pendant plusieurs années, j’ai regardé ma mère traduire les demandes d’asile des syriens qui arrivaient jusqu’en France. Des centaines de récits, tous plus tristes les uns que les autres. Des gens venus chercher l’espoir d’une nouvelle vie mais qui portent un poids de malheurs immense. J’ai vu ma mère porter ce poids : en sauvant (oui elle en a sauvé bon nombre !) ces gens elle a pris de plein fouet leurs histoires qui sont devenues un peu la sienne.

Je voulais aider aussi, pourtant je craignais d’être grignotée également par la dure réalité de la condition des migrants -comme on les appelle- en France. Héritage de famille sans doute, j’ai choisi l’enseignement. Suivant une amie, je me suis inscrite en mai 2018 au BAAM, le Bureau d’Accueil et d’Accompagnement des Migrants, association à but non lucratif active depuis quelques années à Paris. Avec mon petit bagage de formation à l’enseignement du « français langue étrangère » (Fle),  j’ai commencé à donner entre 2 et 5 cours par semaine, de deux heures chacun. Ce fut une révélation.

Une bonne ambiance de classe, une convivialité, un appétit de comprendre se sont vite installés. Les cours organisés par le BAAM sont un peu particuliers : aucune inscription, aucune contrainte, les élèves débarquent à tout moment de l’année et peuvent disparaître aussi vite. Certains viennent à tous les cours sans exception et sont toujours là un an après. Chaque classe est un mélange sans cesse renouvelé d’origines, d’âges, de niveau d’éducation, de conditions sociales différentes.

Dans ma relation aux « élèves », de 16 à 60 ans, je suis leur professeur. Je leur transmets une langue et une culture que j’aime et dans lesquelles j’aimerais qu’ils soient accueillis. Face à moi, des sans-papiers, des réfugiés statutaires, des personnes en attente de réponse parfois pendant très longtemps. Certains ont traversé plusieurs pays et plusieurs mers et d’autres sont venus en avion avec un visa. Ceux qui ont vécu l’horreur côtoient les étudiants venus passer quelque temps ici. Pour la plupart je ne connais rien de leur histoire, tout juste leur pays d’origine. Notre rapport n’est pas celui des préfectures, des formulaires, des attentes de RSA, de CMU et des problèmes d’hébergement. Je ne suis pas là pour leur trouver des papiers ou un travail, et je crois qu’eux comme moi apprécions ces moments de répit dans le tourbillon de leurs vies parfois si difficiles.

Bien sûr, au fil du temps on apprend à se connaître, à s’apprécier. On forme maintenant une vraie petite classe où nous accueillons les nouveaux avec entrain. Je regarde avec joie et un certain attendrissement les maliens, tchadiens et congolais qui sont au cours depuis longtemps dialoguer (en français !) pleins de curiosité avec les mexicains, colombiens et brésiliens qui viennent d’arriver. Pour chacun, je fais régulièrement un CV, j’appelle la CAF, je trouve une chambre, j’apporte des livres. Une relation simple, amicale dans une salle de classe qui est un peu notre sanctuaire, notre « safe place ».

Au dernier cours, je leur ai lu le poème de Paul Eluard, « Liberté ». Ils ont adoré.

Elisa CHAPPEY, qui a eu connaissance de ce texte avant sa publication, en a fait le commentaire suivant :
Magnifique texte !!! Chère Zélie, je ne te connais pas, mais toutes mes félicitations pour la qualité du contenu et de l’écriture !!!
Ton texte me touche d’autant plus que moi aussi j’étais professeur de Fle, en Argentine, où j’ai longtemps vécu… 
A te lire je me suis dit que “ton” Fle était beaucoup plus utile que le mien, sans pour cela, bien entendu, dénigrer le Fle que j’ai pratiqué avec tous  types d’élèves  qui avaient en commun, et pour différentes raisons personnelles ou professionnelles, leur intérêt pour la langue et la culture françaises…
Mais le tien ouvre des portes, rassure, redonne une identité perdue en chemin, rappelle la dignité de chacun…
BRAVO!!!

Et voici la réponse de Zélie :
Elisa, tes compliments me touchent ! Merci. Contente de partager ça avec cette grande famille !

Nous serions très heureux de recevoir vos témoignages sur ce merveilleux sujet – et vos commentaires sur le texte de Zélie – et vos photos.

 

un tout petit peu de linguistique comparée – nos ancètres BONACORSI

Certains de nos ancètres se nommaient BUONACCORSI – mot qui semble manifestement venir de l’italien (encore que ce mot soit ici incongru : à l’époque, la langue de nos voisins – pas plus que leur nation – n’était unifiée) – le mot venait-il des Toscans (qui ont occupé notre belle île) ? ou bien des Génois (les derniers propriétaires) ? peu importe pour notre simple présente recherche ! 

Donc :      – buon = bon
                 – accorsi = forme archaïque de « soccorsi » = secours, aide
                 – ensemble = bon secours

Le nom est devenu BONACORSI, qui sonnait plus français : il a perdu deux lettres.

Pour illustrer : Joseph-Marie BUONACCORSI (1761-1843 – grandpère de Timothée LANDRY) s’appelait ainsi à sa naissance – puis BONACCORSI sur son cahier d’écolier à Lumio (près de Calvi) en 1773 – revenu à BUONACCORSI le 13 Frimaire an 6 (3 décembre 1797) selon un document officiel (rédigé en corse !) établi à BASTIA – puis BUONACORSI le 6 décembre 1813 selon un diplôme (en italien) de sociétaire de « la società italiana di scienze, lettere, ed arti »

– puis BONACORSI selon un jugement du Tribunal civil de Calvi du 31 janvier 1815 – puis BUONACORSI selon un jugement enregistré au Tribunal de Calvi le 8 juillet 1817 – puis BONACCORSI selon un testament olographe rédigé à Pise (en italien) le 8 novembre 1930.

 Il en va de même pour BUONAPARTE (mais oui, nous sommes parents : voyez dans le volet « archives » le Trait d’Union n° 16 page 18) – en prononçant « é » le e final (même si la dernière syllable est souvent un peu « avalée »: voyez ici l’article sur César CAMPINCHI- signifiant « bonne partie » ou « bon rôle », « bon parti » » – devenu BONAPARTE – en prononçant comme « e » muet le e final.