Eugène LANDRY
sommaire :
– la foi moderne
– la prédication aux pauvres
la foi moderne
à mon Père
Notre temps a besoin d’une foi.
Disons mieux, déjà il en possède une. Parler encore de l’anarchie de nos croyances, de l’incertitude du moment présent, c’est décourager les âmes et c’est parler faussement. Si profondes que paraissent nos divisions, il est un fond de doctrines, que chacun est libre d’appeler à son gré morales ou religieuses, laïques ou chrétiennes, qui est commun à l’élite de tous les partis. Il n’est que de le dégager. Il faut enfin formuler notre Credo et le manifester. Il y a des choses que je sais, que je crois, que je dois. Quelles sont-elles ?
Et d’abord, qu’est-ce que je sais ? – Je sais que j’ignore bien des vérités, plusieurs qui ne me sont pas directement utiles, plusieurs qui sont essentielles à connaître, celles qui nous resteront fermées à jamais et celles qui sont plus accessibles à d’autres que moi, certaines enfin que je dois apprendre au prix de longs efforts, car la vérité veut être conquise par une recherche patiente et libre, et veut être aimée d’un plus grand amour que le bonheur. Je sais que sur notre planète, perdu dans la foule des mondes,
L’esprit s’est engagé peu à peu (illisible !), que l’homme peu à peu dépouille la bestialité, que les sociétés policées, quelles que soient entre elles les différences de couleurs et de costumes, de langage et de génie, ont joué chacune et peuvent jouer encore leur rôle bienfaisant dans l’œuvre auguste de la civilisation. Je sais qu’il n’y a plus d’esclaves parmi elles, que s’il y subsiste pour longtemps encore des riches et des pauvres, des sains et des malades, des heureux et des malheureux, des bons et des méchants, des hommes d’esprit et des sots, ceux-là qui ont plus reçu sont aussi ceux-là qui ont la plus grande dette envers les autres, et que tous en ont une insolvable envers l’humanité. Je sais que notre siècle voit le triomphe irrésistible de la science et de la démocratie ; et, si sensibles que soient l’impuissance de l’une et l’égarement de l’autre, il est du moins nécessaire, je le sais, que comme l’aveugle et le paralytique de la fable, elles se prêtent secours l’une à l’autre ; il est bon, il est désirable pour tous que tous les hommes soient le plus . instruits et le plus libres, c’est-à-dire le plus hommes qu’il se pourra. Je sais bien que jamais la race humaine n’abolira entièrement l’erreur, la souffrance, et le mal et la mort, mais je sais aussi que le malheur et la faute sont aux âmes fortes ce qu’est la chute pour un coureur hardi : une leçon, une épreuve et un regain d’élan. Je sais par-dessus tout que je dois mourir, mais je sais aussi qu’en attendant je dois vivre, et que si j’ai bien rempli les heures gaies ou tristes qui m’ont été données, la mort peut venir, la mort me trouvera prêt à tout moment. Je sais, enfin, que même après mon départ, les conséquences de mes bonnes actions se perpétueront à travers les siècles, et que si mon nom peut disparaître de la mémoire des hommes, mon œuvre du moins ne périra point.
Voilà ce que je sais. Et maintenant qu’est-ce que je crois ? — Je crois que la lourde masse de la nature renferme un principe spirituel qui tout en se développant se refait lentement un corps. Je crois que l’homme, image, miroir et réflecteur de la nature, continuera d’y remplir l’office qui lui est dévolu, et saura, par une conscience toujours plus claire de son but et de ses moyens, régner en bon tyran sur les animaux, les plantes et les choses, comme sur ce qu’il y a en lui-même d’animal ou d’inanimé. Je crois que l’esprit de plus en plus primera la chair, et que nous devons, sans que la chair en pâtisse, réserver à l’esprit l’épargne de nos forces, parce que nos forces sont faibles et que la vie de l’esprit est le but de notre courte vie.
Je crois qu’il me faut, à tout instant, exercer de concert et fortifier sous mes doigts ces trois vertus inséparables : l’harmonie, la force et l’amour, qui sont les vertus primordiales de ma raison, de mon cœur et de ma volonté. Je crois qu’il me faut, pour la régler selon ce triple accord, prendre un soin jaloux de mon âme, tendue et vibrante comme un violon. Et je crois d’autre part que les hommes, divisés par la chair, sont unis dans l’esprit. Je crois qu’il n’y a point deux règles de conduite, l’une pour les particuliers, l’autre pour les sectes ou les nations ; que partout le droit doit se soumettre la force ; que l’amour éclairé doit l’emporter en tout lieu sur la colère démente et sur l’aveugle instinct. Je crois que les hommes et les œuvres d’égoïsme et de haine sont moins grands que les hommes et les œuvres de concorde et de dévouement. Et je crois encore que, à la façon d’un violon à la fois d’accord avec lui-même et avec tout l’orchestre, la conscience la plus personnelle est aussi celle qui vibre le plus à l’unisson de la conscience de l’univers.
C’est cela que je sais, c’est cela que je crois. Guidé par ce savoir, fort de cette croyance, je puis me demander à présent : Qu’est-ce que je dois ?
Je dois à mon semblable, isolé ou en groupe, en qui veille toujours, comme une étincelle sous la cendre, quelque possibilité de bonheur et d’amendement, un respect poussé jusqu’au dernier scrupule de sa vie, de ses biens, de son honneur, de sa personne et de ses opinions. Je lui dois toute cette vérité qui peut se concilier avec la bienveillance : je la lui dois même sur ses faiblesses, pour qu’il se corrige, même sur mes torts, pour qu’il m’aide à les réparer. Je dois me garder comme d’un crime de souiller aucune âme et de troubler aucune union, et je dois être jaloux de la pureté de mon âme propre – pour moi d’abord – et aussi, homme, pour ma femme de demain, d’hier ou d’aujourd’hui, femme, pour mon mari. Indulgent à autrui et sévère à moi-même, je dois garder l’inquiétude constante de faire le bien, advienne que pourra, et d’empêcher les autres de mal faire, en leur faisant le moins de mal possible, puisque, par la faute de notre imperfection, sans mal nous ne pouvons faire le bien. Ce n’est pas assez. Je dois le secours de mon argent, de mon expérience, de mon affection, à ma famille, en premier lieu, puis aux amis de ma jeunesse, puis à mes voisins et compatriotes, puis à tous mes frères et sœurs humains d’où qu’ils viennent, et particulièrement aux malheureux ; et je dois encore mon souvenir impuissant et fidèle aux morts, qui me regardent et qui sont malheureux. Je dois, dans la mesure de mes forces, faire en sorte que sur cette terre féconde et sous les libres cieux, le plus grand nombre possible d’êtres humains puisse vivre, et que chacun d’eux puisse avoir, dans l’avenir le plus prochain, suivant le travail de son bras ou de son cerveau, et la liberté qui est le pain de l’âme, et le pain qui est la liberté pour le corps de ne pas mourir de faim. Je dois, pour fonder cette cité fraternelle, avoir le culte du vrai avec celui du beau, me souvenant qu’on ne bâtit dans ce monde la paix que sur la justice, et la justice que sur la vérité. Je dois, pour tout dire, contribuer par mon labeur, et par les encouragements que je donne au labeur de mes proches, à élever cette colossale et fruste pyramide du bonheur humain où s’échelonnent, en assises successives, toutes nos institutions : société, patrie, famille, art, science et foi; où s’emploient, chacune à sa place, mais chacune prenant sa loi d’en haut, toutes nos forces : celles de l’intérêt, celles de la sympathie, celles de l’intelligence ; et qui s’érige dans le désert avec la matière pour base et la raison pour sommet inaccessible et lumineux.
Mon savoir, ma croyance, mon devoir se résument en deux mots : je veux d’une ferveur constante le progrès de mon âme et de l’humanité. Cette chose seule est nécessaire. Et s’il est un Dieu dans les entrailles de l’univers et au-delà des espaces, à l’origine ou à la fin des jours, et qu’il ait connaissance de mon humble passage sur le théâtre immense de l’être, il pourra lire dans mon cœur, il sera content de moi !
la prédication aux pauvres
Nous avons retrouvé une partition dont les paroles (un poème) sont l’oeuvre de notre ancêtre : voir la page de couverture ci-jointe.
Gabriel DUPONT (1878-1914) était un compositeur célèbre à son heure.
Nous avons eu l’occasion de faire connaitre notre découverte à un de ses fidèles, qui en a été heureux, car il ne la connaissait pas, et qui nous en a fait le commentaire suivant :
« Je pensais au départ qu’il s’agissait d’une « simple » mélodie, mais l’oeuvre est plus singulière et d’une ampleur assez importante.
J’ai d’ailleurs un peu de mal à mettre un nom sur cette forme, une petite « scène lyrique » plutôt qu’une petite cantate.
Elle est écrite pour baryton (St François), petit choeur (des pauvres) et un instrument qui ne me semble pas être l’orgue, mais plutôt le piano (voire le piano à pédalier, je crois reconnaître dans l’ensemble l’écriture pianistique de Dupont). Il n’est pas rare à cette époque d’écrire quelquefois le piano sur 3 ou 4 portées selon la densité de l’écriture.
Cela dit, cette densité de l’écriture (à la fin de la 4e page en partant de la fin par exemple) pourrait aussi laisser penser qu’il puisse s’agir d’une réduction pianistique d’un petit ensemble instrumental (auquel cas il existerait peut-être une autre version), car il me parait bien difficile, même en arpégeant, de pouvoir exécuter simultanément tous ces accords (en batterie qui plus est), plus le thème au ténor. Je ne pense pas à priori que cela soit fait non plus pour 2 exécutants.
Il y a donc quelque chose d’un peu énigmatique dans cette partition…. »
Pour voir l’intégralité de la partition (16 pages) : cliquez ici – attention : si vous vouliez imprimer à partir de l’écran, il faut une imprimante acceptant le format A.