Adolphe LANDRY regroupement des articles précédemment publiés

sommaire :
– faits et dates
– relation du mariage
– témoignages de proches
– « L’homme et sa légende » : CALVI rend hommage à Adolphe Landry le 16 novembre 1996
– « Adolphe Landry, économiste, démographe et législateur » – colloque international tenu à l’Université de Corse à Corte du 3 au 6 septembre 1997
– publications sous un pseudonyme
– de nouveaux documents
– autres éléments trouvés sur internet
– quelques autres témoignages
– de quelques pratiques électorales en Corse
– comment se faire louanger par la presse
– un pamphlet électoral
– rapport sur le colonialisme

 

faits et dates :

résumé de sa vie :
– naissance en 1874
– mariage en 1897
– disparition en 1956 – inhumation dans le caveau familial MEURON-LANDRY au cimetière d’Ajaccio.

cursus :
– bachelier es lettres le 29 juillet 1891
– premier prix de vers latins au concours général
– reçu au concours de l’Ecole Normale Supérieure en 1892 (10ème – à 18 ans)
– bachelier es sciences restreint (exigé des aspirants au doctorat es lettres) le 2 avril 1893
– licencié es lettres le 28 juillet 1894
– licencié en droit le 17 juillet 1897
– doctorat es lettres – 1901

situation militaire (nous avons eu en mains deux livrets militaires, ainsi que la photocopie d’un troisième, barré en travers …..)
premier livret : engagé volontaire le 29 octobre 1892 (à 18 ans) pour 3 ans dans les conditions de la loi du 11 juillet 1892 en tant qu’élève de l’Ecole Normale Supérieure; 
– incorporé au 163ème  régiment d’infanterie à Nîmes le « 28 8bre 1892″- « sait lire, écrire et compter » – bachelier es lettres – fait de l’escrime – très bon nageur – envoyé en congé le 24 septembre 1893 (malgré son engagement de trois ans ?) en attendant son passage dans la réserve – certificat de bonne conduite accordé – aucune punition – passé dans la disponibilité le 26 septembre 1893 
– première période d’exercice du 26 août au 22 septembre 1895 
– nommé caporal le 22 septembre 1895 
– deuxième période d’exercice du 24 août au 20 septembre 1899 
– réformé n° 2 le 28 février 1903 pour infirmités ne pouvant être attribuées au service militaire – pour « hypertrophie du cœur » – ce qui ne l’a pas empêché de vivre longtemps…)
deuxième livret : engagé volontaire (service auxiliaire, puisqu’il était réformé du service actif) pour la durée de la guerre – le 6 août 1914 au titre de la 11ème section d’Aéronautique – aucune autre indication !
– nous disposons de documents selon lesquels il était député en 1910 – affilié à un « groupe de protection des familles nombreuses », puis au parti URRRS (Union Républicaine Radicale et Radicale-Socialiste).

carrière universitaire :
– en 1896 : professeur de philosophie au lycée de Toulouse
– en 1897 : professeur de philosophie au lycée de Vendôme
– en 1898 : professeur au collège Chaptal à Paris
– en 1899 : professeur de littérature au collège Chaptal à Paris
– en 1907 : maître de conférences (puis, en 1910, directeur d’études) à l’école pratique des Hautes Etudes (Sorbonne – section des sciences historiques et philologiques « histoire des doctrines économiques » – emploi nouveau)

fonctions publiques :
– député de la Corse (de 1910 à 1932, de 1936 à 1940 et de 1945 à 1946)
– maire de Calvi (1931 – mais il n’a jamais exercé – destitué par Vichy en 1940)
– ministre de la Marine (du 20 janvier au 18 février 1920, puis du 24 septembre 1920 au 16 janvier 1921)
– président de l’Académie de Marine (1921)
– ministre de l’Instruction publique, des Beaux-Arts et de l’Enseignement technique (du 8 au 10 juin 1924) : mentionné ici pour ordre – à l’époque, le Gouvernement constitué devait se présenter à l’approbation de la Chambre des Députés : il n’a pas été accepté
– ministre du Travail (du 27 janvier 1931 au 12 janvier 1932)
– en 1936 : Président de la société de Statistiques de Paris;
– en 1937 : Président de l’Union Internationale pour l’étude scirntifique des problèmes de population;
– en 1939 : membre du Haut Comité de la population;
– le 10 Juillet 1940, à l’Assemblée Nationale, sur le projet de loi constitutionnelle (accordant les pleins pouvoirs au Maréchal PETAIN) : annexe au procès-verbal de la séance : « n’a pas pris part au vote » – avec une rectification postérieure, à sa demande : « s’est volontairement abstenu » – alors qu’une majorité de 569 votants sur un total de 649 « ont voté pour ».
– membre du Comité de l’Institut National d’Etudes Démographiques INED (1946), puis président du Conseil d’Administration
– membre de l’Assemblée Nationale Constituante – puis du Conseil de la République
– sénateur de la Corse en 1951

publications :
– thèse principale de doctorat (1901) : « l’utilité sociale de la propriété individuelle »
– thèse secondaire de doctorat (en latin – 1901) : « de responsabilitate sontium » (= de la responsabilité pénale).
– un recueil de nouvelles (date inconnue)  publié sous le nom de RYNALD (anagramme de son nom) 
– L’intérêt du capital (1904)
– Manuel d’économique (1908)
– La révolution démographique (1934)
– Traité de démographie (en collaboration), rédigé pendant la guerre de 1939-1940, publié en 1945
– multiples ouvrages sur la démographie (notamment : sur la dépopulation dans l’antiquité gréco-romaine – sur la population de l’ancien Paris), et sur les théories du salaire et du chômage;
– multiples rapports au Parlement, propositions de lois, etc.
– déposition sur les raisons de la défaite de mai 1940 : cliquez ici.
– le 3 Juin 1952 : en tant que « Président d’âge » (doyen) : allocution d’ouverture de la session du Conseil de la République
– les deux articles suivants (que nous avons eu la chance de pouvoir nous procurer dans leur édition d’origine !) et que vous pouvez voir en cliquant ici:
     – 
pour la reconstitution de la France – article prémonitoire, publié en 1917, en pleine guerre;
     – le problème de l’habitation et les classes moyennes.
     

décorations :
– Royaume de Tunisie – ordre du Nichan-Jtikhar – Commandeur – 17 mars 1909
– Royaume de TUNIA (Tunisie) – ordre du Nichan-Jtikhar – Grand Cordon – 27 mai 1920
– Empire du Japon – ordre impérial du Soleil Levant – 1ère classe – 23 février 1921
– Royaume d’Italie – Ordine della corona d’Italia – Gran Cordoni – 15 août 1921
– Royaume d’Italie – Ordine dei Santi Maurizio e Lazzaro – Commendatori – 30 avril 1923
– Empire d’Ethiopie – ordre de l’Etoile d’Ethiopie – Grand Croix – 10 août 1924
– Gouvernement Chérifien – ordre du Ouissam Allaouite Chérifien – Grand Croix – 16 janvier 1928
– République Française – Récompense honorifique de la Mutualité – Médaille d’Or – 20 mai 1932
– République Française : ordre de la Légion d’Honneur : chevalier, puis officier
– République Française : ordre du  Mérite Social – Commandeur – 9 avril 1940

attribution du nom :
– en 1956, « en hommage aux services rendus par Adolphe Landry à la science démographique, l’Institut national d’études démographiques (INED) a décidé de donner son nom à la salle de lecture de la bibliothèque »;  malheureusement, à la suite d’un déménagement, la plaque correspondante n’a pas été conservée !
– le 29 juin 1963, le nom a été attribué à un boulevard d’Ajaccio;


– le 1er juillet 1963, au quai d’accostage du port de Calvi;

– le 6 septembre 1997, à un amphithéâtre de l’Université de Corte (Corse) – en pratique, l’amphithéâtre a été nommé  » Adolphe et Timothée LANDRY » (pour ne pas laisser seul Adolphe, homme politique : Timothée, son père, magistrat, était indépendant de tout parti ).

 

une figure

il y a tant à dire sur ce membre insigne de notre famille :
          – sur le professeur, le philosophe, l’économiste, le statisticien, le démographe;
          – sur l’homme politique, maire de Calvi, conseiller général, député de la Corse, ministre, sénateur;
          – sur le chef de famille, son épouse et ses enfants;
          – sur l’homme lui-même.

quelques jalons :

 Michel Auguste Adolphe LANDRY nait le 29 septembre 1874 à Ajaccio – voici un extrait de son livret de famille :

Selon un usage fréquent dans notre famille, il a toujours été appelé Adolphe, son dernier prénom – même sur certains actes officiels : son passeport de 1933 porte les mentions « Adolphe Michel Auguste ».

Il est le fils d’Augustin François Timothée et de son épouse Augustine Emilie Euphrosine MEURON – voir les liens entre les LANDRY et les MEURON sur notre arbre généalogique – là aussi, Timothée est le prénom usuel – on trouve parfois l’écriture Thimothée (même sur des documents d’état civil ou des actes notariés), mais c’est l’écriture avec un seul « h » qui prévaut, surtout en Corse.

Il est admis à l’Ecole Normale Supérieure en 1893 – à 18 ans- nous disposons d’une feuille manuscrite indiquant son rang d’entrée : 10ème, et ses notes dans chaque matière.

A un bal de cette école, il rencontre Lucie THUILLIER, qui, selon Berthe, la sœur de Lucie, « était particulièrement belle : Adolphe reste planté ».

Il l’épouse le 21 juillet 1897, à la mairie du 10ème arrondissement de Paris, avec un contrat de mariage préalable passé devant Maitre Delafon, notaire à Paris, le 19 juillet 1897, et une célébration postérieure à l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas.

Les époux ont trois enfants : Hélène : 1898 – Létizia (Lala) : 1900 – Paul : 1901.

Adolphe obtient en 1904 un permis de conduire.

Il développe toute sa vie une activité considérable !
→ voir plus de détails sur une autre feuille : « faits et dates », recensant sans commentaires le cursus, la situation militaire, la carrière universitaire, les fonctions publiques, les publications, et les décorations

Testament olographe du 10 avril 1953 (identique à celui de son épouse Lucie) laissant à sa fille Létizia les deux-tiers de sa fortune, et l’autre tiers à sa fille Hélène. Il utilisait ainsi la quotité disponible pour l’allouer à sa seconde fille, seule à avoir eu des enfants.

En 1952, il éprouve des soucis de santé, et n’intervient plus dans les débats de l’Assemblée Nationale.

Il disparaît le 28 août 1956. Il repose à Ajaccio, dans le caveau familial « Meuron+Landry ».

 

quelques photos : nous disposons de plusieurs photos, mais ne savons pas les présenter par ordre chronologique 
pourriez-vous nous aider à les reclasser : chacune est numérotée – un repère : la photo 7 est datée de 1926

 

 

témoignage de sa fille Lala : extrait du TU n° 3

Il est né le 29 septembre 1874 à Ajaccio et décéda e 28 août 1956 à Paris.
Il  fit ses études secondaires à Nîmes où son père était président du Tribunal.
Après avoir obtenu le 1er prix de version latine au concours général, il fut désigné pour venir préparer au lycée Louis Le Grand à Paris /Ecole Normale qu’il intégra 1er en 1892.
II  fut également diplômé de l’agrégation de philosophie ainsi d’un doctorat es lettres – et d’une licence en droit.
Il fut nommé professeur à Toulouse en 1896, à Vendôme en 1897 et à Chaptal en 1898.
En 1897 il se marie avec Lucie Thuillier. De cette union naissent 3 enfants : Hélène (qui épousa César Campinchi), Letizia et Paul.
Puis il fut nommé à Paris au collège Chaptal
En 1901 il publie sa thèse : « l’utilité sociale de la propriété individuelle » qui prônait le régime socialiste.
En 1902 : il publie « la responsabilité pénale »
En 1904 : il publie « l’intérêt du capital »
Il consacre de nombreuses publications à l’économie politique, aux finances, à l’histoire de l’art et à la sociologie politique.
En 1905 : il publie « les principes de morale rationnelle »
En 1907, l’Ecole pratique des Hautes Etudes lui confie la chaire d’histoire des faits et des doctrines politiques.
En il publie un manuel d’économie’(Influence d’Efferts, question démographique : ‘ les idées de Quesnay sur la population’1 en 1909).
En 1910 il est élu député de la Corse (radical- socialiste) et est opposé au parti Gavin puis Pietri.
Il fut plusieurs fois président du Conseil Général de la Corse.Il a insisté sur l’importance du problème de la population en France.
En 1912 il est nommé administrateur de (‘Alliance Nationale contre la dépopulation puis vice-président jusqu’à sa mort et devient le plus ardent défenseur des familles au Parlement.
En 1913, il fait voter la loi d’assistance aux familles nombreuses.
En 1914 , il fait voter la loi d’indemnités familiales aux officiers, sous-officiers, étendus en 1917 à tous les fonctionnaires civils
En 1915, il lutte pour défendre les intérêts des familles lors de la création de l’impôt sur le revenu, et se préoccupe de la protection des pères de famille dans l’armée. En 1920, il est nommé Ministre de la Marine sous Millerand et redonne vie à [Académie de Marine.
En 1924, il est nommé Ministre de l’instruction Publique (3 jours sous François Marchai).
En 1932 il est nommé Ministre du Travail. Il met en place le dispositif administratif pour l’application de la loi sur les assurances sociales et obtient du parlement l’extension des allocations familiales à tous les salariés du commerce et de l’industrie, en 1937 : extension aux salariés agricoles.
Il publie les travaux scientifiques suivants : En 1929 : le maximum et l’optimum de la population (scientia)
En 1930 : l’hygiène publique en France
En 1934 : la révolution démographique
En 1936 il est président de la société de statistique de Paris.
Action internationale : Congrès en 1937 : travail épuisant (8 volumes publiés)
En 1937 il devient président de l’union internationale pour l’étude scientifique des problèmes de population
22 février 1939 : création du haut comité de la population (5 membres)
Code de la famille : décret du 29 juillet 1939. 1940 : il refuse de voter les pleins pouvoirs à Pétain. Vichy lui enlève la mairie de Calvi et supprime le haut comité de la population.
En 1945, il publie un « traité de démographie » qui sera réédité en 1949 et reste un traité magistral.
Il refuse aux autorités allemandes de faire paraître la « revue internationale » et il fait disparaître les documents. Préside la première réunion clandestine du parti radical socialiste.
Dès la libération il reprend une activité officielle. Nommé président de la commission du coût de l’occupation ennemie – Utilise les documents 1941-44 (institut de conjoncture).
Refus de faire partie de l’assemblée consultative (qui n’était pas l’émanation du peuple).
1945 : : élu député de la constituante – reconstitution du haut comité consultatif de la population et de la famille, par le Général de Gaulle. Est nommé Président.
1946 : sénateur de la Corse.
1947 : il se rend à New-York remettre sur pied l’union internationale pour l’étude sociale de la population. Nouveaux statuts. 1949 : nommé Président d’honneur.
1948 : proposition de loi sur les sociétés ~ anonymes : réforme profonde de régime et du droit de propriété.
1952 : discours : doyen d’âge au Sénat.
Janvier 1956 : sa santé l’oblige à renoncèr à tout mandat et il ne put vivre longtemps sans servir.

Homme d’une étonnante érudition et d’une culture profonde, qui a toujours témoigné un dévouement permanent total au bien public.
Il avait une culture de base littéraire puis son horizon s’élargit au droit, à l’économie politique, à la sociologie et à la démographie.

 
parmi de nombreux témoignages, nous avons choisi de rappeler en premier lieu l’homélie prononcée par le professeur Maurice LAMY, son neveu, à la séance du 17 juin 1975 consacrée par l’Académie Nationale de Médecine à la science démographique (extrait du Trait d’Union n° 3).témoignage de Maurice LAMY

Adolphe Landry était de ces normaliens philosophes qui ont été les fondateurs de la sociologie. De formation littéraire, mais ayant su s’initier aux disciplines scientifiques de l’économie et de la statistique, il a créé de toutes pièces la science démographique, une science neuve, celle des popu­lations, des collectivités humaines et, pourrait-on dire, l’histoire naturelle des sociétés.

Il était né à Ajaccio, en 1874, dans une ancienne famille corse, une famille où les études désintéressées et les valeurs morales avaient toujours été honorées. Son frère fut directeur de l’Institut français de Florence et ses trois sœurs devaient s’illustrer dans la médecine et dans l’action sociale.

Adolphe Landry poursuivit ses études secondaires à Nîmes, où son père présidait le tribunal. Ayant obtenu, au Concours général, le premier prix de vers latins, il fut invité à venir à Paris, au Lycée Louis-le-Grand, pour y préparer le concours d’entrée à l’École normale supérieure. Entré rue d’Ulm le premier de sa promotion, plus tard agrégé de philosophie, il consacra une thèse de doctorat ès lettres à « l’utilité sociale de la propriété individuelle » – une thèse hardie, qui à l’époque surprit quelque peu.

 Après les années d’enseignement à Toulouse d’abord, puis au Collège Chaptal, Landry était appelé, en 1907, à l’École pratique des Hautes Études pour y enseigner l’histoire des doctrines économiques.

Mais, un jour, la politique l’appelle. Opposé au clan bonapartiste resté puissant dans l’île natale de Napoléon, Adolphe Landry devient le porte-drapeau du parti républicain. Député de la Corse dès 1910, plus tard sénateur puis de nouveau député, il remplit les fonctions de Ministre de la Marine, plus brièvement celles de Ministre de l’Éducation nationale. En 1931 et 1932, devenu Ministre du Travail, il impose, nous le dirons, les premières mesures en faveur des familles nombreuses.

Mais notre propos n’est pas de décrire ici le déroulement d’une carrière politique qui toujours servit essentiellement d’armature à une action nationale.

Dès sa jeunesse, il avait aperçu clairement l’importance des problèmes de population, le rôle essentiel du peuplement dans l’élan vital d’une nation, et aussi les conséquences désastreuses d’une chute de sa fécondité.

C’est d’abord en historien qu’il en parle. Étudiant les raisons de la gran­deur et de la chute de l’Hellade, il rappelle que, dans la Grèce de l’Antiquité, la natalité fut longtemps surabondante. Nous en voyous la preuve dans la prolifération de ses colonies autour de la Méditerranée et aussi, au cinquième siècle avant notre ère, au cours de la seconde guerre médique, dans les glo­rieuses victoires qui, à Salamine et à Platées, chassèrent de l’Europe les flottes et la cavalerie de Xerxès. La Grèce, hélas ! devait peu à peu se dépeupler. Cent cinquante ans après leur triomphe sur les Mèdes, Athéniens et Thébains sont écrasés à Chéronée par la phalange de Philippe, une défaite décisive qui permet la domination macédonienne et entraîne l’irrémédiable déclin des cités grecques.

L’histoire romaine répète, trait pour trait, celle de la Grèce antique. Rouie avait eu, aux premiers temps de son histoire, une natalité abondante. Octavus, Decimus, ces noms ne désignaient-ils pas le huitième, le dixième enfant d’une famille ? Après Zama, la rivale carthaginoise définitivement vaincue, la domination romaine s’étend sur la Macédoine, la Grèce, l’Asie méditerranéenne, l’Afrique du Nord, l’Espagne, la Narbonnaise, la Gaule. En moins de trois siècles, une petite province italienne est devenue la maîtresse du monde.

Mais, après quelques siècles, la dépopulation menace, une dépopulation que les lois « natalistes » d’Auguste s’efforcent de combattre en luttant contre l’adultère et la corruption des mœurs, en imposant le mariage aux « ordres », c’est-à-dire aux patriciens, sénateurs et chevaliers, en accordant une aide financière aux pères de trois enfants, le « jus trium liberorum« . D’Auguste à Marc-Aurèle, de Marc-Aurèle à Constantin, la dépopulation, néanmoins, se poursuit et s’aggrave, cette dépopulation qui, écrit Landry, est une decadence, « une décadence dont le caractère fondamental est l’absence d’une foi, ou mieux d’une âme collective« . Sous l’assaut des Barbares, l’empire d’Occident, à son tour, va s’effondrer.

Nous savons peu de choses sur les chiffres de la population française au Moyen Age. Dans le premier tiers du quatorzième siècle, avant le début de la Guerre de Cent Ans et l’invasion de la peste noire, le pays a pu compter dix-neuf ou vingt millions d’habitants.

C’est Vauban qui, dans sa « Dîme royale », fut le premier, chez nous, à manifester un intérêt raisonné et soutenu pour ce qui devait s’appeler plus tard la statistique, c’est-à-dire l’emploi des méthodes applicables à l’étude numérique des phénomènes de masse.

L’ouvrage de Messange et celui, plus important, de Moheau – un pseudonyme assez transparent derrière lequel se cache Montyon – nous donnent de précieux renseignements sur le nombre annuel des naissances et des décès en France dans le dernier tiers du dix-huitième siècle. Jusqu’au milieu de ce siècle, au temps de Louis XV, le chiffre annuel de la mortalité était de trente-trois pour mille mais celui de la natalité était de quarante pour mille, de telle sorte que le mouvement naturel de la population tendait à l’accroître.

Mais déjà les choses ont commencé de changer et de deux façons à la fois : la mortalité s’abaisse mais, dans le même temps, le chiffre annuel des naissances fléchit. C’est bien cela la « Révolution démographique » que décrit Adolphe Landry. Chez nous, le phénomène va se prolonger et accélérer jusqu’aux premières années du vingtième siècle. Certes, il n’est pas limité à notre pays, mais en France il a commencé plus tôt. Chez nos voisins, la décroissance n’a débuté que dans la première moitié du dix-neuvième siècle, parfois dans la seconde, quelquefois à une époque toute récente. Il en résulte de profonds changements dans l’équilibre des pays européens. Vers les années 1910, l’excédent des naissances sur les décès est de plus de huit cent mille en Allemagne, en France de quelques dizaines de milliers seulement, comme s’il manquait à notre pays « cette volonté commune dans le présent » dont parle quelque part Renan. En 1913, chez nous, le nombre des naissances est tombé au-dessous de celui des décès.

Adolphe Landry fût le premier à mesurer le péril qui nous menaçait et à proposer des remèdes. « Parce qu’il était, écrit M. Pierre Laroque, philosophe, historien, sociologue, juriste, économiste, statisticien, il a pu fonder la démographie, tant cette science exige la conjonction de disciplines multiples« .

Mais cet homme d’étude et de réflexion ne s’enferme pas dans sa bibliothèque : il en sort pour engager ou poursuivre le combat. Barrès et Gide après lui ont soutenu l’antinomie de la pensée et de l’action. Toute la carrière d’Adolphe Landry s’inscrit en faux contre ces maximes désabusées.

Dès 1910, jeune député de la Corse, il avait fondé au Palais-Bourbon, avec André Honorât, Ferdinand Buisson et Jules Breton, le groupe de défense des familles nombreuses.

En 1912, il devient l’un des administrateurs de l’Alliance nationale contre la Dépopulation, dont il fut plus tard et resta toujours le vice-président.

En 1913, il fait voter par le Parlement la loi d’assistance aux familles nombreuses et, l’année suivante, l’attribution d’allocations familiales aux officiers et aux sous-officiers. Trois ans plus tard, cette disposition devait être étendue à tous les fonctionnaires civils.

La guerre se termine, glorieuse pour notre nation, mais affreusement dévastatrice. Tués au combat, morts de maladie, « naissances manquées », c’est une perte de plus de trois millions d’êtres qu’elle entraîne pour notre pays.

Nullement découragé devant cette situation désastreuse, Landry accentue son effort. En 1923, sur son initiative, la loi d’encouragement aux familles de plus de deux enfants est substituée à la législation charitable mais surannée d’assistance aux plus malheureuses.

Ministre du Travail en 1932, Adolphe Landry, dès son arrivée rue de Grenelle, met en place le dispositif qui permet l’application de la loi sur les assurances sociales. Il obtient que le bénéfice des allocations familiales soit consenti à tous les salariés du commerce et de l’industrie.

C’est alors qu’il sent la nécessité de compléter sa formation littéraire par des connaissances scientifiques. Il fait, selon le mot d’Alfred Sauvy, « irruption dans le domaine de la technique statistique« . Passant outre aux objections des spécialistes, il propose de nouvelles méthodes pour mesurer la mortalité, la fécondité, les taux de reproduction, la distribution et la structure des populations.

Son action se développe à l’Institut international de Statistique et surtout à l’Union internationale pour l’Etude scientifique des Problèmes de la Population, une association dont, en 1937, il devient le président.

Mais voici de nouveau le bruit des armes et la menace qui pèse, une fois encore, sur notre pays.

Le 22 février 1939, malgré la situation tragique de la France, ou peut-être à cause d’elle, un décret d’Edouard Daladier crée le Haut Comité de la Population, un comité que préside Adolphe Landry, dont vont faire partie avec lui Georges Pernod, Felix Boverat, Robert Debré et Alfred Sauvy, et dont M. Jacques Doublet assure le secrétariat  général.

Le 30 juin, le Haut Comité remet au gouvernement son rapport, un rapport essentiel, fondamental, qui devait devenir le Code de la Famille. Il est adopté le 29 juillet, à la veille de la guerre. Peu de temps après, le Haut Comité est reçu par Paul Reynaud qui, devenu Président du Conseil, écoute d’une oreille attentive les demandes et les recommandations.

Mais les événements se précipitent, c’est la défaite militaire et la lourde occupation de l’ennemi. Fidèle à la démocratie, ayant refusé son adhésion au gouvernement de Vichy, destitué de ses fonctions municipales, menacé dans sa liberté, Landry se consacre à la rédaction de ce Traité de Démographie qui, la libération venue, est publié en 1945, avec plusieurs collaborateurs, dont Alfred Sauvy.

Cette année 1945, le Haut Comité de la Population, qui avait été sup­primé par le gouvernement de Vichy, est reconstitué par le Général de Gaulle qui en assume personnellement la présidence. L’année suivante, en 1946, Adolphe Landry soumet à ce Comité et fait adopter par le Parlement un projet qui régit encore notre système d’allocations.

Sans nul doute, ces lois protectrices de la famille, ces lois bienfaisantes ont provoqué l’extraordinaire redressement démographique de notre nation. Pour la première fois, un pays, au bord d’un effondrement définitif, est reparti d’un élan vigoureux vers une nouvelle destinée.

En 1952, doyen d’âge du Conseil de la République, Adolphe Landry prononce devant la Haute Assemblée un discours qui a toute la gravité, la solennité d’un testament. Pour la dernière fois, il rappelle à tous l’impor­tance de ces phénomènes démographiques à l’analyse desquels il a consacré son existence tout entière. « La grandeur d’une nation, s’écrie-t-il, est fondée sur le nombre et sur la qualité des hommes« .

Pendant quatre ans la maladie va éteindre sa voix. En 1956, Adolphe Landry meurt dans sa paisible demeure qu’abritent les arbres de la villa Montmorency.

Ayant parlé de l’œuvre, il nous reste à dessiner les traits de l’homme. Un portrait difficile. De haute taille, un beau visage régulier, les yeux sombres, profonds sous les orbites, méditatif, réservé, secret, austère, d’un abord sévère, Adolphe Landry intimidait.

Seuls ses collaborateurs les plus intimes et ses proches parents connaissaient la générosité de son âme et la bonté de son cœur. Dans la maison familiale de Picardie où il passait de studieuses vacances, enfants, petits-enfants, neveux, nièces se groupaient autour de lui dans la confiance et l’affection.

C’est là qu’il nous montrait la richesse et la diversité de ses dons et l’universalité de sa culture, devant son piano, jouant parfois à quatre mains avec une de ses filles, interprétant Mozart, s’enthousiasmant pour Wagner, ou encore évoquant tel chef d’œuvre que garde le Louvre, les chasses de Maximilien, ou bien cette stèle du Roi-Serpent devant laquelle, certains dimanches, il aimait méditer sur la naissance d’une civilisation.

Sa culture gréco-latine était immense. Je me souviens d’une conversation sur les Tusculanes et les Verrines de Cicéron, et d’une autre sur ce passage de Virgile où Anchise rappelle à Enée que la mission de Rome est de gouverner le monde : Tu regere populos imperio, Romane, memento… (Enéide, VI, 852).

Il cultivait parfois le calembour, et aussi le paradoxe, un reste peut-être des « canulars » traditionnels de la rue d’Ulm. Que de fois l’avons-nous entendu soutenir que rien de bon n’avait été écrit en France depuis Villon.

Voilà qui ne l’empêchait pas de connaître et d’admirer les envolées de Bossuet et de Chateaubriand, et aussi la sobriété dépouillée d’un Diderot et d’un Paul-Louis Courier.

Que dire encore d’Adolphe Landry, sinon sa puissance de travail, son complet désintéressement, la sévérité qu’il exigeait des autres comme de lui-même, la hauteur d’une pensée et d’une conversation qui jamais ne condescendait à la vulgarité ni ne s’abaissait à l’insignifiance.

C’est à Ajaccio, dans la tombe familiale, qu’Adolphe Landry a voulu reposer. M. Matteo Connet, l’un des plus anciens, des plus fidèles, des plus aimés de ses collaborateurs, nous a décrit « cet ultime voyage sur la route des Sanguinaires, sur l’antique chaussée ajaccienne bordée de tombeaux, par une journée blonde, parmi les cystes, les bruyères et les cyprès« .

En vérité, Adolphe Landry, dont le nom devrait être mieux connu et l’œuvre mieux célébrée, mérite la reconnaissance de notre nation. Mais il a fait davantage. Le monde lui doit la fondation, la création de cette science démographique, dont l’étude devrait être aujourd’hui la préoccupation majeure de tous ceux qui se soucient de l’avenir de l’humanité.
(extrait du bulletin de l’Académie Nationale de Médecine – tome 159 – n°6)

 → nous nous devons aussi, bien entendu, de rappeler les articles accessibles dans nos archives (voyez ce volet) ;
     – la chronologie synthétique rédigée par sa fille Létizia (Lala) : voyez le Trait d’Union n° 3;
     – le carton d’annonce de son mariage, avec le menu du repas et le périple de son voyage de noces   voyez le Trait d’Union n° 6;
    – la relation de la conférence-exposition à la mairie de Calvi en 1996 : voyez le Trait d’Union n° 13;
    – la relation de l’attribution de nom de Landry à un amphithéâtre de l’Université de Corte en 1997 : voyez le Trait d’Union n° 16;
   – la relation parentale de notre famille avec Napoléon, empereur des Français : voyez le Trait d’Union n° 3;

 → sur le professeur et l’homme politique, on trouve sur internet de nombreux éléments sur divers sites, et notamment les suivants :
     – la Fondation des Sciences de l’Homme (il y existe 287 entrées !);
     – Contrepoint et CAIRN;
     – Gallica;
     – Persée;
     – la résistance corse;
     – anciens sénateurs de la IVème République (avec un bon rappel de sa carrière politique).

et voici quelques autres témoignages :

d’ Alfred SAUVY, professeur au Collège de France, à propos de ses actions en faveur de la démographie : « …il faut citer au premier plan Adolphe LANDRY… Les réputations des hommes ne sont certes pas en rapport avec les services qu’ils ont rendus…NAPOLEON et LANDRY, étrange association de noms, que tant de gens trouveront ridiculement déséquilibrée ! De ces deux enfants de Corse, le second a fait gagner à la France plus de vies humaines que le premier en fit perdre. »

 de Pierre LAROQUE, Directeur général de la Sécurité Sociale : « il était « philosophe, historien, sociologue, juriste, économiste, statistic

de Pierre CHAUNU, membre de l’Institut : « Salut à Landry, le Père Courage » … « la chance de la France fût que ce savant tranquille entra en politique. » … »on peut encore trouver dans son œuvre ce qui aujourd’hui manque le plus : la lucidité et le courage ».

de Philippe DELMAS, l’un de ses petits-fils (tout confus de vouloir s’égaler ici aux illustres personnes précédentes…) : J’ai lu quelques-uns des ouvrages de mon grand-père, et j’en suis toujours stupéfait !
Il avait le rare talent, traitant un sujet, de l’ « épuiser », d’en « faire le tour » : vous pouvez passer derrière, vous ne ferez pas mieux !
Ce qui permet d’invoquer l’ « actualité » de ses écrits. 
Seule restriction, bien évidente : compte tenu des données du moment ! A titre d’exemple, son Traité de Démographie a longtemps fait autorité – mais, aujourd’hui, plusieurs pans en sont dépassés, car la science démographique, enrichie de statistiques accumulées, a grandement évolué – encore que, en 2019, le livre « la révolution démographique » doive être réimprimé !
On peut exprimer la même idée en posant que, pour traiter un problème quelconque qui se présente à vous, il y a deux manières :
– le traiter à fond, ce qui procure l’avantage, lorsque se présente un nouveau problème similaire ou proche, de disposer de la méthode pour le traiter rapidement et correctement;
– l’évacuer par une pirouette, qui, certes, constitue un traitement, mais superficiel.
note personnelle : je recommande toujours la première méthode que j’ai essayée de pratiquer toute ma vie, professionnelle aussi bien que familiale;
Par ailleurs, mon grand-père a abordé des sujets très divers, comme professeur ou comme homme politique : là encore, en approfondissant chaque sujet – des bourses de commerce aux traitements des fonctionnaires en passant par les dommages de guerre et la structure sociale des sociétés anonymes – il manifestait un intérêt particulier pour tous les sujets qui passaient à sa portée…
A voir tous ses écrits, on pense au mot « érudition » – qui nous fait nous interroger sur l’absence, à l’époque, de sources telles qu’internet !
– on trouve, dans les nombreux papiers qu’il a laissés, de sa petite écriture fine, d’innombrables essais, commentaires, notes en réserve, etc.;
– et on trouve une très importante correspondance : il n’était pas le savant isolé dans sa haute compétence, mais la personne humaine pleine de gentillesse, aimant nouer des contacts et rendre des services;
– une petite illustration : quand je suis arrivé à Fez, au Maroc, faire mon service militaire, j’ai a été convoqué au Bureau d’ordre qui m’a signifié de me rendre auprès du Président du Tribunal – j’ai craint un moment que l’autorité militaire n’ait pris en considération (un peu tard…) ma licence en droit, pour me verser dans la Justice militaire : j’ai été accueilli avec une grande chaleur par ce Président : « votre grand père me signale votre arrivée : il y a 17 familles corses dans cette ville : vous avez 17 déjeuners, le dimanche, retenus ».
Un mot encore sur le style : la rédaction est fluide, très lisible – il n’y a qu’une idée par phrase (alors que certains journalistes actuels se croient malins d’exposer leur prétendue intelligence en exposant trois idées et quatre incidentes dans la même phrase !).

qu’il nous soit permis d’indiquer que la publication de sa thèse principale « de l’utilité sociale de la propriété individuelle » a fait quelque bruit !
– en voici la première phrase : « On a dessein d’étudier, dans ce livre, les déperditions de richesse qui résultent nécessairement, pour la société, du régime présent de la propriété, en d’autre termes, de montrer par où et dans quelle mesure ce régime est contraire à l’intérêt général »;
et voici des extraits de la conclusion (point 337, page 409) : « C’est une étude purement économique que celle que l’on a lue…. Mais à côté des fins purement économiques, il y a pour l’humanité des fins esthétiques, intellectuelles, morales, dont l’utilitaire lui-même ne doit pas se désintéresser : et il se pourrait que le régime individualiste mieux que l’autre permît à l’humanité de réaliser ces fins« 
– et, plus loin : « S’il nous était permis d’exprimer notre sentiment, nous dirions sans hésiter qu’à tous égards la substitution de la propriété collective à la propriété individuelle nous paraît désirable, que, pour nous, l’abolition de la propriété privée satisferait à la fois toutes les aspirations de ceux qui veulent le progrès social« .

E t voici les commentaires rassemblés par l’INED (Institut National d’Etudes Démograpbhiques) :
En 1901, il soutint, à la Sorbonne, sa thèse : « L’utilité sociale de la propriété individuelle ». Landry y attaquait la propriété individuelle et prônait le régime socialiste. Cette thèse fit alors sensation par ses idées progressistes, comme en témoignent de nombreuses coupures de presse de l’époque, tel cet article du Temps (du 5 juin 1901) intitulé: «Le Collectivisme en Sorbonne»; l’auteur y est heureusement surpris d’entendre, au lieu d’un morne plaidoyer, une fougueuse attaque : « … Collectiviste, c’est bien du collectivisme, dont il a parlé et par qui il a vaincu… ». Un autre article, dans le Journal des Débats du 2 juin 1901, porte le même titre; L’Echo de l’Est mentionne également cette thèse, ainsi que la informa Sociale du 15 août 1901. Dans La Lanterne du 13 août 1901, Georges Renard parle du jeune auteur de cette intéressante thèse. Le Petit Parisien (3 juin 1901), sous le litre « Le socialisme en Sorbonne », fait son éloge et ajoute : « Landry a démontré que la propriété individuelle forme obstacle à la production, entrave la distribution des produits et, par conséquent, restreint la repopulation… »

Enfin, La Croix du 4 juin 1901 s’indigne : « Comment une si audacieuse manifestation n’est-elle pas refoulée par l’autorité uni­versitaire ? »

Voici quelques appréciations critiques relevées par Landry lui- même et ainsi commentées par lui en manuscrit : « Le Journal des Economistes, dans le deuxième semestre de 1901, me traite d’imbé­cile; The Economie Journal, mars 1902, me reproche de ne pas être de mon temps (pas assez pratique) ». Assertions théoriques d’allure scientifique, avec insuffisamment de preuves. Des périodiques alle­mands reconnaissent le sérieux du travail. The Economie Remet», avril 1902 : « W. Middleton signale la probité scientifique, dit que le livre fait penser et qu’il est excellent dans le détail».

 

son activité d’éditeur de presse
Notre ancêtre, pour appuyer les débuts de sa vie politique, a fait l’acquisition d’un journal existant « le Petit Bastiais », qui, bien évidemment, informait ses lecteurs des faits et gestes mémorables de son propriétaire. Nous n’avons pas trace de l’acte d’achat, ni de celui de la revente.
Notre ancêtre n’a pas été « directeur de la publication », comme on dit maintenant.
On y trouve, entre autres informations, la copie d’un tract électoral de mai 1906 se terminant par : « vive la Corse libre ».

 

relation du mariage de Mr. Adolphe LANDRY et de Melle Lucie THUILLIER – le 21 juillet 1897 – par Madame Achille LEFEVRE (amis) – extrait du TU n° 9

Mes chers enfants partent seuls, mon mari étant indisposé. Le lendemain matin, 21 juillet, se sentant mieux, il m’envoie les rejoindre. Je prends seule le train du matin et arrive à Paris vers 11 heures ou Achille m’attendait avec voiture qui prend ma malle et nous conduire à l’hôtel en face de la gare de l’Est (le même qu’au mois de novembre où on est très bien). Pendant qu’Achille vient me chercher, Anna va m’acheter un cadeau de noce, le même que pour Mme Lassalle. Nous allons déjeuner chez Mr. Thuillier ; ensuite nous habiller pour la noce. Mêmes voitures, même cérémonie que pour le premier mariage. Une haie de curieux de la porte au trottoir Bd Magenta. En passant en voiture, j’ai aperçu à leurs fenêtres Mme et Mlles Dessaint ; je les ai saluées ; elles m’ont reconnue. La Mairie était très bien décorée ; il y avait des fleurs en abondance partout ! Même entrée qu’au mois de novembre. Mon cavalier était Mr. Pierre Lestienne ; nous montons le grand escalier, deux par deux c’était superbe ! Mme Lestienne était au bras de Mr. Brisson ; avec sa robe à traîne, on dirait une marquise ! L’estrade pour Mr. le Maire était disposée différemment. Les témoins du marié étaient Mr. Loëvy, directeur de l’Observatoire, et Mr. Perrot, directeur de l’Ecole Normale Supérieure. Ceux de la mariée étaient Mr. Brisson, Président de la Chambre des Députés et Mr. Santon, Président du Conseil Municipal.

Beaucoup de bonne musique, de chants, de discours, de corbeilles énormes en fleurs naturelles ornés de rubans blancs en très grande largeur. Les trois demoiselles Landry ont quêté et deux autres Demoiselles Mrs Landry aîné, Léon Thuillier et trois amis étaient garçons d’honneur.

Après la cérémonie, les mariés et les deux familles sont entrées dans un salon de la mairie ; Mme Brisson était au bras de Mr. Thuillier, toute la noce est venue deux par deux saluer et complimenter ; il n’y avait pas autant de monde qu’au premier mariage à cause des vacances. Les toilettes d’été étaient plus jolies. On est remonté en voiture pour le lunch à la maison de la mariée où tous les beaux cadeaux de noce étaient exposés. Nous allons en voiture nous faire coiffer et dîner à l’Hôtel Continental. J’ai conservé le menu, tout y était exquis. A table, Mr. le Maire du lOème était en face de moi, il a beaucoup causé avec Mme Pierre Lestienne. Au bal, j’étais le plus souvent en compagnie de Mme Drapier ; on nous prenait pour deux sœurs : nos costumes avaient un peu de ressemblance. Le buffet était disposé autrement dans le salon à côté, les grandes portes ouvertes.

Ma chère fille était bien dans sa robe de bal. La soirée à été fort animée, les jeunes gens y avaient mis de l’entrain, la farandole était tout à fait belle ; tout un cordon de toilettes claires, bleues et jaunes, blanches entremêlées de messieurs en habit se déroulait d’un salon à l’autre. Nous avons fermé le bal et nous sortions de l’hôtel à 3 heures !

Le lendemain, avant le déjeuner, nous avons fait Anna et moi un tour de boulevard, nous avons remarqué de gentils chapeaux à 4 Frcs1 , et nous sommes rentrées, Mr. Anglade était des nôtres. Achille est arrivé trop tard pour manger. Nous partons et emportons un très bon souvenir.

le menu figure dans le TU n°6

 

sa personnalité
« On a créé, autour de LANDRY, une lé­gende, derrière laquelle on chercherait vainement un fond de vérité.
« On a dit qu’il était triste, sombre, ta­citurne, et qu’il engendrait la mélan­colie. On l’a présenté sous le triple aspect d’un homme parcimonieux, ladre, avare.
« On le voit de cette façon, si l’on s’en tient à la légende. Mais, tout de suite après, on le voit d’une autre; on ne re­trouve rien du LANDRY légendaire, dès qu’on l’approche.
« Certes, M. Adolphe LANDRY n’est pas aussi gai que son collègue de MORO-GIAFFERI. Ce n’est ni un pince-sans-rire, ni un humoriste. Il est sérieux et pondéré. Mais il a beaucoup d’esprit, du meilleur, dans la voix, quelque chose de gracieux et d’enveloppant, le désir de plaire, une sensibilité qui se laisse deviner, une modestie naturelle, un besoin de bienveillance autour de lui, toutes qualités qui vous mettent à l’aise dès le premier abord.
« LANDRY n’est ni ladre ni avare. Somme toute, il n’a pas la main constamment ouverte de ces petits tricheurs d’argent, soudainement enrichis, on ne sait comment, et qui ont besoin faire croire qu’ils ont gagné une fortune inépuisable. Il n’a pas les prodigalités stupéfian­tes de ees broyeurs d’or qui n’ont pas d’autres moyens d’éblouir les foules.
LANDRY n’est ni un capitaine d’affaires ni un capitaine d’industrie. Il a, comme tout le monde, le sens de la juste mesure. Il ne thésaurise pas, comme l’avare ».
extrait du journal « le Petit Bastiais » (dont Adolphe était propriétaire) – numéro du 18 avril 1928.

témoignages de proches :

témoignage de sa fille Lala : les éléments ci-après sont partiellement redondants avec d’autres données et témoignages, mais nous avons tenu à les reproduire en l’état

Il naquit le 29 septembre 1874 à Ajaccio et décéda e 28 août 1956 à Paris.
Il fit ses études secondaires à Nîmes où son gère était président du Tribunal.
Après avoir obtenu le 1er prix de version latine au concours général, il fut désigné pour venir réparer au lycée Louis Le Grand à Paris Ecole Normale qu’il intégra 1er en 1872.
il fut également diplômé de l’agrégation de philosophie ainsi d’un doctorat es lettres – et d’une licence en droit.Il fut nommé professeur à Toulouse en 1896, à Vendôme en 1897 et à Chaptal en 1898.
En 1897 il se marie avec Lucie Thuillier. De cette union naissent 3 enfants : Hélène (épouse César Campinchi), Letizia et Paul.
Puis il fut nommé à Paris au collège Chaptal En 1901 il publie sa thèse : « l’utilité sociale de la propriété individuelle » qui prônait le régime socialiste.
En 1902 : il publie « la responsabilité pénale »
En 1904 : il publie « (intérêt du capital »
Il consacre de nombreuses publications à l’économie politique, aux finances, à l’histoire de l’art et à la sociologie politique.
En 1905 : il publie « les principes de morale rationnelle”
En 1907, l’Ecole pratique des Hautes Etudes lui confie la chaire d’histoire des faits et des doctrines politiques.
En il publie un  »manuel d’économie” (Influence d’Efferts, question démographique : « les idées de Quesnay sur la population » en 1909).
En 1910 il est élu député de la Corse (radical- socialiste) et est opposé au parti Gavin puis Pietri.
Il fut plusieurs fois président du Conseil Général de la Corse.
Il a insisté sur l’importance du problème de la population en France.
En 1912 il est nommé administrateur de (Alliance Nationale contre la dépopulation puis vice-président jusqu’à sa mort et devient le plus ardent défenseur des familles au Parlement.
En 1913, il fait voter la loi d’assistance aux familles nombreuses.
En 1914 , il fait voter la loi d’indemnités familiales aux officiers, sous-officiers, étendus en 1917 à tous les fonctionnaires civils
En 1915, il lutte pour défendre les intérêts des familles lors de la création de l’impôt sur le revenu, et se préoccupe de la protection des pères de famille dans l’armée.
En 1920, il est nommé Ministre de la Marine sous Millerand et redonne vie à l’Académie de Marine.
En 1924, il est nommé Ministre de (Instruction Publique (3 jours sous François Marchai)
En 1932 il est nommé Ministre du Travail. Il met en place le dispositif administratif pour l’application de la loi sur les assurances sociales et obtient du parlement l’extension des allocations familiales à tous les salariés du commerce et de l’industrie, en 1937 : extension aux salariés agricoles.
il publie les travaux scientifiques suivants :
          – en 1929 : le maximum et l’optimum de la population
          – en 1930 : l’hygiène publique en France
          – en 1934 : la révolution démographique
En 1936 il est président de la société de statistique de Paris.
Action internationale : Congrès en 1937 : travail épuisant (8 volumes publiés)
En 1937 il devient président de l’union internationale pour l’étude scientifique des problèmes de population
22 février 1939 : création du haut comité de la population (5 membres)
Code de la famille : décret du 29 juillet 1939. 1940 : il refuse de voter les pleins pouvoirs à Pétain. Vichy lui enlève la mairie de Calvi et supprime le haut comité de la population.
En 1945, il publie un « traité de démographie » qui sera réédité en 1949 et reste un traité magistral.
Il refuse aux autorités allemandes de faire paraître la « revue internationale » et il fait disparaître les documents. Il préside la première réunion clandestine du parti radical socialiste.
Dès la libération il reprend une activité officielle.
Nommé président de la commission du coût de l’occupation ennemie – Utilise les documents 1941-44 (institut de conjoncture).
Refus de faire partie de l’assemblée consultative (qui n’était pas l’émanation du peuple)
1945 : élu député de la constituante – reconstitution du haut comité consultatif de la population et de la famille, par le Général de Gaulle. Est nommé Président.
1946 : sénateur de la Corse.
19.47: il se rend à New-York remettre sur pied l’union internationale pour l’étude sociale de la population. Nouveaux statuts.
1949 : nommé Président d’honneur
1948 : proposition de loi sur les sociétés anonymes : réforme profonde de régime et du droit de propriété.
1952 : discours : doyen d’âge au Sénat

Janvier 1956 : sa santé l’oblige à renoncer à tout mandat et il ne put vivre longtemps sans servir.

Homme d’une étonnante érudition et d’une culture profonde, qui a toujours témoigné un dévouement permanent total au bien public.
Il avait une culture de base littéraire puis son horizon s’élargit au droit, à l’économie politique, à la sociologie et à la démographie.


témoignage de Maurice LAMY
(même remarque que pour le témoignage précédent)

parmi de nombreux témoignages, nous avons choisi de rappeler en premier lieu l’homélie prononcée par le professeur Maurice LAMY, son neveu, à la séance du 17 juin 1975 consacrée par l’Académie Nationale de Médecine à la science démographique (extrait du Trait d’Union n° 3).

Adolphe Landry était de ces normaliens philosophes qui ont été les fondateurs de la sociologie. De formation littéraire, mais ayant su s’initier aux disciplines scientifiques de l’économie et de la statistique, il a créé de toutes pièces la science démographique, une science neuve, celle des popu­lations, des collectivités humaines et, pourrait-on dire, l’histoire naturelle des sociétés.

Il était né à Ajaccio, en 1874, dans une ancienne famille corse, une famille où les études désintéressées et les valeurs morales avaient toujours été honorées. Son frère fut directeur de l’Institut français de Florence et ses trois sœurs devaient s’illustrer dans la médecine et dans l’action sociale.

Adolphe Landry poursuivit ses études secondaires à Nîmes, où son père présidait le tribunal. Ayant obtenu, au Concours général, le premier prix de vers latins, il fut invité à venir à Paris, au Lycée Louis-le-Grand, pour y préparer le concours d’entrée à l’École normale supérieure. Entré rue d’Ulm le premier de sa promotion, plus tard agrégé de philosophie, il consacra une thèse de doctorat ès lettres à « l’utilité sociale de la propriété individuelle » – une thèse hardie, qui à l’époque surprit quelque peu.

 Après les années d’enseignement à Toulouse d’abord, puis au Collège Chaptal, Landry était appelé, en 1907, à l’École pratique des Hautes Études pour y enseigner l’histoire des doctrines économiques.

Mais, un jour, la politique l’appelle. Opposé au clan bonapartiste resté puissant dans l’île natale de Napoléon, Adolphe Landry devient le porte-drapeau du parti républicain. Député de la Corse dès 1910, plus tard sénateur puis de nouveau député, il remplit les fonctions de Ministre de la Marine, plus brièvement celles de Ministre de l’Éducation nationale. En 1931 et 1932, devenu Ministre du Travail, il impose, nous le dirons, les premières mesures en faveur des familles nombreuses.

Mais notre propos n’est pas de décrire ici le déroulement d’une carrière politique qui toujours servit essentiellement d’armature à une action nationale.

Dès sa jeunesse, il avait aperçu clairement l’importance des problèmes de population, le rôle essentiel du peuplement dans l’élan vital d’une nation, et aussi les conséquences désastreuses d’une chute de sa fécondité.

C’est d’abord en historien qu’il en parle. Étudiant les raisons de la gran­deur et de la chute de l’Hellade, il rappelle que, dans la Grèce de l’Antiquité, la natalité fut longtemps surabondante. Nous en voyous la preuve dans la prolifération de ses colonies autour de la Méditerranée et aussi, au cinquième siècle avant notre ère, au cours de la seconde guerre médique, dans les glo­rieuses victoires qui, à Salamine et à Platées, chassèrent de l’Europe les flottes et la cavalerie de Xerxès. La Grèce, hélas ! devait peu à peu se dépeupler. Cent cinquante ans après leur triomphe sur les Mèdes, Athéniens et Thébains sont écrasés à Chéronée par la phalange de Philippe, une défaite décisive qui permet la domination macédonienne et entraîne l’irrémédiable déclin des cités grecques.

L’histoire romaine répète, trait pour trait, celle de la Grèce antique. Rouie avait eu, aux premiers temps de son histoire, une natalité abondante. Octavus, Decimus, ces noms ne désignaient-ils pas le huitième, le dixième enfant d’une famille ? Après Zama, la rivale carthaginoise définitivement vaincue, la domination romaine s’étend sur la Macédoine, la Grèce, l’Asie méditerranéenne, l’Afrique du Nord, l’Espagne, la Narbonnaise, la Gaule. En moins de trois siècles, une petite province italienne est devenue la maîtresse du monde.

Mais, après quelques siècles, la dépopulation menace, une dépopulation que les lois « natalistes » d’Auguste s’efforcent de combattre en luttant contre l’adultère et la corruption des mœurs, en imposant le mariage aux « ordres », c’est-à-dire aux patriciens, sénateurs et chevaliers, en accordant une aide financière aux pères de trois enfants, le « jus trium liberorum« . D’Auguste à Marc-Aurèle, de Marc-Aurèle à Constantin, la dépopulation, néanmoins, se poursuit et s’aggrave, cette dépopulation qui, écrit Landry, est une decadence, « une décadence dont le caractère fondamental est l’absence d’une foi, ou mieux d’une âme collective« . Sous l’assaut des Barbares, l’empire d’Occident, à son tour, va s’effondrer.

Nous savons peu de choses sur les chiffres de la population française au Moyen Age. Dans le premier tiers du quatorzième siècle, avant le début de la Guerre de Cent Ans et l’invasion de la peste noire, le pays a pu compter dix-neuf ou vingt millions d’habitants.

C’est Vauban qui, dans sa « Dîme royale », fut le premier, chez nous, à manifester un intérêt raisonné et soutenu pour ce qui devait s’appeler plus tard la statistique, c’est-à-dire l’emploi des méthodes applicables à l’étude numérique des phénomènes de masse.

L’ouvrage de Messange et celui, plus important, de Moheau – un pseudonyme assez transparent derrière lequel se cache Montyon – nous donnent de précieux renseignements sur le nombre annuel des naissances et des décès en France dans le dernier tiers du dix-huitième siècle. Jusqu’au milieu de ce siècle, au temps de Louis XV, le chiffre annuel de la mortalité était de trente-trois pour mille mais celui de la natalité était de quarante pour mille, de telle sorte que le mouvement naturel de la population tendait à l’accroître.

Mais déjà les choses ont commencé de changer et de deux façons à la fois : la mortalité s’abaisse mais, dans le même temps, le chiffre annuel des naissances fléchit. C’est bien cela la « Révolution démographique » que décrit Adolphe Landry. Chez nous, le phénomène va se prolonger et accélérer jusqu’aux premières années du vingtième siècle. Certes, il n’est pas limité à notre pays, mais en France il a commencé plus tôt. Chez nos voisins, la décroissance n’a débuté que dans la première moitié du dix-neuvième siècle, parfois dans la seconde, quelquefois à une époque toute récente. Il en résulte de profonds changements dans l’équilibre des pays européens. Vers les années 1910, l’excédent des naissances sur les décès est de plus de huit cent mille en Allemagne, en France de quelques dizaines de milliers seulement, comme s’il manquait à notre pays « cette volonté commune dans le présent » dont parle quelque part Renan. En 1913, chez nous, le nombre des naissances est tombé au-dessous de celui des décès.

Adolphe Landry fût le premier à mesurer le péril qui nous menaçait et à proposer des remèdes. « Parce qu’il était, écrit M. Pierre Laroque, philosophe, historien, sociologue, juriste, économiste, statisticien, il a pu fonder la démographie, tant cette science exige la conjonction de disciplines multiples« .

Mais cet homme d’étude et de réflexion ne s’enferme pas dans sa bibliothèque : il en sort pour engager ou poursuivre le combat. Barrès et Gide après lui ont soutenu l’antinomie de la pensée et de l’action. Toute la carrière d’Adolphe Landry s’inscrit en faux contre ces maximes désabusées.

Dès 1910, jeune député de la Corse, il avait fondé au Palais-Bourbon, avec André Honorât, Ferdinand Buisson et Jules Breton, le groupe de défense des familles nombreuses.

En 1912, il devient l’un des administrateurs de l’Alliance nationale contre la Dépopulation, dont il fut plus tard et resta toujours le vice-président.

En 1913, il fait voter par le Parlement la loi d’assistance aux familles nombreuses et, l’année suivante, l’attribution d’allocations familiales aux officiers et aux sous-officiers. Trois ans plus tard, cette disposition devait être étendue à tous les fonctionnaires civils.

La guerre se termine, glorieuse pour notre nation, mais affreusement dévastatrice. Tués au combat, morts de maladie, « naissances manquées », c’est une perte de plus de trois millions d’êtres qu’elle entraîne pour notre pays.

Nullement découragé devant cette situation désastreuse, Landry accentue son effort. En 1923, sur son initiative, la loi d’encouragement aux familles de plus de deux enfants est substituée à la législation charitable mais surannée d’assistance aux plus malheureuses.

Ministre du Travail en 1932, Adolphe Landry, dès son arrivée rue de Grenelle, met en place le dispositif qui permet l’application de la loi sur les assurances sociales. Il obtient que le bénéfice des allocations familiales soit consenti à tous les salariés du commerce et de l’industrie.

C’est alors qu’il sent la nécessité de compléter sa formation littéraire par des connaissances scientifiques. Il fait, selon le mot d’Alfred Sauvy, « irruption dans le domaine de la technique statistique« . Passant outre aux objections des spécialistes, il propose de nouvelles méthodes pour mesurer la mortalité, la fécondité, les taux de reproduction, la distribution et la structure des populations.

Son action se développe à l’Institut international de Statistique et surtout à l’Union internationale pour l’Etude scientifique des Problèmes de la Population, une association dont, en 1937, il devient le président.

Mais voici de nouveau le bruit des armes et la menace qui pèse, une fois encore, sur notre pays.

Le 22 février 1939, malgré la situation tragique de la France, ou peut-être à cause d’elle, un décret d’Edouard Daladier crée le Haut Comité de la Population, un comité que préside Adolphe Landry, dont vont faire partie avec lui Georges Pernod, Felix Boverat, Robert Debré et Alfred Sauvy, et dont M. Jacques Doublet assure le secrétariat  général.

Le 30 juin, le Haut Comité remet au gouvernement son rapport, un rapport essentiel, fondamental, qui devait devenir le Code de la Famille. Il est adopté le 29 juillet, à la veille de la guerre. Peu de temps après, le Haut Comité est reçu par Paul Reynaud qui, devenu Président du Conseil, écoute d’une oreille attentive les demandes et les recommandations.

Mais les événements se précipitent, c’est la défaite militaire et la lourde occupation de l’ennemi. Fidèle à la démocratie, ayant refusé son adhésion au gouvernement de Vichy, destitué de ses fonctions municipales, menacé dans sa liberté, Landry se consacre à la rédaction de ce Traité de Démographie qui, la libération venue, est publié en 1945, avec plusieurs collaborateurs, dont Alfred Sauvy.

Cette année 1945, le Haut Comité de la Population, qui avait été sup­primé par le gouvernement de Vichy, est reconstitué par le Général de Gaulle qui en assume personnellement la présidence. L’année suivante, en 1946, Adolphe Landry soumet à ce Comité et fait adopter par le Parlement un projet qui régit encore notre système d’allocations.

Sans nul doute, ces lois protectrices de la famille, ces lois bienfaisantes ont provoqué l’extraordinaire redressement démographique de notre nation. Pour la première fois, un pays, au bord d’un effondrement définitif, est reparti d’un élan vigoureux vers une nouvelle destinée.

En 1952, doyen d’âge du Conseil de la République, Adolphe Landry prononce devant la Haute Assemblée un discours qui a toute la gravité, la solennité d’un testament. Pour la dernière fois, il rappelle à tous l’impor­tance de ces phénomènes démographiques à l’analyse desquels il a consacré son existence tout entière. « La grandeur d’une nation, s’écrit-il, est fondée sur le nombre et sur la qualité des hommes« .

Pendant quatre ans la maladie va éteindre sa voix. En 1956, Adolphe Landry meurt dans sa paisible demeure qu’abritent les arbres de la villa Montmorency.

Ayant parlé de l’œuvre, il nous reste à dessiner les traits de l’homme. Un portrait difficile. De haute taille, un beau visage régulier, les yeux sombres, profonds sous les orbites, méditatif, réservé, secret, austère, d’un abord sévère, Adolphe Landry intimidait.

Seuls ses collaborateurs les plus intimes et ses proches parents connaissaient la générosité de son âme et la bonté de son cœur. Dans la maison familiale de Picardie où il passait de studieuses vacances, enfants, petits-enfants, neveux, nièces se groupaient autour de lui dans la confiance et l’affection.

C’est là qu’il nous montrait la richesse et la diversité de ses dons et l’universalité de sa culture, devant son piano, jouant parfois à quatre mains avec une de ses filles, interprétant Mozart, s’enthousiasmant pour Wagner, ou encore évoquant tel chef d’œuvre que garde le Louvre, les chasses de Maximilien, ou bien cette stèle du Roi-Serpent devant laquelle, certains dimanches, il aimait méditer sur la naissance d’une civilisation.

Sa culture gréco-latine était immense. Je me souviens d’une conversation sur les Tusculanes et les Verrines de Cicéron, et d’une autre sur ce passage de Virgile où Anchise rappelle à Enée que la mission de Rome est de gouverner le monde : Tu regere populos imperio, Romane, memento… (Enéide, VI, 852).

Il cultivait parfois le calembour, et aussi le paradoxe, un reste peut-être des « canulars » traditionnels de la rue d’Ulm. Que de fois l’avons-nous entendu soutenir que rien de bon n’avait été écrit en France depuis Villon.

Voilà qui ne l’empêchait pas de connaître et d’admirer les envolées de Bossuet et de Chateaubriand, et aussi la sobriété dépouillée d’un Diderot et d’un Paul-Louis Courier.

Que dire encore d’Adolphe Landry, sinon sa puissance de travail, son complet désintéressement, la sévérité qu’il exigeait des autres comme de lui-même, la hauteur d’une pensée et d’une conversation qui jamais ne condescendait à la vulgarité ni ne s’abaissait à l’insignifiance.

C’est à Ajaccio, dans la tombe familiale, qu’Adolphe Landry a voulu reposer. M. Matteo Connet, l’un des plus anciens, des plus fidèles, des plus aimés de ses collaborateurs, nous a décrit « cet ultime voyage sur la route des Sanguinaires, sur l’antique chaussée ajaccienne bordée de tombeaux, par une journée blonde, parmi les cystes, les bruyères et les cyprès« .

En vérité, Adolphe Landry, dont le nom devrait être mieux connu et l’œuvre mieux célébrée, mérite la reconnaissance de notre nation. Mais il a fait davantage. Le monde lui doit la fondation, la création de cette science démographique, dont l’étude devrait être aujourd’hui la préoccupation majeure de tous ceux qui se soucient de l’avenir de l’humanité.
(extrait du bulletin de l’Académie Nationale de Médecine – tome 159 – n°6)

« L’homme et sa légende » : CALVI rend hommage à Adolphe Landry son illustre maire le 16 novembre 1996.

Salle des fêtes de l’hôtel de ville : le maire, Ange Santini, Philippe Delmas petit-fils d’Adolphe Lan­dry), Antoine Luciani (ancien conseiller municipal de Landry); les universitaires intervenant au dé­bat : Marie-Josée Loverini, Jacqueline Sauvageot (petite-nièce d’Adolphe Landry), Bernard Raffali, Irène Delaiain, Paul-Marie Romani.
De l’infiniment petit, mai­re de Calvi de 1910 à 1954, à l’infiniment grand « président de l’Union Internationale pour l’Etude scientifique des problèmes de population”, Adolphe Landry (1874 – 1956) fut un humaniste au sens no­ble du terme.
Mais nul n’étant prophète en son pays, cet homme ex­ceptionnel qui s’est notam­ment distingué par une bril­lante carrière politique à l’échelle nationale, et dont les traités d’économie font encore référence est para­doxalement méconnu des jeunes générations. Il méri­tait d’être à nouveau sous les feux des projecteurs.
Et depuis hier, c’est chose faite à Calvi sous l’impulsion du maire, Ange Santini et du comité d’organisation, un colloque et une exposition lui sont consacrés : 
”A l’occasion du 40 an­niversaire la ville de Calvi, dont il a été maire pendant 37 ans a souhaité lui rendre hommage en lui consacrant une conférence et une expo­sition photographique, qui re­traceront les moments impor­tants de sa vie personnelle et politique ».
« Cet évènement a pour objectif de faire connaître aux Calvais. un des personnages illustres jamais célébrés jusqu’alors et dont l’action a été déterminante pour le développement de leur ville. 

Homme de courage
Elu député (radical-socia­liste) de la Corse en 1910, il aura comme adversaires in­sulaires (parfois acharnés) le parti de Gavini puis celui de François Pietri. Plusieurs fois ministre, (du travail en 1932) homme de gauche, il ob­tient du parlement que le bé­néfice des allocations socia­les soit attribué à tous les salariés du commerce et de l’industrie. Cette loi sera étendue aux salariés agrico­les en 1937. ra pas; il sera démit de ses fonctions de maire de Calvi et le Haut Comité de la Popu­lation sera supprimé. Il pré­side alors la première réu­nion clandestine du parti radical-Socialiste et ouvre sa maison aux résistants…
Il n’en poursuit pas moins son activité d’économiste – au sein de l’Union Internatio­nale pour l’Etude scientifi­que de la population – et de législateur, il est nommé sé­nateur de la Corse en 1946…
Quant à l’exposition, dont le vernissage a eu lieu hier après-midi elle réunit 25 do­cuments photographiques, dont certains ont été aima­blement prêtés par son petit- fils, Philippe Delmas.
On peut aussi y voir des délibérations du conseil mu­nicipal et des actes d’Etat ci­vil pendant sa mandature… Cette exposition sera ouverte au public à compter de de­main lundi 18 et ce jusqu’au 29 novembre, dans la salle des fêtes de l’hôtel de ville.

Les actes de cet important colloque sont malheureusement restés inédits. Nous disposons du programme, avec la liste des contributions : cliquez ici (nous n’avons pas su remettre droit …) – et d’un tirage des communications elles-mêmes sur papier (épaisseur : 44mm) – à la disposition des lecteurs intéressés.

« Adolphe Landry, économiste, démographe et législateur » 

Du 3 au 6 septembre s’est tenu à l’Université de Corse à Corte un colloque international sur « Adolphe Landry, économiste, démographe et législateur ». Cinquante communications  ont été présentées par Universitaires venant, outre France, de New York, Lausanne, de Pise, de Cagliari, de Graz, de Pennsylvanie, d’Oxford, de Stuttgart, de Budapest et d’Ontario.
A cette occasion, l’amphithéâtre de la faculté de Droit et des Sciences Economiques de Corte a été baptisé « Adolphe et Timothée Landry » (ce dernier, père d’Adolphe, fût un juriste éminent) – accessoirement, il était magistrat, donc a-politique, ca qui a permis à l’Université de se déclarer de même.
En présence de Jacqueline Sauvageot (bien connue de l’Université pour y avoir exercé ses talents de professeur), sa sœur Lilla Merigaud, de sa fille Marion et de sa famille, de Marie-Claude Lantz et de Philippe Delmas.

Les actes de cet important colloque sur « Adolphe LANDRY, économiste, démographe et législateur » sont malheureusement restés inédits.    
Nous disposons du programme, avec la liste des contributions : cliquez ici (nous n’avons pas su remettre droit …) – et d’un tirage des communications elles-mêmes sur papier (épaisseur : 44mm) – à la disposition des lecteurs intéressés.

publications sous un pseudonyme :

RYNALD
C’est l’anagramme de LANDRY, « à connotation poétique, exotique et symboliste » – et c’est le pseudonyme sous lequel notre ancêtre publie, en 1894, à 20 ans, alors qu’il était à l’Ecole Normale, quelques articles dans la revue GRINGOIRE (celle avec laquelle son futur gendre, César CAMPINCHI, a eu, quarante ans après, maille à partir : voyez l’article sur ce dernier).
Parmi ces articles : « Amours jeunes »  exprime « une passion : transport de la jeunesse, trouble de la timidité, émotion exaltée, vanité de la conquète, piquant de l’inconnu, délire de l’imagination qui brode autour d’une image » (extrait d’une communication de Marie-Hélène FERRANDINI au Colloque ci-après). – cliquez ici pour voir l’article.

Adolphe MEURON
C’est un autre pseudonyme utilisé par notre ancêtre – nous n’avons trouvé, sous cette signature, qu’un pamphlet électoral (14 pages !) « INTERET SOCIAL ET LIBERTE » paru dans la Revue Socialiste, numéro de juillet à décembre 1895 (nous n’avons pas pensé utile de le reproduire ici).

Adolphe LANDRY : de nouveaux documents

Nous continuons à dépouiller les cartons d’archives concernant notre aïeul – lequel, toujours fort universel, avait écrit les deux articles suivants (que nous avons eu la chance de pouvoir nous procurer dans leur édition d’origine !) :
– 
pour la reconstitution de la France – article prémonitoire, publié en 1917, en pleine guerre;
– le problème de l’habitation et les classes moyennes.
Vous pouvez voir ces documents en cliquant ici.

sur Karl MARX : Adolphe LANDRY a écrit en 1904 un livre : « l’éthique de Karl MARX  » – 24 pages – qui ne figure pas souvent dans ses nombreuses bibliographies.
En voici le début : « Ce n’est pas entreprendre une tâche aisée que de vouloir traiter des idées morales de Karl MARX. Nulle part en effet dans l’œuvre de MARX ses idées ne sont exposées d’une manière systématique ».
Et voici une partie de la conclusion : « Et il faut gravement (sic) louer MARX, il faut lui avoir beaucoup de gré d’avoir combattu comme il a fait l’idéologie, la sentimentalité, l’optimisme des philosophes. Par leur ignorance de leur temps, par leur confiance, encore, en la vertu de leurs formules, ils se condamnent à n’aider en rien au progrès, lorsqu’ils ne mettent pas, même, obstacle au progrès ».

sur quelques pratiques électorales en Corse : voyez ici.

« Montée des salaires et montée des prix » : c’est le titre d’un article publié en 1937 par notre ancêtre (sous son nom) à propos des relèvements de salaires et autres avantages accordés à la suite des émeutes de 1934, avantages « représentant un enchérissement de la main-d’oeuvre estimé à quelque 40 % ».
Nous en extrayons quelques passages.
« En somme, l’aggravation excessive des charges de la production aura pour conséquence que des établissements seront obligés de s’arrêter, que d’autres verront leur activité se réduire; et elle tendra à créer du chômage ».
« Les représentants de la classe ouvrière organisée ont insisté pour la semaine de 40 heures, avec l’idée – à mon avis discutable – que cette réforme supprimerait ou du moins atténuerait le chômage ».
« La hausse des prix à laquelle nous assistons résulte … surtout, de la cherté accrue de la main-d’oeuvre ».
« La vérité est qu’il y a, pour l’amélioration réelle de la condition des salariés, une limite, et que la marge dont on dispose est plus étroite qu’on est porté à l’imaginer. Il serait important que ceci fût bien compris des dirigeants, mais il importerait aussi de le dire aux masses, et de réussir à le leur faire admettre ».

On est loin du futur thésard sur « l’utilité sociale de la propriété individuelle » ! 
Et l’on pense à Mai 1968, ainsi qu’aux 35 heures …..  

 

autres éléments : on trouve sur internet de nombreux éléments sur divers sites, et notamment les suivants :
     – la Fondation des Sciences de l’Homme (il y existe 287 entrées !);
     – Contrepoint et CAIRN;
     – Gallica;
     – Persée;
     – la résistance corse;
     – anciens sénateurs de la IVème République (avec un bon rappel de sa carrière politique).

quelques autres témoignages :

d’ Alfred SAUVY, professeur au Collège de France, à propos de ses actions en faveur de la démographie : « …il faut citer au premier plan Adolphe LANDRY… Les réputations des hommes ne sont certes pas en rapport avec les services qu’ils ont rendus…NAPOLEON et LANDRY, étrange association de noms, que tant de gens trouveront ridiculement déséquilibrée ! De ces deux enfants de Corse, le second a fait gagner à la France plus de vies humaines que le premier en fit perdre. »

de Pierre LAROQUE, Directeur général de la Sécurité Sociale : « il était « philosophe, historien, sociologue, juriste, économiste, statisticn.

de Pierre CHAUNU, membre de l’Institut : « Salut à Landry, le Père Courage » … « la chance de la France fût que ce savant tranquille entra en politique. » … »on peut encore trouver dans son œuvre ce qui aujourd’hui manque le plus : la lucidité et le courage ».

de Philippe DELMAS, l’un de ses petits-fils (tout confus de s’égaler ici aux illustres personnes précédentes…) : J’ai lu quelques-uns des ouvrages de mon grand-père, et j’en suis toujours stupéfait !
Il avait le rare talent, traitant un sujet, de l’ « épuiser », d’en « faire le tour » : vous pouvez passer derrière, vous ne ferez pas mieux !
Ce qui permet d’invoquer l’ « actualité » de ses écrits. 
Seule restriction, bien évidente : compte tenu des données du moment ! A titre d’exemple, son Traité de Démographie a longtemps fait autorité – mais, aujourd’hui, plusieurs pans en sont dépassés, car la science démographique, enrichie de statistiques accumulées, a grandement évolué – encore que, en 2020, le livre « la révolution démographique » ait été réimprimé !
On peut exprimer la même idée en posant que, pour traiter un problème quelconque qui se présente à vous, il y a deux manières :
– le traiter à fond, ce qui procure l’avantage, lorsque se présente un nouveau problème similaire ou proche, de disposer de la méthode pour le traiter rapidement et correctement;
– l’évacuer par une pirouette, qui, certes, constitue un traitement, mais superficiel.
note personnelle : je recommande toujours la première méthode que j’ai essayée de pratiquer toute ma vie, professionnelle aussi bien que familiale;
Par ailleurs, mon grand-père a abordé des sujets très divers, comme professeur ou comme homme politique : là encore, en approfondissant chaque sujet – des bourses de commerce aux traitements des fonctionnaires en passant par les dommages de guerre et la structure sociale des sociétés anonymes – il manifestait un intérêt particulier pour tous les sujets qui passaient à sa portée…
A voir tous ses écrits, on pense au mot « érudition » – qui nous fait nous interroger sur l’absence, à l’époque, de sources telles qu’internet !
– on trouve, dans les nombreux papiers qu’il a laissés, de sa petite écriture fine, d’innombrables essais, commentaires, notes en réserve, etc.;
– et on trouve une très importante correspondance : il n’était pas le savant isolé dans sa haute compétence, mais la personne humaine pleine de gentillesse, aimant nouer des contacts et rendre des services;
– une petite illustration : quand je suis arrivé à Fez, au Maroc, faire mon service militaire, j’ai a été convoqué au Bureau d’ordre qui m’a signifié de me rendre auprès du Président du Tribunal – j’ai craint un moment que l’autorité militaire n’ait pris en considération (un peu tard…) ma licence en droit, pour me verser dans la Justice militaire : j’ai été accueilli avec une grande chaleur par ce Président : « votre grand père me signale votre arrivée : il y a 17 familles corses dans cette ville : vous avez 17 déjeuners, le dimanche, retenus ».
Un mot encore sur le style : la rédaction est fluide, très lisible – il n’y a qu’une idée par phrase (alors que certains journalistes actuels se croient malins d’exposer leur prétendue intelligence en exposant trois idées et quatre incidentes dans la même phrase !).
Qu’il me soit permis d’indiquer que la publication de sa thèse principale « de l’utilité sociale de la propriété individuelle » a fait quelque bruit !
– en voici la première phrase : « On a dessein d’étudier, dans ce livre, les déperditions de richesse qui résultent nécessairement, pour la société, du régime présent de la propriété, en d’autre termes, de montrer par où et dans quelle mesure ce régime est contraire à l’intérêt général »;
et voici des extraits de la conclusion (point 337, page 409) : « C’est une étude purement économique que celle que l’on a lue…. Mais à côté des fins purement économiques, il y a pour l’humanité des fins esthétiques, intellectuelles, morales, dont l’utilitaire lui-même ne doit pas se désintéresser : et il se pourrait que le régime individualiste mieux que l’autre permît à l’humanité de réaliser ces fins« 
– et, plus loin : « S’il nous était permis d’exprimer notre sentiment, nous dirions sans hésiter qu’à tous égards la substitution de la propriété collective à la propriété individuelle nous paraît désirable, que, pour nous, l’abolition de la propriété privée satisferait à la fois toutes les aspirations de ceux qui veulent le progrès social« .

Et voici les commentaires rassemblés par l’INED (Institut National d’Etudes Démograpbhiques) :
En 1901, il soutint, à la Sorbonne, sa thèse : « L’utilité sociale de la propriété individuelle ». Landry y attaquait la propriété individuelle et prônait le régime socialiste. Cette thèse lit alors sensation par ses idées progressistes, comme en témoignent de nombreuses coupures de presse de l’époque, tel cet article du Temps (du 5 juin 1901) intitulé: «Le Collectivisme en Sorbonne»; l’auteur y est heureusement surpris d’entendre, au lieu d’un morne plaidoyer, une fougueuse attaque : « … Collectiviste, c’est bien du collectivisme, dont il a parlé et par qui il a vaincu… ». Un autre article, dans le Journal des Débats du 2 juin 1901, porte le même titre; L’Echo de l’Est mentionne également cette thèse, ainsi que la informa Sociale du 15 août 1901. Dans La Lanterne du 13 août 1901, Georges Renard parle du jeune auteur de cette intéressante thèse. Le Petit Parisien (3 juin 1901), sous le litre « Le socialisme en Sorbonne », fait son éloge et ajoute : « Landry a démontré <jue la propriété individuelle forme obstacle à la production, entrave la distribution des produits et, par conséquent, restreint la repopulation… »

Enfin, La Croix du 4 juin 1901 s’indigne : « Comment une si audacieuse manifestation n’est-elle pas refoulée par l’autorité uni­versitaire ? »

Voici quelques appréciations critiques relevées par Landry lui- même et ainsi commentées par lui en manuscrit : « Le Journal des Economistes, dans le deuxième semestre de 1901, me traite d’imbé­cile; The Economie Journal, mars 1902, me reproche de ne pas être de mon temps (pas assez pratique) ». Assertions théoriques d’allure scientifique, avec insuffisamment de preuves. Des périodiques alle­mands reconnaissent le sérieux du travail. The Economie Remet», avril 1902 : « W. Middleton signale la probité scientifique, dit que le livre fait penser et est excellent dans le détail».

de quelques pratiques électorales en Corse

Ayant été battu (de 76 voix) aux élections pour la députation en Corse en 1932, Adolphe LANDRY a présenté un mémoire de protestation (35 pages, dont 36 pièces justificatives) dont nous extrayons quelques arguments :
– M. Jacques L. est porté comme ayant émargé alors qu’il était décédé;
– M. Jean C., inscrit localement, a été nommé à Paris avec prise de fonctions obligatoire le jour du vote;
– des électeurs inscrits, employés comme fonctionnaires à Paris, ont reçu une obligation de présence à leur poste « pour raison de service » le jour du vote;
– M. Jean-Sauveur S., porté comme ayant émargé, était incarcéré – il est passé devant les assises d’une autre ville le jour de l’élection;
– MM Paul B., Philippe F. et Ange-Antoine P. ont chacun voté deux fois, dans deux communes différentes;
– de très nombreux électeurs inscrits, détachés comme fonctionnaires au Maroc et en Tunisie, n’ont pas bénéficié des instructions habituelles pour que leur venue pour les élections ne soit pas défalquée de leurs congés annuels;
– pour certaines de ses tournées électorales, le candidat par la suite élu a utilisé la voiture automobile du commandant de la Marine d’Ajaccio, portant le fanion de la Marine et conduit par un matelot en uniforme;
– à Murzo, lors du dépouillement, des bulletins au nom du candidat batu ont été lus au nom du candidat élu; quand un scrutateur a demandé un nouveau comptage, le Président du bureau a ordonné au garde-champètre d’aller immédiatement bruler les bulletins.

notre source est sure : il s’agit d’un dossier des Archives centrales de la Direction des Renseignements Généraux de la Préfecture de police de Paris –  référence 146149

Note : la protestation n’a pas abouti – Adolphe LANDRY n’a pas été député entre 1932 et 1936.

On doit par ailleurs indiquer que les blessés à l’occasion de rixes pré-électorales étaient déposés anonymement (comme les enfants abandonnés autrefois) sur le perron de la clinique tenue par le Docteur Roger DOUBRERE et son épouse (dont philippe Delmas est par la suite devenu le gendre) sur la route reliant la ville d’Ajaccio à son aéroport – quand ils s’estimaient guéris, les blessés disparaissaient par la fenêtre.

comment se faire louanger par la presse

En 1923, Adolphe LANDRY, député de la Corse, a acheté « le Petit Bastiais », quotidien de bonne audience en Corse à l’époque.

Par actes notariés (dont nous disposons), il a acquis le fonds de commerce, et il l’a immédiatement donné à bail à celui qui l’exploitait alors, M. CORDIER, « qui prendra le titre de Directeur ».                                                       
On y lit : « Monsieur CORDIER s’engage à se conformer strictement, au point de vue politique et en ce qui concerne la rédaction générale des journaux ci-dessus visés, aux directives de Monsieur LANDRY, lequel aura seul le droit de choisir les rédacteurs. Monsieur CORDIER fera les insertions ou les suppressions qui lui seront demandées par Monsieur LANDRY, ou par les personnes qu’il aura désignées. »

Le nom d’Adolphe LANDRY n’apparait pas sur le pavé d’identification (appelé « l’ours ») designant, notamment, le Responsable de la publication. 

Nous ne savons pas quand l’aventure s’est terminée :
– le bail, et ses quelques avenants de prolongation dont nous disposons, étaient à terme fixe, sans tacite reconduction : point n’était besoin d’un acte pour y mettre fin;
– le fonds lui-même ne figure pas dans les documents dont nous disposons relatifs à la succession d’Adolphe LANDRY.

un pamphlet électoral 

Les périodes électorales voient se développer la contestation.

Nous avons retrouvé un ouvrage, daté de 1932, contre une candidature d’Adolphe LANDRY à la députation, sous la forme d’un petit livre de bel aspect, à tirage limité (300 ex.), sur beau papier (vergé filigrané « hollande »).

Cet ouvrage, dont le titre semble annoncer un contenu charmant et poétique, contient en fait des arguments vachards et sans délicatesse, par exemple dans un chapitre « qu’as-tu fais du fric, Adolphe ? » (les arguments sont spécifiques de la période : nous ne pensons pas utile de les reproduire).

Nous ne savons pas comment un exemplaire est parvenu dans les mains de notre ancètre, de qui nous l’avons recueilli.

Auriez-vous connaissance de pamphlets ou tracts électoraux si bien présentés ?

son rapport de 1905 sur le colonialisme 

Lise ALCHAMI nous transmet (en mars 2021) un ouvrage dont nous extrayons les passages suivants – merci Lise.

Dès le début du conflit de 1914-1918, l’État français se tourna massivement vers son empire colonial pour compléter les forces de travail embauchées dans les usines de guerre et pour étoffer les troupes envoyées au front.
……
L’afflux de plusieurs centaines de milliers d’individus venus de contrées lointaines provoqua des réflexes de méfiance et parfois des rejets.

Étant donné que les citoyens français étaient au front, ces travailleurs furent en contact avec les femmes de soldats.
Des amitiés, des rela­tions amoureuses se nouèrent entre des hommes venus d’ailleurs et des femmes du pays, ce qui alimenta une nouvelle hantise au sein des élites républicaines : la crainte des métissages.
Pour les éviter, les travailleurs coloniaux furent parqués dans des baraquements et leurs déplacements surveillés grâce à la mise en place des premières cartes d’identité en 1917.
…..
Ces mesures discriminatoires à l’égard des individus issus de l’empire colonial marquèrent la première étape d’une politique d’immigration dont les grandes lignes avaient été tracées dès 1915 par Adolphe LANDRY.
Dans le rapport qu’il rédigea à la demande du gouvernement, Landry détailla toute une série de mesures pour ne pas « créer chez nous des sortes de colonies échappant à toute assimilation ». Soucieux d’éviter que ces recrutements « soient de nature à altérer trop profondément notre race», il proposa aussi de privilégier l’im­migration d’individus « proches de notre civilisation ».
Landry prit soin, néanmoins, d’ajouter que la France ne pouvait pas appliquer « la législation américaine ou la législation anglaise sur les étrangers indésirables », car ce serait contraire aux « traditions de notre pays ».
….
.Étant donné que toute l’économie française dépendait du recrutement massif de la main-d’œuvre étrangère, les polémiques sur le sujet cessèrent provisoirement d’être placées au centre de l’actualité.
Comme il fallait aussi résoudre la crise démographique aggravée par l’hécatombe de la guerre, les dirigeants républicains lancèrent une nouvelle réforme du code de la nationalité. La loi adoptée le 10 août 1927 facilita les naturalisations.
…..
Premier aspect de la politique protectionniste présentée dans le rapport LANDRY cité plus haut : s’assurer que les nouveaux français étaient complè­tement assimilés pour éviter qu’ils ne deviennent des ennemis de l’intérieur.
…..
Les mesures visant à protéger la race française ne furent pas inscrites noir sur blanc dans le texte de la loi. Néanmoins son rapporteur à la chambre, le député André MALLARMÉ, insista également sur ce point: « Il ne faut pas que l’intégrité de notre race se trouve en péril ».

 nous vous laissons le soin de replacer ces idées dans le cadre de l’époque : nous sommes en 1905 – l’esclavage n’a été aboli qu’en 1848 (avec indemnisation … des propriétaires).

nous vous suggérons par ailleurs de voir ou revoir l’ouvrage « Noirs et Blancs » de notre parent Jacques WEULERSSE cliquez ici.

c’est l’occasion de rappeler que Jacques formait, avec Adolphe et avec Joseph CHAPPEY, le trio de normaliens à la table d’Alfred THUILLIER, fils de « manouvrier » (ouvrier agricole), ayant parlé le picard avant le français, et n’ayant pas dépassé l’école communale – il faut le faire ! (expression familière figurant dans le Larousse).

* Stéphane Beaud et Gérard Noiriel –  « Race et sciences sociales » – février 2021 – Agonne éditeur